Mode, costumes a Paris
Cette rubrique vous invite à découvrir la mode, le costume, le vêtement d'autrefois à Paris, consignant les modes des Parisiens d'antan, leurs costumes, leurs robes, leurs vêtements, chapeaux, gants, chaussures, gilets, corset, jupons, pantalon, jupes, les accessoires tels que l'ombrelle, le parapluie, le sac, les lunettes etc., ou encore les coiffures.
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LA MODE SOUS LE PREMIER EMPIRE
(D'après Les Modes de Paris 1797-1897, par Octave Uzanne, paru en 1898)

Quittons la Cour ; passons à la Ville et observons les modes parisiennes au

Le patinage sur le bassin de La Vilette (1811)

milieu du bruit et des plaisirs publics. Le Ier janvier 1806 mit un terme au Calendrier Républicain qui avait été appliqué durant treize ans et un peu plus de trois mois ; l'an XIV fut interrompu brusquement au début de nivôse, et l'on revint au calendrier grégorien dans les actes publics et privés, dans les correspondances, journaux et toutes les feuilles imprimées, sans qu'il y eût de dissidences. Les dernières traces de la République disparaissaient ainsi.

La France était tout à son idole, au triomphateur. Partout on célébrait son retour dans un débordement d'enthousiasme. De la rue montaient des cris de gloire : « Victoire ! victoire ! vive la Grande Armée! vive l'Empereur! » – A l'Opéra, dans les principaux théâtres de Paris, on chantait des chœurs à Napoléon le Grand, les soldats qu'on rencontrait étaient traités en héros. Esmenard, le barde impérial, convoquait les muses à fêter le guerrier ; la nation entière était secouée dans son patriotisme le plus ardent.

Le luxe et l'élégance s'affichaient maintenant de tous côtés ; les soirées officielles, les bals, les concerts se succédaient sans relâche dans la nouvelle société parisienne ; les sénateurs, les membres du Corps législatif, les maréchaux de l'Empire offraient des fêtes incomparables au souverain ; les uniformes éclatants des officiers de l'armée se mariaient aux robes chargées de pierreries dans l'éblouissement des lumières et des fleurs ; jamais on n'approcha si près de l'incroyable magie des contes bleus, jamais peut-être aussi les femmes n'encadrèrent leur jeunesse et leur beauté dans plus de magnificence, de splendeur et d'apparat.

La mode était encore sinon aux nudités voilées, du moins aux demi-transparences, au nu relatif. En dépit du froid, les courageuses Françaises allaient à la promenade les brasà peine couverts, la gorge entr'ouverte, le pied mignonnement emprisonné dans la soie et le soulier à jour ; de même que les

Campement de cosaques aux Champs-Elysées
(1814)
hommes bravaient la mort pour la gloire, elles aussi bravaient la camarde pour le plaisir et la galanterie. Les coquettes les plus frileuses couraient sur les boulevards et visitaient les boutiques dans une légère redingote fourrée avec collet de cygne, un voile encapuchonnant la capote, quelquefois une palatine ajoutée au schall ou le schall doublant la redingote. Le Witzchoura n'apparaissait pas encore et le manchon n'avait plus les dimensions d'un gros fùt d'un mètre ainsi que ceux du Directoire.

La coupe des robes habillées était plus étoffée qu'autrefois, bien que la taille fût très courte et fit saillir les seins plus haut que la nature ne semble l'indiquer. On employait plusieurs aunes de mousseline à la confection de la robe et du corsage ; le dos d'une femme en toilette était élargi par les épaulettes, cassé en rond par le décolletage, mettant en valeur les grâces du cou et les beautés attirantes de la nuque ; peu de fard ou de poudre aux joues, une pâleur mate et naturelle était dans le goût du jour ainsi que des cheveux en désordre ; les Titus revenaient avec davantage de frisons sur la tempe et le front ; les diadèmes et les bandeaux se portaient généralement. Aux jupes moulant le corps, on ajoutait, de ci, de là, partout une profusion de fleurs.

Les guirlandes de roses de Bengale, l'héliotrope, le jasmin, l'œillet, le laurier rose et blanc, la rose bleue furent tour à tour très portés, surtout à la fin de l'Empire, quand les modes troubadour, les chapeaux à créneaux, les manches à la mameluck, les cheveux à l'enfant nous apportèrent un je ne sais quoi de gothique et de féodal qui concordait si bien avec la littérature romancière

sombre, contournée, sentimentale et niaise de Ducray-Duminil, de Mmes Radcliffe ou de Chastenay.

De 1806 à 1809 on se couvrit de bijoux à ce point que les femmes semblaient des vitrines ambulantes ; aux doigts les bagues s'étageaient ; les chaînes d'or faisaient jusqu'à huit fois le tour du cou, les pendeloques lourdes et massives tiraient le lobe de l'oreille, aux bras serpentaient la ciselure et l'émail des bracelets de toutes formes ; les colliers de perles en torsades ou en franges ornaient les coiffures en cheveux, formant bourrelet sur le devant et parfois retombant sur l'épaule. De longues épingles d'or fixaient les cheveux relevés à la chinoise ; les diadèmes, formés d'une feuille de laurier, or et diamants d'un côté, d'une branche d'olivier, or et perles de l'autre, ceignaient le front des élégantes.

Les peignes se composaient d'une branche de saule pleureur, or, diamants et perles, beaucoup de colliers, dont le plus apprécié était le collier au vainqueur, mélange singulier de cœurs en cornaline, en bois de palmier, en sardoine, en
malachite, en lapis, suspendus à une chaîne d'or. La boite à odeurs du dernier goût s'appelait bouton de rose ; le dessus était émail et or ; la fleur, finement tracée en perles fines, se trouvait peinte sous la forme réelle d'un bouton d'églantier.

