Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Le traité de Bicêtre. — Les arbalétriers. — Armagnacs et Bourguignons. — Les collèges de Reims et Coquerel. — Les cabochiens. — Le pont Notre-Dame. — Exécution de Pierre des Essarts, prévôt de Paris — La coqueluche. — La paix du Quesnoy. — Guerre avec les Anglais. — Défaite d'Azincourt. — Visite de l'empereur Sigismond. — Les boucheries. — Perrinet Leclerc. — La guerre civile. — Exécution de Caboche et du bourreau Capeluche. — Nicolas Flamel. — Notre-Dame-de-la-Carolle. — Le soldat Suisse. — Mort du duc de Bourgogne. — Misère, froid, famine de l'année 1419. — Bannissement du Dauphin. — Mort de Charles VI. — Les modes. — L'église Saint-Gervais. — Les prévôts des marchands et les échevins.

Les annalistes de l'époque parlent d'une procession qui eut lieu en cette année 1409, et à laquelle prirent part tous les membres de l'université. Elle partit de Sainte-Geneviève pour aller à Saint-Denis, et elle était si longue que, lorsque les premiers entrèrent à Saint-Denis, le recteur était encore auprès des Mathurins.

Nous rapportons le fait tel que l'histoire de l'abbaye de Sainte-Geneviève le consigne, mais il est bon de se rappeler que l'exagération est le côté faible des écrivains du temps passé.

Les ducs de Berry et de Bourgogne tenaient beaucoup à conquérir la faveur des Parisiens ; ce fut probablement dans ce but qu'ils jugèrent utile de rendre à la capitale ses anciens privilèges ; ils ordonnèrent donc que les Parisiens éliraient comme précédemment le prévôt des marchands, des échevins, des centeniers, des soixanteniers et des cinquanteniers. Qu'il serait permis aux habitants d'armer pour la garde de la ville et pour le service du roi. Qu'ils pourraient tenir des fiefs, comme les nobles, à condition qu'ils seraient bien nés à Paris.

Les bourgeois, pleins de reconnaissance pour l'obtention de tant de privilèges, députèrent Jean Culdoé, prévôt des marchands, auprès des princes, pour les remercier au nom de toute la ville, mais il les pria de laisser les choses en l'état à l'égard des centeniers et des autres chefs de quartiers, dont on s'était volontiers passé depuis plusieurs années.

De plus, à la prière du duc de Berry, gouverneur de Paris, le roi, par lettres patentes du 10 septembre, fit don aux Parisiens de la propriété du Petit-Pont (dont ils avaient payé de leurs deniers la reconstruction). Plusieurs autres revenus furent même ajoutés à ceux de ce pont. Tout cela, en considération des aides et bons services que le roi avait reçus des habitants de Paris.

Une bulle malencontreuse, lancée par le pape Alexandre V, le 12 octobre, vint encore troubler les esprits ; cette bulle, non seulement confirmait les privilèges accordés aux religieux des quatre ordres mendiants, mais encore elle leur en accordait de nouveaux ; et ceux-ci voulurent s'en prévaloir pour percevoir la dîme ; ils prétendirent être les principaux pasteurs des peuples, et qu'en conséquence pouvoir leur était donné de prêcher et confesser en tous lieux. Grand émoi parmi le clergé ; la faculté de théologie s'assembla et décida que la bulle était un piège tendu aux évêques et aux curés. — Heureusement que, le pape Alexandre V étant mort le 5 mai 1410, son successeur consentit à la révoquer. La politique reparut plus brûlante que jamais.

Une ligue fut formée entre les ducs d'Orléans, de Berry, de Bourbon, de Bretagne et les comtes d'Armagnac, d'Alençon et de Clermont, contre le duc de Bourgogne. Celui-ci assembla en toute hâte des Brabançons, des Lorrains, des Allemands et des Flamands ; le royaume tout entier était sous les armes, n'ayant d'autre ennemi à combattre que lui-même. Le roi ordonna aux princes ligués de désarmer.

Le duc de Berry répondit pour les autres qu'ils n'en feraient rien tant que le duc de Bourgogne aurait des soldats. Or, comme celui-ci était maître de la personne du roi et de la capitale, il se garda bien de commencer à mettre bas les armes ; au contraire : il fit approcher des troupes de Paris, se saisit des ponts et de tous les passages de la rivière de Seine, fit enfoncer les bacs et murer les portes de la ville, à l'exception de trois, auxquelles il plaça des corps de garde avec des sentinelles partout. Il proposa aux bourgeois de se choisir un nouveau gouverneur à la place du duc de Berry, mais les bourgeois refusèrent ; quant à la noblesse, elle déclara qu'elle ne voulait pas être commandée par le prévôt de Paris.

