Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Louis X. — Le collège de Montaigu. — Enguerrand de Marigny. — Philippe le Long. — Procession pour la translation des reliques de saint Magloire. — Les écoliers pécheurs. — Le prévôt de Paris, Henri Tapperel pendu. — Les pastoureaux. — Les empoisonneurs. — Charles IV. — Gérard de la Guette. — L'assassin Jourdain de l'Isle. — Les fêtes légendaires, coutumes.

Ce fut par la fondation d'un nouveau collège à Paris, que fut inauguré le règne de Louis X. Gilles Aicelin de Montaigu, archevêque de Rouen. mort en décembre 1314, destina par son testament toutes les maisons qu'il possédait à Paris (rue des Sept-Voies), à l'établissement d'un collège pour les pauvres écoliers de Paris ; son héritier exécuta ses dernières volontés, mais, étant mort lui-même en 1328, ses frères laissèrent tomber les bâtiments inachevés ; toutefois en 1387, Pierre Aicelin de Montaigu reprit l'oeuvre et augmenta le nombre des boursiers, à la condition que le collège, qui s'appelait collège des Aicelins, serait nommé collège de Montaigu ; en 1494 on y bâtit une chapelle.

Les écoliers étaient vêtus d'une cape et d'un camail, aussi les appelait-on les capètes de Montaigu ; ces malheureux jeunes gens étaient astreints à faire toujours maigre et jeûnaient perpétuellement, à l'exception d'un petit morceau de pain qu'ils recevaient chaque matin. Le soir ils dînaient d'une pomme ou d'un petit morceau de fromage. Leur entretien ne devait pas coûter au collège plus de dix francs par an.

Aussi ce nom de Montaigu était-il abhorré de la jeunesse parisienne, et les pères et mères ne pouvaient menacer ceux de leurs enfants qui se conduisaient mal

Enguerrand de Marigny, conduit au suplice le 30 avril 1315.
d'un plus grand châtiment que de les faire capètes. Pendant les heures qui n'étaient pas réservées aux classes, ils mendiaient dans les rues, et ils étaient si mal tenus que la vermine les rongeait. Rabelais dit de ce collège :

« Ne pensez pas que j'aie mis votre fils au collège de pouillerie qu'on nomme Montaigu ; mieux l'eusse voulu mettre entre les guénaux des saints Innocents, pour l'énorme cruauté et villenie que j'y ai congnue ; car trop mieux sont traictés les forcés (forçats) entre les Maures et les Tartares, les meurtriers en la prison criminelle, voire certes les chiens en vostre maison, que ne le sont ces malotrus au dit collège ; et si j'étois roi de Paris, le diable m'emporte si je ne mettois le feu dedans et ferois brûler et principal et régents qui endurent cette inhumanité devant leurs yeux. »

En 1494, en 1501 et 1635, des réformes furent enfin apportées à la condition des écoliers qui cessèrent d'être si mal traités. Ce collège fut supprimé en 1790, et ses bâtiments furent affectés à une prison militaire.

Une ordonnance royale du 22 juin 1842 porta que la bibliothèque Sainte-Geneviève serait provisoirement transportée dans la partie des bâtiments de l'ancienne prison Montaigu faisant face à la place du Panthéon, et les anciennes constructions du collège furent démolies en 1844.

Nous avons vu, dans l'affaire des Templiers, figurer un Marigny, frère d'Enguerrand de Marigny, principal ministre de Philippe le Bel. Après la mort de ce roi, tout le poids de la haine du peuple et de la jalousie des grands tomba sur le ministre, qui s'étant emporté en plein conseil jusqu'à donner un démenti au comte de Valois, oncle de Louis X, fut incarcéré au Louvre sur l'ordre du roi, et de là transféré au Temple, puis à Vincennes, où Louis X assembla les prélats et les principaux seigneurs de sa cour pour le juger.

Enguerrand parut devant l'assemblée et demanda un délai, afin de pouvoir répondre aux quarante et un chefs d'accusation portés contre lui par l'avocat Jean d'Asnières, et parmi lesquels étaient ceux d'avoir altéré les monnaies, pillé les deniers destinés à Clément V, saccagé les forêts royales, reçu de l'argent des Flamands pour trahir Philippe le Bel, d'être la cause de la disette qui affligeait la France, etc. De plus, on le soupçonna d'empoisonnement et de magie.