Le luxe des bijoux fut tel que la réaction arriva, et qu'ils furent peu à peu proscrits; on commença par porter les brillants sur des montures invisibles, à

enfiler les perles, l'ambre, l'améthyste, la cornaline, l'agate, sur un simple cordon de soie ; puis insensiblement on relégua le tout dans les coffrets, et le suprême bon ton aux environs de 1810 fut de se montrer d'une sobriété absolue dans l'étalage de tous ses colifichets.

Pour les hommes une mode qui se généralisa fut celle du Soleil levant. Toutes les ciselures furent faites au Soleil levant ; la garde de l'épée, les boucles, les boutons de métal, la boîte de montre, les parties brodées... Partout des aurores. – Le pourquoi de cette vogue d'un goût japonais : emblème ou caprice ? – On n'en sut jamais rien.

La journée d'une coquette impériale était entièrement livrée aux menus soins de la toilette. A son petit lever, elle se plongeait dans un bain chinois, à pâte d'amande parfumée, se faisait polir, poncer, essencer ; elle passait de la manucure au pédicure, puis elle endossait une capote de mousseline brodée à tablier et déjeunait. Alors arrivaient les marchandes, les lingères et modistes et l'indispensable professeur de salut et de présentation, le démonstrateur émérite de la danse à caractère, qu'on désignait sous le nom de M. Courbette et qui, durant une heure, apprenait à allonger, arrondir, gracieuser le bras, à saluer de la main, à faire révérence, à se tenir sur la hanche droite ou gauche, et qui terminait la séance par une lumineuse analyse sur la Morale de la danse terre à terre. Le secrétaire succédait au maître danseur ; il écrivait quelques courtes missives et vite était congédié. C'était l'heure de la promenade au Bois de Boulogne et à Bagatelle. La nymphe légère vêtissait l'amazone, se lançait sur un coursier superbe ou bien faisait atteler sa calèche à parasol ou son cabriolet couleur d'écaille pour aller faire admirer ses charmes dans quelque fête champêtre.


A
u retour de la course, elle venait juger de l'effet de certaine robe grecque exécutée sur un dessin nouveau, et, passant dans son boudoir antique, elle donnait audience à son coiffeur.

Celui-ci était déjà venu le matin préparer ses cheveux à la Titus, dont il n'avait laissé paraître que quelques crochets s'échappant d'un petit bonnet. Maintenant, il se présentait pour le grand œuvre, l'œil rêveur, posant à l'artiste, cherchant l'inspiration et tenant d'une main un croquis représentant Mlle Mars ou la Duchesnois, et de l'autre un petit bandeau de mousseline imitant un schall, tant le tissu en était coloré et souple. Il regardait tour à tour le croquis et la tête de la belle indolente, puis il mariait habilement l'étoffe et les cheveux, laissant tomber sur l'épaule gauche les deux bouts inégaux du schall rouge ou jaune : alors, se retirant en arrière, clignant de l'œil à la glace, il demandait à la petite-maîtresse si cette coiffure à la Benjamin ou à la Siméon était de son goût, jurant pour sa part qu'elle seyait à merveille au caractère piquant de sa figure.

Le soir, dans une robe garnie en peluche de soie ou dans une tunique de crêpe blanc relevé de satin, elle prenait une loge aux Bouffons ou bien allait entendre Elleviou, la coqueluche de Paris, à moins qu'elle ne préférât applaudir Brunet dans Ma Tante Urlurette. – Un souper l'attendait au retour du théâtre ; quelques tables de jeu retenaient ses amis, et ce n'était pas avant une heure avancée de la nuit que la grande coquette de l'Empire s'abandonnait aux mains de ses femmes de chambre et se couchait exténuée dans sa fine toile de Hollande, la

tête à demi cachée dans une jolie cornette ornée de dentelles, les mains revêtues de gants gras.

De 1805 à 1814, la mode varia à Paris de huitaine en huitaine ; les nuances de ces changements sont si délicates qu'il est presque impossible de les saisir ; les rédacteurs de journaux spéciaux, qui paraissaient alors tous les cinq jours, déclarent eux-mêmes ne pouvoir satisfaire à la curiosité de leurs lecteurs, si grande était la multiplicité des costumes. – Si nous nous plaçons néanmoins au milieu de l'année 1808, nous constatons, par un regard rétrospectif, que les cheveux bouclés artistement, ou à la Ninon, mais sans ornement, qui constituaient autrefois le négligé, sont devenus le nec plus ultra de la parure. Les plumes, qui étaient le symbole de l'éclat, du grand costume, de la cérémonie, ne sont guère admises que dans le plus grand négligé.

La mode ne les tolère que sur un chapeau du matin, tombant avec abandon, flottant avec légèreté. Elles ne sont ni assez sévères ni assez pompeuses pour un habit d'étiquette ou de grand apparat. Les manches des robes se font bouffantes ; elles figurent l'embonpoint, qui est la beauté de la ligne du bras. Un caprice de la vogue inconstante, qui n'admettait pas, quelques années auparavant, les plis inégaux, a réglé que les manches d'une élégante seraient plissées comme le jabot d'un petit-maître. On ne doit plus dire en 1808, remarque un observateur : « Comme je suis bien mise », ou encore : « Comme madame une telle est bien habillée », mais seulement soupirer : Comme je suis bien drapée !... Dieu ! que madame X... se dessine bien !

 


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