Cependant les gens d'armes emplissaient la ville ; on en avait logé partout ; à peine en put-on dispenser les maisons des présidents et conseillers au parlement ; le Palais même en était si plein que le greffier, pour mettre ses registres à couvert, fut obligé de faire murer la tour où ils étaient déposés, dans la crainte qu'on ne s'en emparât pour y mettre des soldats.

Le duc de Berry s'était logé en son château de Bicêtre, et le duc d'Orléans s'était établi à Gentilly, et, avec leurs forces réunies, ils poussèrent des reconnaissances jusqu'aux faubourgs Saint-Marceau et Saint-Jacques.

Les Parisiens levèrent des milices à leurs frais pour faire la garde de la ville et la défendre contre les princes ; toutes les nuits, pour éviter une surprise, on allumait des feux sur les remparts et dans les rues, et la garnison du pont de Charonton fut renforcée de 200 hommes. Saint-Cloud fut dévasté par l'armée des princes, tandis que celle d'Antoine, duc de Brabant, frère de Jean sans Peur, entra dans Saint-Denis, où elle vécut à discrétion, menaçant chaque jour de piller l'abbaye royale.

Il se livrait sous les murs de Paris, surtout du côté de l'université, des escarmouches journalières. Ces petits combats partiels n'amenaient aucun résultat décisif, et la guerre civile menaçait de traîner en longueur, si le manque de fourrages et la mauvaise saison n'avaient engagé les deux partis à conclure un accommodement proposé par le roi de Navarre et qu'on nomma le traité de Bicêtre.

Aux termes de cet arrangement, le roi devait se choisir un conseil, et les princes devaient s'en retourner chacun sur ses terres. Un des articles du traité exigeait la destitution de Pierre des Essarts, prévôt de Paris. Ce fut Bruneau de Saint-Cler qui fut investi de cette fonction. C'est à ce prévôt qu'est dû l'établissement de la compagnie d'arbalétriers qui fut instituée par lettres royales du 14 août 1410.

Ce fut sous le règne de Louis le Gros, vers 1130, que l'on vit pour la première fois des arbalétriers figurer dans les armées françaises, et le concile de Latran, considérant l'arbalète comme une arme déloyale et traîtresse, l'anathématisa et n'en permit l'usage que contre les hérétiques.

Néanmoins les arbalétriers n'avaient jamais cessé d'exister, et à Bouvines ils rendirent de grands services ; à Crécy, Philippe de Valois avait 10,000 arbalétriers génois. Il y avait des compagnies d'arbalétriers à pied et à cheval. La plupart des grandes villes de France en possédèrent.

A Paris, une confrérie de bourgeois s'était formée depuis longtemps, afin de s'exercer au tir de l'arbalète, et elle se composait d'un roi, d'un connétable et de maîtres. Le lieu de leur réunion et exercices était situé rue Saint-Denis, près de la Porte-aux-Peintres, et hors l'enceinte de Philippe-Auguste.

Ces confrères reçurent, par les lettres de 1410, l'autorisation de contribuer à la défense de la ville. Par ces lettres, il fut fait un choix de soixante des plus habiles d'entre eux qui s'engagèrent à s'habiller et à s'armer à leurs frais. Ils formèrent la compagnie des soixante arbalétriers de Paris, et, comme tels, furent dispensés de payer certains impôts. Aussitôt après leur nomination, ils étaient présentés aux deux prévôts et leur prêtaient serment d'obéissance et de fidélité. Ils élisaient eux-mêmes leur capitaine chaque année et touchaient, lorsqu'ils servaient hors de Paris, une paie de trois sous par jour, le capitaine cinq, sans compter la dépense de bouche pour l'homme et le cheval, — car ils étaient montés. Leurs statuts et privilèges furent confirmés par les successeurs de Charles VI, et le corps des arbalétriers se maintint jusque sous Louis XIV.

L'année suivante, les archers sollicitèrent la même faveur ; eux aussi avaient un roi et un connétable ; par lettres de 1411, ils furent réunis au nombre de 120 en confrérie en l'honneur de Dieu, de la Vierge et de saint Sérastien ; leurs statuts furent exactement les mêmes que ceux des arbalétriers, avec cette seule différence qu'ils ne touchaient que deux sous par jour au lieu de trois lorsqu'ils servaient hors la ville.

Au mois de février 1411, Jean sas Peur avertit les ministres qu'un complot, formé par les ducs d'Orléans et de Berry, et le comte d'Armagnac, devait éclater à Paris ; les conjurés se proposaient d'arrêter plusieurs bourgeois notables et d'enlever le roi, la reine et le dauphin.