On eût pu ajouter que son principal crime était de posséder une fortune représentant environ 40 millions de nos jours. On ne lui permit pas de se défendre.

Cependant le roi ne pouvait se résoudre à l'envoyer à la mort et conclut au bannissement. Alors le comte de Valois, dont la vengeance était loin d'être satisfaite, fit arrêter la femme et la sœur de Marigny, et on trouva des témoins qui affirmèrent qu'elles se servaient d'images de cire qu'elles piquaient au coeur pour tuer le roi.

On arrêta aussi un magicien nommé Jacques de Lor, dit de Nangis, sa femme et son valet. Cet homme se pendit dans sa prison, sa femme fut brûlée.

Quant à Enguerrand, reconnu coupable, il fut condamné à être pendu à la plus haute traverse de bois du gibet de Montfaucon. Le 30 avril 1315, au point du jour, cette sentence fut exécutée au milieu d'une foule considérable. — Bonnes gens, s'écriait Marigny, de la charrette sur laquelle on le transporta, bonnes gens, priez Dieu pour moi !

On ne sait s'ils prièrent, mais ce qui est certain, c'est qu'immédiatement après le supplice, ils coururent au palais pour y abattre la statue de l'ancien ministre de Philippe le Bel. Au-dessous d'Enguerrand fut pendu Paviot, le valet de Jacques de Lor.

Pendant la nuit, le corps du ministre fut détaché de la traverse, dépouillé de ses vêtements, et laissé nu auprès du gibet ; il fallut le pendre à nouveau après l'avoir rhabillé.

— « C'est, dit l'historien Sauval, le premier vol en l'air et l'exemple le plus bizarre de la persécution de la fortune, dont vous ayez peut-être ouï parler. »

Bientôt, le roi se repentit d'avoir laissé pendre le ministre de son père ; il comprit qu'il avait été victime d'une intrigue ourdie contre le malheureux Enguerrand, et une commission, nommée pour examiner les comptes de son administration (commission dont le comte de Valois fit lui-même partie), fit un rapport qui déclarait les comptes exacts. Louis X donna alors pleine et entière décharge au supplicié et fit don à ses enfants de 10,000 livres « en considération de la grande infortune qui leur est advenue. »

En 1317, ces enfants furent autorisés à inhumer le corps de leur père aux Chartreux, puis ensuite dans l'église collégiale d'Escouï, qu'Enguerrand avait fondée en 1310.

Ce qui acheva de justifier sa mémoire fut de voir le comte de Valois, tombé en paralysie en 1325, faire une aumône générale aux pauvres de Paris, auxquels on disait par son ordre : — Priez Dieu pour monseigneur Enguerrand et pour monseigneur Charles de Valois. Le prince, laissant ainsi mettre le nom d'Enguerrand le premier, faisait un aveu public de l'injustice de sa poursuite.

Il mourut dans l'année ; son corps fut inhumé aux Jacobins et son coeur aux Cordeliers.

Le rappel des juifs suivit de près la mort d'Enguerrand de Marigny. Louis le Hutin, qui avait besoin d'argent, leur permit de se rétablir dans le royaume et d'y demeurer treize ans. Cette permission leur coûta 122,500 livres. De plus, ils cédèrent au roi les deux tiers de ce qui leur était dû en France.

Tous leurs livres leur furent rendus, à l'exception du Talmud ; ils furent autorisés à racheter leurs lieux d'assemblée et leurs sépultures, ou à en construire et acquérir d'autres.

Enfin, il fut ordonné qu'ils porteraient sur leur robe de dessus une marque de soie de la largeur d'un tournois d'argent, et de couleur différente de celle de la robe. Philippe le Long, successeur de Louis, confirma ce traité et leur permit même, en 1317, de voyager sans porter la corne à leur bonnet ; les plus riches purent même acheter le droit de ne porter jamais ni rouelle ni corne.

