Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Clos et courtines. – Les premiers pavés. – Le mur d'enceinte. – Le Louvre. – L'Université. – Les collèges. – Les écoliers. – Leur vie. – Le Pré aux Clercs. – La fête de l'âne. – Les diacres soûls. – La fête des fous. – La prostitution. – Le roi des ribauds. – Sainte-Madeleine. – La châsse de sainte Geneviève. – Les excommunications. – L'évêque et l'abbé. – Saint André des Arts. – Saint-Côme et Saint-Damiens. – Saint-Honoré. – Saint Nicolas des Champs. – Les frères aux ânes. – Les Dominicains. – Les Jacobins. – L'abbaye Saint-Antoine. – L'hôpital de la Croix de la Reine. – Femmes et prêtres. – La famine. – Les inondations. – Écroulement du Petit-Pont. – Les juifs. – Le four banal. – Les femmes enceintes. – Brûlés vifs. – Les supplices. – Les crimes des écoliers. – Bataille avec les bourgeois. – Les rues de Paris. – La police. – Les écoles fermées. – Louis VIII. – Le légat. – Le baiser de paix. – Le luxe. – Les modes. – La cour.

Louis VII dit le Jeune étant mort le 18 septembre 1180, son fils Philippe II Auguste lui succéda. On sait qu'un des premiers actes du jeune roi fut le bannissement des juifs du royaume et là confiscation de leurs biens.

Des sommes provenant de leurs dépouilles, Philippe fit bâtir l'église des Saints Innocents et entourer de murs le cimetière de ce nom qui était un dépôt général d'immondices et qui servait de lieux d'aisances à la plupart des habitants des environs ; le soir c'était un lieu de débauche et de prostitution.

L'église fut édifiée à peu près à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers, et les chroniqueurs prétendent que ce fut en expiation d'un crime commis par un juif qui avait assassiné à cette même place un jeune homme nommé Richard ; toutefois il est présumable que ce ne fut d'abord qu'une simple chapelle, car en 1445 seulement, Denis Dumoulin en fit la dédicace. Le cimetière des Innocents se trouva plus tard entouré par une galerie voûtée qu'on appela le charnier des Innocents.

Mais avant d'aller plus loin, arrêtons-nous un moment et jetons un coup d'oeil sur la physionomie qu'avait Paris avant que Philippe II Auguste y fit entreprendre les nombreux travaux d'utilité publique qui ont signalé son règne.

On a vu que jusqu'à Hugues Capet, la montagne Sainte-Geneviève et les terrains avoisinant étaient couverts de vignes ; ces vignobles étaient divisés en clos et entourés de murailles, mais à partir du XIIe siècle, nombre d'habitations, particulièrement des écoles s'élevèrent dans ces parages et finirent par envahir cette campagne.

A la même époque, les terrains de la rive droite restés incultes, furent défrichés et de chaque côté des rives du fleuve, il se forma des cultures, et des courtilles (jardins entourés de haies). Quelques-uns de ces clos étaient considérables par leur étendue ; c'est ainsi que sur la rive gauche on comptait : le clos de Laas qui appartenait aux religieux de Sainte-Geneviève et à ceux de Saint Germain des Prés ; il s'étendait depuis les portes de Nesle jusqu'à la rue de la Huchette.

Le clos de Mauvoisin et celui de Garlande séparés l'un de l'autre par la rue Galande, le clos l'Évêque qui les avoisinait, le clos Bruneau faisant suite au clos Garlande et appartenant au chapitre de Saint-Marcel, le clos du Chardonnet sur l'emplacement duquel fut bâtie l'église de Saint-Nicolas du Chardonnet, le clos des Arènes, rue Monge à peu près, où on découvrit les arènes en 1870, le clos du Mont Cétard (Mouffetard), le clos du Roi près l'église Saint-Jacques du Haut-Pas, le clos aux Bourgeois au bas de la rue d'Enfer, le clos des francs Mureaux près Notre Dame des Champs, le clos Payen qui côtoyait la rivière de Bièvre, enfin les clos de Saint-Germain-des-Prés, de Sainte-Geneviève, de Saint-Victor, des Cordeliers, des Jacobins.

Sur la rive droite venaient : le Champeaux dont nous avons parlé, le Marais Sainte-Opportune qui s'étendait du nord du Champeaux au bas de Montmartre, la culture l'Évêque, (où se trouve aujourd'hui le faubourg Saint-Honoré, la Madeleine) la culture Saint-Éloi entre la Seine, Saint-Paul et l'Arsenal, la culture Sainte-Catherine séparée de la dernière parla rue Saint-Antoine, la culture Saint-Gervais entre les rues Saint-Gervais, Culture et du Temple, la culture du Temple (le quartier du Marais), la culture Saint-Martin entre les remparts, les rues Grenier Saint-Lazare, Michel le Comte, du Temple et Saint-Martin, la culture, Grenier Saint Ladre, entre la culture Saint-Martin et celle du Temple, la culture des Filles-Dieu, de la Porte Saint Denisà l'église de Notre Dame de Bonne Nouvelle, la culture Saint-Magloire, la culture Saint-Lazare, etc.