Défense fut immédiatement faite de prendre les armes sans un ordre du conseil du roi qui s'occupa vivement de pourvoir à la sécurité de Paris ; les bourgeois réclamèrent et obtinrent l'honneur de garder la ville, mais des compagnies d'aventuriers français, espagnols et italiens, pillaient les environs ; on leur donna la chasse, on en arrêta une centaine. Leur chef, Polifer, fut pendu avec trente de ses compagnons. On jeta les autres à l'eau, à l'exception de ceux qui avaient moins de quinze ans, qu'on se contenta de faire fouetter dans les carrefours et de bannir ensuite du royaume.

Le parlement, par arrêt du 19 août, ordonna que les prévôts de Paris et des marchands séviraient contre ceux qui tenaient des discours contre la tranquillité publique. Alors on fouilla ceux qui entraient à Paris ou en sortaient. On tendit des chaînes au travers de la rivière et le comte de Saint-Paul fut nommé gouverneur de Paris ; c'était l'ami de Jean sans Peur ; il appela à lui un boucher nommé Le Goix, qui avait trois fils, gens déterminés comme lui, et les chargea d'organiser une milice bourgeoise, avec le concours d'autres maîtres bouchers, établis à la porte de Paris et à celle du cimetière Saint-Jean.

Il leur fit expédier des lettres patentes pour le commandement d'un corps de 500 hommes, uniquement composé de bouchers, écorcheurs, chirurgiens et pelletiers, qui prit le titre de milice royale et eut pour mission d'arrêter tous ceux qui tenaient pour le duc d'Orléans, qu'on désignait sous le nom d'Armagnacs, du nom du comte d'Armagnac, beau-père du duc d'Orléans.

« Pour perdre quelqu'un, il suffisait de l'appeler Armagnac ; il était assommé sur l'heure, ou jeté à la rivière, ou du moins traîné en prison et sa maison abandonnée au pillage, ce qui causa la ruine d'un grand nombre de familles dans Paris. Charles Culdoé, prévôt des marchands, et avec lui plus de 300 des plus notables bourgeois quittèrent Paris pour n'être pas témoins des excès dont la ville était menacée. »

En effet, la population était partagée entre deux factions, les Armagnacs et les Bourguignons, c'est-à-dire les partisans du duc d'Orléans et les partisans de Jean sans Peur, duc de Bourgogne. On ne peut se figurer jusqu'à quel point la haine divisait les uns et les autres. Le roi et le duc de Guyenne, son fils, ne se sentant pas en sûreté à l'hôtel Saint-Paul, allèrent demeurer au Louvre mis en état de défense ; le conseil fit abattre les murs de l'hôtel de Nesle du côté de la ville, et boucher la porte qui donnait sur la campagne.

Pierre Gentien fut nommé prévôt des marchands à la place de Ch. Culdoé.
La cour et la ville étaient en pleine anarchie. Le conseil permit aux gens des environs de Paris de s'armer ; ils arborèrent la croix de Bourgogne (croix de saint André, brisée d'une fleur de lis, qu'on portait sur l'épaule) et se battirent au cri de : « Vive le roi ! » Mais cette milice indisciplinée ne fit qu'augmenter le désordre.

Le duc de Guienne, fils du roi, soutint ouvertement le duc de Bourgogne. Ce fut le signal d'une chasse à l'homme exercée contre tous ceux qu'on soupçonnait d'être Armagnacs ; on dénonça aux prônes, comme excommuniés, les ducs d'Orléans, de Berry et de Bourbon, Jean d'Alençon, Bernard d'Armagnac et Charles d'Albret, « avec leurs alliés, complices, aidants et favorisants ».

Au milieu de cette désolation, les chanoines et chapelains de la Sainte-Chapelle, les bernardins, les mathurins, les carmes, firent le 9 septembre une procession nu-pieds à Saint-Germain-l'Auxerrois, suivis des présidents et conseillers au parlement, pour implorer le secours du ciel et demander la paix entre les princes. Ceux-ci n'étaient nullement disposés à la conclure.

Ce fut le parti du duc de Bourgogne qui commença par triompher dans Paris, mais le duc d'Orléans assiégea Saint-Denis et s'en empara. Cette nouvelle et celle de la perte du pont de Saint-Cloud consternèrent les Parisiens ; ils demandèrent à grands cris au comte de Saint-Paul d'être menés au combat. Quatre cents bourgeois lui arrachèrent l'autorisation qu'ils sollicitaient et marchèrent contre les Armagnacs ; mais à peine furent-ils sortis de Paris qu'ils tombèrent dans une embuscade où ils furent taillés en pièces. Furieux de cet insuccès, on en rejeta la faute sur le comte de Saint-Paul ; son étendard flottait sur la porte Saint-Denis : le peuple s'en saisit et le déchira en lambeaux.