Gérard de Moret, qui fut abbé de Saint-Germain-des-Prés de 1258 à 1278, avait une prédilection marquée pour une campagne située aux portes de Paris, et qu'on nommait le val Boitron ; il aimait à se promener dans cet endroit qui formait une vallée le long de la Seine, et dans laquelle on menait paître de nombreux bestiaux. L'air y était excellent, la vue des plus agréables ; il songea à y faire construire une maison de santé, exclusivement réservée aux religieux de son abbaye qui, au sortir de maladie, avaient besoin de respirer l'air pur des champs.

La maison bâtie, il y ajouta un cloître régulier et une chapelle, de façon que les moines convalescents pussent toujours observer la règle qui leur était imposée et accomplir leurs devoirs religieux. Naturellement, dès que les bâtiments eurent été édifiés, quelques maisons vinrent se grouper alentour et, peu à peu, on se déshabitua de désigner ce lieu sous le nom de val Boitron et on l'appela le val Gérard, du nom de l'abbé.

De val Gérard, une prononciation vulgaire eut bientôt fait Vaugérard, puis enfin Vaugirard, et au XIVe siècle on ne disait plus autrement ; un des successeurs de Gérard de Moret, Jean de Précy, autre abbé de Saint-Germain, fit entourer de murs tout le clos de Vaugirard, et comprit dans cette enceinte un moulin qui existait alors.

Bientôt, la population de Vaugirard s'accroissant, les habitants obtinrent de Jean de Précy la permission d'y bâtir une chapelle, et les travaux commencèrent vers 1315 ; toutefois elle ne fut érigée en paroisse qu'en 1342, par Foulques de Chanac, évêque de Paris, à la condition de payer au curé d'Issy 10 livres de rente à titre d'indemnité, 40 sols à la fabrique, et 20 livres de rente au nouveau curé.

Cette chapelle était placée sous l'invocation de Notre-Dame la Vierge ; mais en 1453, les reliques de saint Lambert, évêque de Maëstricht, y ayant été déposées, l'église prit le nom du saint et devint un lieu de pèlerinage. En 1455, une confrérie y fut établie en l'honneur du pieux évêque. Cette église n'existait plus lors de la révolution de 1789. Une chapelle, édifiée par les soins du sire de Bucy, érigée en cure de deuxième classe en 1827, la remplaça.

Une nouvelle église, aussi sous le vocable de saint Lambert, fut consacrée, ainsi qu'on le verra plus loin, en 1854.

Au mois de juillet 1315, la ville de Paris s'engagea à fournir au roi 400 hommes à cheval et 2,000 hommes de pied qui seraient payés par les bourgeois. Personne ne devait être exempt de la taxe nécessaire à l'entretien de cette soldatesque, et le prévôt de Paris fut chargé de prêter main-forte pour la faire payer.

Par le même acte, Louis offrit l'affranchissement à tous les serfs de ses domaines, moyennant une compensation des émoluments que ces servitudes pourraient produire à lui et à ses successeurs. Malheureusement peu de gens purent profiter de ce moyen d'acquérir leur liberté, n'ayant pas le moyen de la payer.

Louis X mourut à Vincennes le 5 juin 1316. Son corps fut apporté en grande pompe à l'église cathédrale et, de là, conduit à l'abbaye de Saint-Denis. Son frère, Philippe V dit le Long, à cause de sa grande taille, était à Avignon, lorsque cette mort arriva ; il ne revint à Paris qu'un mois après, et trouva le comte de Valois, son oncle, à la tête d'un parti disposé à lui disputer la régence. Dans cette conjecture, la ville de Paris se montra toute disposée à soutenir ses droits. La bourgeoisie prit les armes sous la conduite de Gaucher de Châtillon et chassa les soldats du comte de Valois, qui s'étaient déjà emparés du Louvre.

Philippe convoqua le Parlement et fut déclaré régent pendant dix-huit ans si la reine Clémence, qui était grosse, accouchait d'un fils. Ce fut ce qui arriva. Mais le prince, né roi, ne vécut que quelques jours, et la couronne passa du neveu à l'oncle, c'est-à-dire à Philippe, qui se fit reconnaître comme roi dans une assemblée tenue à Pers dans les premiers jours de février 1317, où se trouvèrent les prélats du royaume, les princes et les principaux bourgeois de la ville.