Parmi les courtilles on comptait : la courtille Barbette tenant à la rue du même nom, la courtille Saint-Martin attenant au prieuré, la courtille du Temple,

Philippe-Auguste ordonne de paver Paris.
Belleville. Il y a peu d'années encore, le mercredi des cendres, avait lieu la descente de la Courtille.

Une carte de la ville de Paris sous Louis le Jeune, mentionne l'hôtel de Vauvert près Notre Dame des Champs, et les bourgs de Saint-Marcel, Saint-Éloi, Saint-Germain, le nouveau bourg Saint-Germain, le beau bourg, le bourg l'abbé, et le bourg Thibourg. Les bourgs succédaient aux clos.

Paris a grandi malgré la guerre, il s'est développé malgré la famine et la peste, bientôt l'enceinte jugée nécessaire par Louis VI dit le Gros, laissait échapper de toutes parts des grappes de maisons et des clochers ; et avant de partir pour la croisade Philippe II Auguste ordonna aux bourgeois de Paris de travailler sans délai à une nouvelle ceinture de pierres, solide, garnie de tourelles et de portes pour garantir sa capitale de toute attaque du dehors.

Les Parisiens l'aimaient, le roi Philippe II, et quand il revint victorieux de Bouvines, ils célébrèrent son triomphe par des fêtes qui durèrent huit jours. C'est qu'il était peut-être le premier qui s'occupât de leurs besoins et qui ne se bornât pas à élever des édifices religieux, il accorda de nombreux privilèges aux écoliers dont l'affluence était devenue considérable, dota Paris de plusieurs établissements utiles, et témoigna pour ses sujets une sorte de sollicitude à laquelle ils n'étaient pas accoutumés.

C'est à ce prince que Paris doit son premier pavage. En 1185 il se promenait dans une des salles de son palais de la Cité et il s'approcha d'une fenêtre où il se plaçait quelquefois, rapporte l'historien Rigord, pour se distraire par la vue du cours de la Seine. Des voitures traînées par des chevaux traversaient alors la cité et remuant la boue, en faisaient exhaler une odeur insupportable. Le roi ne put y tenir et même la puanteur le poursuivit jusque dans l'intérieur de son palais. Dès lors, il conçut un projet très difficile mais très nécessaire, projet qu'aucun de ses prédécesseurs, à cause de la grande dépense et des graves obstacles que présentait son exécution, n'avait osé entreprendre. Il convoqua les bourgeois et le prévôt de la ville, et par son autorité royale, leur ordonna de paver avec de fortes et dures pierres toutes les rues et voies de la cité.

Ce pavage se fit avec des pierres carrées en grès d'environ un mètre 15 centimètres de long, sur 15 à 18 centimètres d'épaisseur, et ce furent les bourgeois qui en payèrent les frais, aussi, malgré le bien-être qui devait en ressortir pour tous ; ils ne se pressèrent pas d'étendre le pavage au delà des environs du palais et des deux rues qui traversaient la Cité du nord au sud et de l'est à l'ouest (c'est ce qu'on appelait la croisée de Paris). Ce qui prouve le peu d'empressement qu'on apporta dans l'exécution de ce pavage, c'est que sous Louis XIII la moitié des rues de Paris n'étaient pas encore pavées.

Mais venons à l'enceinte ordonnée par Philippe-Auguste et dont les travaux furent poussés avec plus d'activité que ceux du pavage, puisque la partie septentrionale qui fut la première commencée, s'acheva dans l'espace d'une quinzaine d'années. Les faubourgs furent entourés d'un mur de plus de deux mètres d'épaisseur, formé d'un blocage revêtu de maçonnerie, flanqué de cinq cents tours et percé de quatorze portes. Nous allons donner le parcours de ce mur avec la position qu'il occuperait aujourd'hui s'il existait.

Ce mur d'enceinte, commencé en 1190, prenait à une grosse tour qu'on appelait la tour qui fait le coin, et qui existait à peu près où se trouve aujourd’hui le pont des Saints-Pères (rive droite), allait passer à la Porte Saint Honoré (près l'Oratoire) défendue par deux tours, puis suivait les rues actuelles de Grenelle et d'Orléans Saint-Honoré, jusqu'au carrefour formé à la jonction des rues Jean-Jacques Rousseau et Coquillière ; là encore était une porte nommée porte Bahaigne.