Le prévôt de Paris avait une maison à Bagnolet ; les Armagnacs la brûlèrent. En revanche, les Parisiens mirent le feu au château de Bicêtre.

Paris bloqué depuis trois semaines se trouva libre par l'arrivée de Jean sans Peur qui y entra par la porte Saint-Jacques, le 30 octobre, à la tête de 3,000 Parisiens qui étaient allés au-devant de lui, et des troupes anglaises qu'il n'avait pas craint d'introduire dans le royaume.

Dès le lendemain, il attaqua les postes de la Chapelle et de Montmartre. Les Bretons, à la garde desquels ils étaient confiés, les défendirent avec courage, mais ils furent vaincus par le nombre, et les Parisiens victorieux rentrèrent par la porte Saint-Denis, traînant avec eux plusieurs prisonniers. Ce succès avait exalté l'orgueil et la confiance des milices.

Pour en profiter, le duc de Bourgogne tenta de reprendre Saint-Cloud ; on prépara secrètement des bateaux qu'on remplit d'artifices pour faire sauter le pont. Au milieu de la nuit, le duc sortit par la porte Saint-Honoré et traversa la forêt du Rouvre (bois de Boulogne) ; les brûlots descendirent la Seine avec tant de rapidité qu'ils ne firent rien sauter, mais l'attaque par terre fut si rapide et si vigoureuse que les retranchements furent emportés d'assaut et la garnison massacrée. Le duc d'Orléans découragé quitta Saint-Denis avec l'argenterie de la reine qui y était en dépôt et qu'il vola, et Paris appartint tout entier au duc de Bourgogne.

On exécuta aux Halles Colin de Puisieux qui avait livré la tour de Saint-Cloud aux Armagnacs. On lui trancha la tête le 11 novembre ; son corps fut mis en quatre quartiers que l'on pendit aux quatre principales portes de la ville.
Tous ceux qui tenaient pour le duc d'Orléans furent chassés du royaume, on s'empara de leurs biens et, pour fournir aux frais de la guerre, Jean sans Peur ordonna de se saisir de toutes les sommes consignées au parlement par les plaideurs et le parlement lui-même fut imposé à mille livres tournois : le premier président en paya quarante, les autres vingt, les conseillers clercs cent sous parisis ; greffiers, notaires, huissiers, tous durent payer. Les troupes anglaises furent « régalées », bien payées de leurs services et remerciées provisoirement.

Le 17 janvier 1412, il se tint un grand conseil dans lequel les services rendus par le duc de Bourgogne furent exaltés ; on y résolut de taxer toute les villes de France pour faire face aux frais de guerre. Paris se racheta par la levée et l'entretien d'un corps de mille hommes d'armes et cinq cent arbalétriers qu'on tira de toutes les dizaines de 1a ville et auxquels on joignit cinq cents pionnier commandés par un bourgeois, André Roussel, « qui entendait parfaitement la sape ».

Le roi, en récompense de la belle conduite des Parisiens à Saint-Cloud, rétablit les bourgeois dans leur ancien droit de prévôté et d'échevinage, par lettres du 20 janvier.

La ville reprit par les mêmes lettres tous ses droits, franchises, libertés et privilèges. Les bourgeois s'empressèrent alors de procéder à l'élection de quatre échevins qui furent Jean de Troye, Jean de L'Olive, Jean de Saint-Yon et Robert de Belloy.

Après les fêtes de Pâques, le roi, se trouvant en bonne santé, résolut de marcher en personne contre le duc d'Orléans et les siens. Il commença par faire ses dévotions à Notre-Dame, et il alla ensuite à Saint-Denis chercher l'oriflamme. On fit alors, par toutes les églises, des processions pieds nus, pour demander à Dieu la paix dans la maison royale ; elles continuèrent après le départ du roi.
La paix fut conclue devant Bourges, à la fin de juillet, et jurée à Auxerre, le 22 août.

Le dauphin et les princes, étant revenus à Paris, tinrent une conférence pour régler les affaires de l'État et la paix fut publiée à Paris, le 12 septembre, avec défense, sous peine de mort, d'appeler personne Armagnac ou Bourguignon.
Enfin, dans la dernière semaine de septembre, la reine Isabeau et le dauphin firent leur entrée solennelle dans Paris, et les acclamations, les cris de joie, qu'on n'avait pas entendus depuis bien longtemps, vinrent enfin remplacer — pour bien peu de temps, hélas ! — les clameurs de la guerre.