Peu de temps après son avènement au trône, Philippe V perdit son fils Louis, qui fut inhumé aux Cordeliers. A cette occasion, il fonda une chapelle au Châtelet, sous le titre de la Vierge, de saint Louis et de saint Didier. Un chapelain, fut chargé d'y officier chaque jour.

La même année, fut fondé à Paris le collège de Narbonne, rue de la Harpe, par Bernard de Farges, pour y recueillir neuf pauvres écoliers du diocèse de Narbonne.

Pierre Roger, natif de Limoges, et devenu pape sous le nom de Clément VI, augmenta le revenu de ce collège dans lequel il avait étudié. En 1599, l'exercice public des basses classes y fut introduit. En 1760, on reconstruisit le collège dont on réunit les biens à l'Université, trois mois après.

En 1318, l'évêque de Paris convoqua tout le clergé de la ville pour la translation des reliques de saint Magloire. Une procession commença au sortir de l'église de

En 1318, l'évêque de Paris convoqua le clergé
de la ville pour la translation des reliques
Saint-Magloire, rue Saint-Denis, et alla par la rue aux Ours, au cimetière de Saint-Nicolas-des-Champs, où huit bourgeois, vassaux de l'abbaye qui portaient la- châsse renfermant les reliques du saint, la déposèrent sur un échafaud.

A la tête de la procession, trois cents prêtres portaient trois cents torches de neuf livres chacune ; puis venaient les religieux, les chanoines, les prêtres séculiers en habits de cérémonie ; ensuite, c'était l'abbé portant la tête du saint, les abbés de Saint-Germain-des-Prés, de Sainte-Geneviève, des évêques, la reine Clémence, veuve de Louis X, et Jeanne de Bourgogne, femme du roi.

Toutes les rues étaient ornées de tapisseries. Chacun fut admis à baiser les os du saint qu'on transféra publiquement d'une vieille châsse dans une neuve, et les présents commencèrent : la reine donna au clergé de Saint-Magloire deux lampes de vermeil, la reine Clémence, des draps de soie, etc.

Les écoliers n'avaient garde de manquer à cette cérémonie dont la relation fut mise en vers français. Cependant ils se brouillèrent encore avec l'abbé de Saint-Germain-des-Prés : ils avaient pris l'habitude d'aller pécher dans la Petite-Seine, et un jour les religieux, vexés de voir que les écoliers prenaient de magnifiques poissons, voulurent les contraindre à les leur donner et à cesser de pêcher. Les écoliers refusèrent, et les coups de poing et de bâton commencèrent à s'échanger.

Quelques yeux de moines furent pochés, des poignées de cheveux des écoliers restèrent aux mains de leurs éternels ennemis, et il en résulta une plainte mutuelle portée par les deux partis.

Il paraît que l'enquête fut longue et le différend difficile à juger, car, après que le Parlement s'en fût mêlé, que les doyens de Chartres et de Poitiers eurent suffisamment embrouillé l'affaire, elle ne put être vidée définitivement qu'en 1345, c'est-à-dire 27 ans plus tard ! Au reste, ces sortes de procédures étaient toujours traînées en longueur ; vers le même temps, les Cordeliers élevèrent des débats sur une question qui passionna nombre de gens ; il s'agissait de faire décider si le capuchon de saint François était rond ou pointu ; et les discussions soulevées par cet important sujet durèrent jusqu'au XVIe siècle.

Le second fils du roi, Louis, comte d'Evreux, mourut en 1319.

En 1320, ce fut une affaire vraiment grave qui occupa les Parisiens. Le prévôt de Paris, Henri Tapperel, fut condamné à la peine de mort pour crime de concussion. Il retenait dans les prisons du Châtelet un meurtrier, homme riche qui venait d'être condamné à la peinée capitale et était sur le point d'être exécuté ; lorsque le prévôt gagné par une grosse somme d'argent, substitua à sa place un pauvre diable innocent qu'il fit conduire au gibet, tandis que le véritable coupable prenait la clef des champs.

Le roi, informé de la façon dont son prévôt entendait la justice le fit arrêter, on nomma des commissaires enquêteurs qui affirmèrent le fait et Henri Tapperel fut accroché au gibet de Montfaucon.

De sourdes rumeurs se répandaient dans Paris, on reparlait des Pastoureaux qui s'étaient soulevés sous le règne de saint Louis et on disait qu'ils ravageaient la province au nombre de quarante mille, ayant à leur tête deux « truffeurs » un moine apostat et un curé chassé de sa cure pour ses crimes.

Ces paysans prétendaient, comme leurs devanciers, qu'à eux était réservée la délivrance de la terre sainte ; comme eux aussi, ils ne portaient d'abord que la besace et le bâton du pèlerin et les voeux de tous les accompagnaient, mais on disait aussi que des éléments impurs s'étaient joints à eux et on racontait qu'ils pillaient les campagnes. On envoya des hommes d'armes contre eux, ils les massacrèrent. Cependant quelques-uns furent arrêtés et amenés à Paris ; on les incarcéra dans la prison de Saint-Martin-des-Champs et dans celle du Châtelet.

Or, Gilles Londe, successeur de Tapperel, était tranquillement dans son logement du Châtelet, lorsqu'il reçut avis que les Pastoureaux étaient entrés dans Paris, qu'ils s'étaient rendus à la prison de Saint-Martin-des-Champs et qu'ils en avaient tiré les prisonniers.

A cette nouvelle invraisemblable, le prévôt répondit par un sourire d'incrédulité, mais il n'eût pas le loisir de discuter longuement sur l'impossibilité d'une pareille aventure, un bruit singulier frappa tout à coup ses oreilles. Il lui sembla qu'une porte se brisait et qu'un cliquetis d'armes résonnait dans les salles basses du Châtelet. Au même instant, un sergent à la douzaine entra tout bouleversé.

— Messire prévôt, ce sont les Pastoureaux, cria-t-il. Gilles Londe était un homme résolu ; il s'élança au dehors et mettait déjà le pied sur la première marche de l'escalier pour descendre, lorsqu'il se sentit violemment appréhendé par des hommes armés qui le jetèrent au bas de l'escalier, puis ceux-ci se répandant dans l'intérieur du Châtelet se firent livrer les clefs des cachots et en ouvrirent les portes.

Avant même que l'infortuné prévôt eût pu se remettre sur pied et constater qu'il était encore en vie, les Pastoureaux avaient emmené leurs prisonniers et étaient sortis du Châtelet pour aller se ranger en bataille sur le Pré-aux-Clercs, en attendant qu'on les vint attaquer. Les Parisiens les regardèrent avec stupéfaction, mais personne n'osa leur rien dire et voyant qu'on ne songeait nullement à les inquiéter, ils se retirèrent en bon ordre et prirent la route du Languedoc.

Les Parisiens à peine remis de leur surprise eurent bientôt une autre alerte ; depuis quelque temps on remarquait que le nombre des lépreux augmentait sensiblement, et quelques bourgeois firent observer qu'on les avait vus s'approcher des fontaines et des puits et y jeter quelque drogue pour en empoisonner l'eau.

Évidemment, ces misérables devaient être soudoyés par les juifs qui eux-mêmes étaient poussés par les mahométans d'Asie qui, dans la crainte d'une nouvelle croisade, voulaient la faire échouer en empoisonnant les Français. Ce bruit se répandit dans Paris comme une traînée de poudre ; le roi qui était en Poitou en fut informé et revint en toute hâte pour sévir contre les coupables. La justice se mit à l'oeuvre et découvrit deux lettres, l'une émanant du roi de Tunis, l'autre du roi de Grenade, qui relataient tous les détails du complot.

Juifs et lépreux furent emprisonnés, bon nombre furent brûlés. « A l'égard des juifs, dit Félibien, on en usa avec moins de rigueur ; on se contenta de condamner au feu ceux d'entre eux qui furent convaincus d'user de maléfices et l'on bannit du royaume tous les autres ! »

Dans le même temps, s'éleva dans la rue du Plâtre le collège de Cornouailles fondé par Galeran Nicolas, clerc breton qui, par son testament de 1317, léga à cet effet une partie des biens qu'il possédait à Paris, en faveur de pauvres écoliers de l'évêché de Cornouailles. Ils furent d'abord établis rue Saint-Jacques dans la maison de Geoffroy du Plessis, notaire du pape. L'évêque de Paris approuva cet établissement le 19 mai 1323.