Le duc de Berry rentra aussi à Paris et les bourgeois, allant au-devant de lui, l'escortèrent en grande pompe jusqu'à son hôtel de Nesle ; à peine y eut-il passé huit jours qu'un de ses gens voulut tuer un Parisien. Le corps de ville renouvela l'ordre de faire le guet la nuit. Et, de par le roi, défense fut faite à toutes personnes, excepté aux seuls bourgeois de Paris, de sortir la nuit en armes par les rues. On commença un peu à respirer.

En 1412 fut fondé le collège de Reims par Guy de Roye, archevêque de Reims, qui ayant acheté l'hôtel de Bourgogne au mont Saint-Hilaire (rue des Sept-Voies, rue Chartière) y établit aussitôt une maison pour les écoliers nés sur les terres affectées à la mense archiépiscopale de Reims et dans le territoire de Roye ou dans celui de Murel ; en 1418, il fut complètement ruiné par les Anglais, mais il fut rétabli en 1443, par ordre de Charles VII qui unit à ce collège celui de Rethel, qui en était proche et avait été fondé par Gauthier de Lannoy pour de pauvres écoliers du Réthelois.

Cette union soutint pendant quelque temps le collège de Reims, mais il était tombé dans l'état le plus précaire, lorsque, en 1720, le cardinal de Mailly, archevêque de Reims, lui donna de nouveaux statuts et y fonda huit bourses. Il fut en 1763 uni à l'université.

Supprimé en 1790, il devint propriété nationale ; les bâtiments, vendus les 8 messidor an IV, 2 mai et 8 août 1807, ont été réunis au collège Sainte-Barbe.
Tout à côté, dans la basse-cour du même hôtel de Bourgogne, fut fondé, à peu près à la même époque, un autre collège dit de Coquerel, du nom de son fondateur natif de Montreuil-sur-Mer, et ce collège fut vendu par lui à Simon du Gast, qui le fit prospérer ; toutefois, au commencement du XVIIIe siècle, le bâtiment seul existait ; depuis longtemps principal et boursiers avaient disparu.

Le 30 janvier 1413, le roi convoqua une assemblée des notables à l'hôtel Saint-Paul, afin de travailler à la réformation de certaines lois ; on en profita pour critiquer vertement la conduite des membres du conseil et le roi dut, peu de temps après, destituer le prévôt de Paris, Pierre des Essarts, et plusieurs autres fonctionnaires en titre. Ils jugèrent prudent de quitter Paris au plus vite. Ce fut Leborgne de La Heuse qui succéda à Pierre des Essarts.

Le 28 avril, Pierre des Essarts revint tout à coup, accompagné d'une troupe de chevaliers et d'écuyers armés, et s'empara de la Bastille au nom du dauphin. Cet audacieux coup de main fit un bruit épouvantable par la ville ; et le groupe des bouchers Le Goix excita un tumulte considérable. Leurs amis avaient à leur tête un écorcheur nommé Caboche et un chirurgien, Jean de Troye. Ces deux hommes crièrent partout qu'on voulait enlever le roi et le dauphin.

La populace s'attroupa et exigea sur l'heure la destitution de Pierre Gentien, prévôt des marchands. Les échevins lui substituèrent André d'Epernon. Le peuple accourut en foule sur la place de Grève et força le nouveau prévôt à lui remettre l'étendard de la ville ; on voulut aussi le contraindre à donner l'ordre de faire assembler en armes les cinquanteniers et les dizeniers avec toute leur suite, mais l'ordre fut donné verbalement, et le greffier refusa de s'y conformer, exigeant la signature de son chef ; de plus, il rappela que le prévôt, les échevins et le gouverneur de Paris avaient promis par serment au dauphin de ne pas faire prendre les armes aux habitants sans l'en avertir deux jours auparavant.

La journée se passa en pourparlers ; les rues étaient couvertes de monde, depuis la Bastille jusqu'aux Célestins ; on attendait la réponse du dauphin à qui on avait demandé de livrer Pierre des Essarts. Le soir, le dauphin fit connaître que l'ex-prévôt demeurerait à la Bastille comme prisonnier.

Cela ne suffit pas à l'impatience générale, et le lendemain, bien que le prévôt des marchands, les cinquanteniers et les échevins se fussent assemblés à l'Hôtel de Ville pour essayer de calmer l'effervescence populaire, trois mille hommes coururent investir la Bastille, en poussant des cris de mort. Deux partisans du duc de Bourgogne, Hélion de Jacqueville et Robert de Mailly, les conduisaient. Bientôt le nombre des séditieux augmenta et ce ne plus seulement trois mille hommes, mais vingt mille qui se répandirent par la ville, les uns pour forcer la Bastille, les autres pour se diriger vers l'hôtel du dauphin. Ces derniers étaient guidés par Jean de Troye.

Ils commencèrent par fermer toutes les avenues de l'hôtel et plantèrent devant la porte l'étendard de la ville. Le dauphin se montra à l'une des fenêtres et demanda ce qu'on lui voulait. — Arrêter les gens de votre cour, complices de vos débauches, répondit Jean de Troye.

Le dauphin ne discuta pas à propos de cette violence de langage ; il se borna à faire en sorte d'apaiser la colère de la multitude et exhorta les émeutiers à rentrer chez eux et à se remettre au travail. Le chancelier, qui n'y était nullement forcé, prit alors la parole et demanda quels étaient ceux qui corrompaient le dauphin.

Jean de Troye tira de son haut-de-chausses une liste contenant les noms de plus de cinquante seigneurs et l'obligea à la lire deux fois à haute voix ; — son nom était le premier cité.

Il ne sut que répondre ; d'ailleurs on ne lui en laissa pas le temps ; les plus furieux enfoncèrent les portes de l'hôtel, la masse les suivit et en un clin d'oeil on pénétra partout ; les mutins se saisirent du duc de Bar, du chancelier Jean de Vailly et de plusieurs autres gentilshommes qu'ils conduisirent à l'hôtel d'Artois (séjour du duc de Bourgogne).

En chemin, ils tuèrent un valet du duc de Berry, le canonnier du dauphin, un des domestiques du duc d'Orléans, et le soir même ils jetèrent à la rivière un des secrétaires du roi, Raoul de Brisac. Puis, le lendemain, ils sommèrent le duc de Bourgogne de leur livrer le prévôt des Essarts.

Le duc, qui ne demandait pas mieux (des Essarts avait accusé le duc d'avoir dilapidé deux millions en or), alla droit à la Bastille et fit comprendre au prévôt que le plus sage était de se rendre, lui donnant sa parole qu'il le sauverait des mains des émeutiers. Sur cette promesse, il se livra et fut conduit sous bonne garde au Châtelet.

Tout ce qu'il avait laissé à la Bastille en argent, meubles et chevaux fut pillé. Les bourgeois regrettaient ces excès, mais ils n'osaient l'exprimer tout haut, tant leur peur était grande des amis de Jean de Troye et de Caboche, qui, du nom de ce dernier, étaient appelés Cabochiens.

Au commencement de mai, ceux-ci se coiffèrent de chaperons blancs et en présentèrent de semblables au dauphin et au duc de Bourgogne en les priant de les porter comme une marque de l'affection qu'ils avaient pour la ville de Paris. Ces princes obéirent et le dauphin eut en outre à subir le harangue d'Eustache de Pavilly qui, portant la parole au nom du peuple, reprocha au jeune prince sa vie déréglée, ses excès de jeu, de vin et de libertinage, et finit par demander qu'on fît le procès aux financiers et aux gens récemment emprisonnés.

Le dauphin promit tout ce qu'on voulut et nomma douze commissaires, chargés de s'occuper des affaires de la ville. L'émeute continua, mais comme le parti des chaperons blancs était pour le moment le plus fort, le prévôt des marchands, les bourgeois, tout le monde s'en couvrit et Jean de Troye le présenta au roi, lorsque celui-ci allait à Notre-Dame pour remercier Dieu de lui avoir rendu une lueur de raison.

Le roi l'accepta, le recteur de l'université, les présidents du parlement l'imitèrent ; « n'en avait pas qui vouloit, » dit Juvénal des Ursins. Il est vrai que ceux à qui on le refusait couraient grand risque d'être massacrés, comme appartenant au parti des Armagnacs. Eustache de Pavilly entreprit de justifier devant le roi tout ce qui s'était passé jusqu'alors, et à son tour Jean de Troye, suivi de dix mille hommes armés, alla à l'hôtel Saint-Paul haranguer le dauphin, le 22 mai.

Hélion de Jacqueville, que le peuple avait nommé capitaine de Paris, pénétra dans les appartements à la tête de seize Cabochiens déterminés et arrêta Louis de Bavière, beau-frère du roi (qui fut mené au Louvre avec d'autres seigneurs), et Renaud d'Angennes, gouverneur du dauphin, Jean de Nielles, chancelier, Jean de Nantouillet, les dames de Montauban, de Chasteaux, de Romans, du Quesnoy, d'Anclus, des Barres, etc., qui furent écroués à la conciergerie du Palais.