Jean de Guistri, maître ès arts et en médecine, né en Cornouailles, voulant favoriser l'extension du collège lui acheta une maison rue du Plâtre où il s'installa. (La rue du Plâtre se nomma d'abord, rue des Plâtriers, en raison des plâtriers qui l'habitaient au commencement du XIIe siècle. En 1300, on l'appela, rue Plâtrière, puis enfin, rue du Plâtre ; elle va de la rue des Anglais à la rue Saint-Jacques ; c'est aujourd'hui la rue Domat). Le 21 novembre 1763, cet établissement fut réuni au collège Louis-le-Grand. Les bâtiments ont été vendus par le domaine le 5 avril 1806.

L'église Saint-Leu-Saint-Gilles qui menaçait ruine fut reconstruite en 1320. Le choeur et l'abside de cette église furent rebâtis en 1611.

En 1727, plusieurs réparations importantes furent faites. La charpente du clocher de l'horloge fut transportée de la tour sur laquelle elle était et qui menaçait ruine, sur une autre tour nouvellement bâtie. Ce fut un habile ouvrier du temps de Guillaume Guérin qui exécuta ce travail. En 1780 de nouvelles réparations eurent lieu sous la direction de M. de Wailly. Le sol du sanctuaire fut exhaussé et l'on pratiqua une chapelle souterraine. Supprimée en 1790, l'église devint propriété nationale et fut vendue le 18 floréal an V. La ville de Paris, en vertu du décret du 20 juin 1810, fut remise en possession de cet édifice moyennant 209,312 fr.

Dans les dernières années du second empire le choeur a été complètement restauré, et les chapelles terminales ont été tronquées pour faire place au boulevard Sébastopol. Un presbytère, dont la porte ouvre sur la rue Saint-Denis, y a été annexé, une belle grille en fer forgé a été établie du côté de la nef ; toutes les chapelles du collatéral de droite ont été reconstruites, et la nouvelle chapelle de la Vierge, beaucoup plus grande que toutes les autres, forme un quadrilatère s'ouvrant sur l'église par trois arcades. Le plafond est supporté par des arceaux découpés à jour, en ciment de Grenoble. Sur le côté latéral gauche, on a refait le mur en bordure de la rue du Cygne prolongée, et une chapelle est établie dans chaque travée. Saint-Leu-Saint-Gilles possède de jolis tableaux, dont un de Philippe de Champagne et un curieux bas-relief du XVe siècle, représentant la Cène, la Trahison de Judas et la Flagellation.

Au moyen âge les pèlerinages étaient en vogue, et plusieurs bourgeois de Paris qui avaient fait le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, bâton à la main et coquilles au chapeau, s'étaient formés en confrérie qui tenait ses assemblées dans l'église Saint-Eustache ; Louis X confirma cette confrérie par lettres du 10 juillet 1315, et permit à ces confréries de pèlerins, de se réunir désormais dans la maison des Quinze-Vingts.

Mais en 1319, ces confrères voulurent être chez eux et ayant acheté un terrain à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue Mauconseil, ils y firent bâtir un hôpital qui prit le nom d'hôpital de Saint-Jacques, à l'effet d'y loger et héberger les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques en Galice et pour les autres pauvres passants des deux sexes.

Malheureusement, ils possédaient plus de bonne volonté que d'argent, et l'hôpital eut couru grand risque de demeurer inachevé si, le comte d'Anjou, et plusieurs autres personnages notables ne fussent venus à leur aide et si, surtout, ils n'eussent obtenu du pape l'autorisation de faire des quêtes, ce qui leur permit de réunir un capital de 170 livres de rente. On put alors commencer la construction de la chapelle.

L'édifice fut consacré en 1327 et contenait quarante lits. Le 2 mai de la même année, l'évêque de Paris assisté de plusieurs prélats, vint en grande cérémonie apporter de Saint-Magloire à l'hôpital un doigt de saint Jacques, l'apôtre, qu'il tenait de la libéralité de la reine Jeanne d'Evreux.