Le 26 mai, le roi se rendit au parlement accompagné du dauphin, des ducs de Bourgogne et de Berry et des principaux personnages de l'État et fit donner lecture des nouvelles ordonnances et des lettres patentes approuvant tout ce qui avait été fait jusqu'à ce jour.

On cria Noël ! en signe de réjouissance, et le roi fut invité par le prévôt des marchands et les échevins à poser le premier pieu d'un nouveau pont de bois que la ville avait entrepris de construire sur la Seine depuis la planche mi-bray jusque devant Saint Denis-de la Chartre. A cet endroit existait déjà, avant 1313, un petit pont de bois qui avait remplacé le grand pont rebâti par Charles le Chauve en face la rue de la Barillerie ; ce pont volant servait de communication entre la cité et les moulins construits sur la Seine ; des moulins à l'autre rive, on passait sur des planches mobiles que l'on plaçait et retirait à volonté ; c'est ce qu'on appelait les planches mi-bray, c'est-à-dire planches à mi-bras, (à moitié du bras de la Seine).

A cette époque, les eaux de la Seine, surtout pendant l'hiver, venaient battre les murailles des premières maisons de la rue Planche-Mibray (qui existait encore en 1854 et qui disparut lors du décret du 29 juillet, ordonnant l'ouverture de l'avenue Victoria).

Le roi accepta l'invitation et le 31 mai 1413, à dix heures du matin, armé d'une trie, il enfonça le premier pieu et passa la trie au duc de Guyenne son fils ; celui-ci fit de même, ainsi que les ducs de Berry et de Bourgogne et le sire de La Trémoille.

Il fut nommé pont Notre-Dame, en l'honneur de l'église cathédrale qui se trouve proche, et comme il ne pouvait être construit qu'à grands frais, en raison de la profondeur qu'avait la Seine à cet endroit et de la rapidité du courant, le roi accorda au prévôt des marchands et aux échevins la propriété de tous les édifices qui seraient bâtis sur ce pont, à la condition qu'ils l'entretiendraient en bon état, qu'il n'y pourrait demeurer aucun orfèvre ni changeur et que le roi aurait la justice et un denier de cens, entre deux palées du pont.

Il accorda de plus à la ville, pour en accélérer et faciliter la construction, la jouissance pendant un certain nombre d'années de la troisième partie des subsides de la ville, qui montait par an à plus de trente-six mille francs d'or.

On mit sept années à la construction du pont Notre-Dame qui avait 106 mètres de long et 30 de large. Il était supporté par 17 travées de piles de bois ; chacune de ces travées se composait de 30 pièces de bois. Trente maisons de chaque côté le bordaient. Ces maisons, qui étaient en bois, se faisaient remarquer par leur élévation et l'uniformité de leur construction. Lorsqu'on se promenait sur ce pont, d'où l'on ne voyait pas la rivière, on se fût cru au milieu d'une foire, en raison du grand nombre et de la variété des marchandises qui s'y trouvaient étalées aux regards des passants. L'historien Robert Gaguin estime qu'il passait alors pour un des plus beaux ouvrages qu'il y eût en France. Au-dessous, des moulins étaient établis, selon la coutume, sur des bateaux.

Il s'écroula le 26 octobre 1499 ; nous dirons la cause de cet événement. Bien que tout le monde parût d'accord après la tenue du lit de justice faite au parlement par le roi, le 26 mai, les partisans de Caboche n'en poursuivirent pas moins avec ardeur le procès des prisonniers qu'ils avaient faits quelques jours auparavant, et ils parvinrent à faire condamner à mort Jacques de La Rivière et Jean du Mesnil, deux jeunes gentilshommes, favoris du dauphin. La Rivière se tua dans sa prison, mais son cadavre fut placé sur la charrette qui conduisait du Mesnil aux Halles, et, tous deux, le mort et le vivant, eurent la tête tranchée.

Fiers de ce succès, les Cabochiens emprisonnèrent plusieurs autres personnes et pillèrent nombre de particuliers ; Jean Juvénal des Ursins fut conduit au Châtelet d'où il ne sortit qu'en payant 2,000 écus. Jean Gerson, chancelier de l'Église de Paris, et curé de Saint-Jean-en-Grève, s'étant avisé de blâmer les taxes qu'on imposait pour l'entretien des troupes, n'eut que le temps de se sauver sur la toiture des voûtes de Notre-Dame ; sa maison fut pillée.