Quatre chapelains étaient chargés de l'administration de cette maison hospitalière et accueillaient, en moyenne, soixante-dix pauvres chaque jour, qui y passaient la nuit et repartaient le lendemain, matin après avoir reçu un pain d'une livre et le sixième d'un litre de vin.

Le nombre des chapelains s'augmenta progressivement jusqu'à vingt ; ils prirent alors le titre de chanoines et commencèrent à diminuer sensiblement la part des pauvres à leur profit.

Ils soulevèrent bientôt par leur conduite des plaintes telles qu'en 1388, il leur fût défendu « de jouer aux cartes et aux dés, d'aller à la taverne en habits de choeur, de sortir de l'église pendant la célébration pour aller faire la conversation au dehors ou sur les places, de porter la barbe et les cheveux longs, d'avoir des chaussures de diverses couleurs, et de faire entendre dans l'église pendant les saints offices, des rires indécents, des contes facétieux et des disputes. »

La mauvaise administration de cet hôpital lui fit perdre son caractère de maison d'asile et, en 1672, Louis XIV donna ses biens à l'ordre du Mont-Carmel ; en 1693, l'ordre les rendit aux chanoines de Saint-Jacques-l'Hôpital ; enfin, un nouvel édit de 1722 les attribua définitivement à l'ordre de Saint-Lazare. Sur la façade du cloître étaient deux tables de marbre, on lisait sur l'une une inscription latine rappelant le but de la fondation, et sur l'autre, la date de son édification et celle de sa restauration (1652).

La confrérie de Saint-Jacques-l'Hôpital fut supprimée en 1790. Le cloître et ses dépendances furent aliénés par l'administration des hospices de 1812 à 1817. Plusieurs rues furent ouvertes sur leur emplacement. Un magasin de nouveautés occupe l'endroit où se trouvait l'hôpital, et lorsqu'on le construisit, vers 1840, on trouva en creusant plusieurs statues de pierre qui jadis décoraient probablement la chapelle. dominant son établissement et les prit pour enseigne. Depuis un certain nombre d'années elles ont disparu.

Sauval rapporte une particularité relative à l'hôpital Saint-Jacques. Tous les ans, au mois de juillet, les confrères célébraient leur fête par une procession composée de pèlerins, portant chacun une gourde pleine de vin qu'ils vidaient et faisaient remplir de temps en temps.

« Cette procession étaient terminée par un grand faquin, vêtu en saint Jacques, avec la contenance d'un crocheteur qui veut faire l'honnête homme. Au retour, tous les pèlerins dînaient ensemble dans les salles de Saint-Jacques-l'Hôpital ; celui-ci, assis au bout de la table avec deux hommes qui l'éventaient, regardait ainsi dîner la compagnie sans oser manger, parce que les saints ne mangent pas. Un docteur de Sorbonne fulmina contre cet usage ridicule : — Ils contrefont le saint, dit-il, par quelque bon tetteur de gobelet qu'ils appellent roy et le travestissent d'un chapeau, bourdon, cannebasse, et d'une robe à l'apostolique, toute recoquillée, rétamée par-dessus d'éscailles et de moules de mer. C'est là où la cannebasserie est vidée en perfection et Dieu sait si durant le disner la bourrache de cuir bouilli est répétée en tire-larigot ; et après disner, ils dansent la feste en hymne de chaire tabourinée, solemnisant leur pèlerinage en bacchantes ; ains, ils bacchanalisent la sainteté de leur solemnité. Ils dansent, gimbrettent et caracollent le mérite supposé de leur voyage en Galice. Cela est blasphématoire, conclut avec raison le docteur, de honnir si impudiquement la mémoire des apôtres et serviteurs de Dieu. »

Philippe le Long ne fut pas longtemps roi ; il mourut le 3janvier 1322, d'une maladie que quelques-uns nommèrent le poison, mais comme le fait ne fut pas prouvé, on ne le peut mentionner que comme un bruit. Après sa mort, Jeanne de Bourgogne se retira à l'abbaye de Longchamp, et ce fut Charles IV, troisième fils de Philippe le Bel, surnommé le Bel lui-même, qui monta sur le trône.

 


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