Mais tout cela n'était que le prélude de scènes beaucoup plus tragiques. Pierre des Essarts, prévôt de Paris, accusé de tous les crimes imaginables, trahison, concussion etc., fut condamné à mort le Ier juillet ; on le tira de la grosse tour du Palais où on l'avait emprisonné, on le traîna sur une claie attachée à une

Furieux, le dauphin tira sa dague et en porta trois coups à Jacqueville.
charrette, jusqu'à l'hôtel de la Coquille, dans la rue Saint-Denis, et là on le fit monter dans la charrette pour être conduit aux Halles, où une foule énorme l'attendait pour insulter à ses derniers moments. Il monta sans pâlir sur l'échafaud, et tendit lui-même son cou au bourreau. Sa tête fut mise au bout d'une lance et son corps porté au gibet.

Le 9 du même mois, le capitaine gouverneur de Paris, Hélion de Jacqueville, passant avec le guet, à onze heures du soir, devant les portes de l'hôtel Saint-Paul, monta brusquement jusqu'aux appartements du dauphin, qui donnait un bal. Il lui reprocha en termes très vifs de mener ainsi une vie de dissolutions et de plaisirs ; puis, s'adressant à Georges de La Trémoille, il lui reprocha d'être l'instigateur de ces divertissements inconvenants. Celui-ci répondit par un démenti qui fut suivi d'une repartie des plus outrageantes. Furieux, le dauphin tira sa dague et en porta trois coups à Jacqueville qui, heureusement pour lui, portait un haubergeon, c'est-à-dire une chemise de mailles sous ses vêtements.

Mais alors les gens du guet prirent le parti de leur chef, et fondirent sur le sire de La Trémoille, qui eût été infailliblement tué, si le duc de Bourgogne n'était accouru pour le retirer de leurs mains. Le dauphin reçut une telle commotion de cette scène qu'il en cracha le sang pendant trois jours.

Tandis que ceci se passait à l'hôtel Saint-Paul, le feu dévorait le collège de Saint-Denis, et plusieurs autres maisons de Paris furent aussi la proie des flammes pendant les jours suivants.

Le 13, un ordre du roi commanda au prévôt des marchands, et aux échevins, de se réunir à l'Hôtel de Ville, afin d'entendre la communication d'un traité de paix générale. Mais on avait compté sans Hélion de Jacqueville, Denis de Chaumont, et Simon Le Coustelier, dit Caboche, qui firent irruption dans la salle des délibérations, à la tête de cent hommes, et qui empêchèrent toute discussion.

Enfin le projet fut lu le 2 août, en présence d'environ mille personnes, et en reçut l'approbation à peu près générale. Malheureusement un échevin, Robert de Belloy, s'avisa de dire que tous ceux qui n'approuvaient pas ce traité devaient être regardés comme des traîtres. A peine le mot fut-il lâché qu'Henri de Troye, fils de Jean, l'un des chefs cabochiens, lui envoya un démenti à haute voix ; et il ajouta que la paix qu'on voulait faire était une paix fourrée de peau de renard.

Un tumulte inexprimable suivit ces paroles. Henri de Troye, qui ne se laissait pas facilement intimider, reprit — Il y en a ici qui ont trop de sang ; ils ont besoin qu'on leur en tire ; il en faudra venir aux couteaux. Et il sortit tout bouillant de colère. Ses partisans réclamèrent la remise de la discussion au samedi suivant, mais la majorité demanda qu'on prît l'avis des quarteniers. — Oui ! oui ! par les quartiers ! cria-t-on. Cela signifiait qu'on voulait faire voter les quarteniers.

Les bouchers se retirèrent, mais Jean de Troye assembla les quarteniers et leur lut un mémoire dirigé contre le parti d'Orléans pour les empêcher de voter dans le sens de la paix ; alors Juvénal des Ursins lui arracha le mémoire des mains, aux acclamations de la foule qui cria : — La paix ! la paix !

Les bourgeois s'armèrent et se répandirent dans les diverses rues de Paris, en criant de nouveau qu'ils voulaient la paix. Les cabochiens tentèrent un coup désespéré ; ils réunirent 400 hommes armés et une nombreuse suite d'arbalétriers et se portèrent sur l'Hôtel de Ville, dont ils se rendirent maîtres.

Mais le lendemain matin, vendredi, 30,000 hommes en armes, commandés par le dauphin, se montrèrent et commencèrent par délivrer les prisonniers qui se trouvaient encore au Louvre et au Palais ; la garde du Louvre fut confiée à Louis de Bavière, celle de la Bastille au duc de Bar, le gouvernement de Paris au duc de Berry, la prévôté à Tanneguy Duchâtel, le prévôt des marchands André d'Epernon garda ses fonctions, mais les deux échevins Jean de Troye et de Belloy furent destitués. Les cabochiens, Simon Caboche en tête, se hâtèrent de fuir pour éviter la potence. La paix était désormais assurée.

 


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