De cette porte, la muraille se prolongeait entre les rues Jean-Jacques Rousseau et du Jour ; elle coupait1e commencement de la rue Montmartre, celui de la rue Montorgueil, coupait aussi la rue Française et arrivait par la rue Mauconseil à la rue Saint-Denis, où se trouvait la porte appelée Porte-Saint-Denis ou Porte aux peintres, coupait le boulevard Sébastopol et la rue Saint-Martin où se trouvait la poterne Nicolas Huidelon, en englobant la rue aux Ours, suivait les rues Grenier Saint-Lazare, Michel le Comte, traversait la rue du Temple et venait aboutir rue du Chaume au palais des Archives, où se trouvait une tour dont on découvrit les restes en 1878.

Cette tour, située entre les rues des Francs-Bourgeois et des Blancs-Manteaux, est attenante aux bâtiments du Mont-de-Piété et fait face au palais des Archives. Englobée dans un pâté de vieilles maisons démolies pour l'agrandissement du Mont-de-Piété, elle servait de cage d'escalier, et est parfaitement reconnaissable, tant à sa forme cylindrique qu'à l'appareil de sa maçonnerie. La muraille suivait alors la rue des Francs-Bourgeois, enclavait le marché des Blancs-Manteaux et aboutissait au coin de la rue Vieille-duTemple et de la rue des Rosiers, où se trouvait la porte Barbette, suivait à peu près la rue Malher et aboutissait place de Birague, à l'endroit où la rue de Rivoli devient la rue Saint-Antoine ; c'était là qu'était la porte Baudet ou Baudoyer ; elle traversait ensuite l'endroit où se trouve l'église Saint-Paul Saint-Louis, la caserne de l'Ave-Maria, descendait la rue des Barres et venait s'arrêter au quai, où se trouvait la porte Barbel sur l'Yeau.

Les vestiges de la tour de ce nom furent retrouvés en 1878, en creusant les fondations du nouveau marché de l'Ave-Maria. On comptait dix tours entré la tour Barbel-sur-l'Yeau et celle de la rue des Francs-Bourgeois.

Pour ne pas interrompre la ligne de fortifications, passons de suite à celles de la rive gauche, bien qu'elles n'eussent été commencées qu'en 1208, alors que celles de la rive droite étaient complètement terminées.

Elles prenaient à la tour de Nesle (pavillon de la bibliothèque Mazarine). Le mur traversant la rue Dauphine, suivait la petite rue Contrescarpe, et aboutissait rue Saint André des Arts où se trouvait la porte Buci (bâtie en 1209), traversait le boulevard Saint-Germain (près la cour du Commerce) où était la porte des Cordeliers (qui prit plus tard le nom de porte Saint-Germain) et suivant la rue Monsieur le Prince, aboutissait place Saint-Michel, au coin du boulevard Saint-Michel, où se trouvait la porte de Fert ou d'Enfer (porte Saint-Michel sous Charles VI) ; de la place Saint-Michel, le mur allait se raccorder à là porte de Notre Dame des Champs, qui se trouvait entre la rue Soufflot et la rue des Fossés Saint-Jacques, puis enserrant la place du Panthéon, aboutissait à l'angle de la rue Descartes et de la rue de Fourcy, où se trouvait la porte Bordet ou Bordel, de là suivait la rue des Fossés Saint-Victor, coupant la rue Clovis et traversant l'Ecole polytechnique, il arrivait rue Saint-Victor, à peu de distance de l'endroit où elle se rencontre avec la rue des Écoles où se trouvait la porte Saint-Victor, et gagnait le quai de la Tournelle, en suivant une direction parallèle à la rue des Fossés-Saint-Bernard.

Certes, comparé au Paris moderne, le Paris de Philippe-Auguste était encore une bien petite capitale et cependant que de changements opérés depuis le jour où, sur les îles du fleuve, ont été construites les premières habitations des bateliers et des pêcheurs !

Aussi les Parisiens sont-ils tout fiers de leurs murailles, de leurs tourelles et des quatre grosses tours qui les défendent : la tour de Nesle en face
La tour qui fait le coin, et la tour de la Tournelle en face la tour Barbel. Quatre sentinelles qui veillent nuit et jour pour la sécurité de Paris.

Mais ce n'était pas tout, le roi voulut achever son oeuvre en bâtissant un castel fortifié qui fut le complément de la ceinture de pierres, dont il venait d'entourer Paris. Il existait déjà depuis longtemps une sorte de maison de plaisance en dehors de la ville ; il résolut de l'a transformer en château fort, commandant la Seine et ne voulant relever de personne, il chargea en 1204 la prévôté de Paris de payer au prieur et aux religieux de Saint-Denis de la Chartre trente sous parisis afin de pouvoir bâtir sur leurs terres, et il fit construire le Louvre.

Le château avait la forme d'un carré et était percé à l'aventure de petites croisées les unes sur les autres sans ordre ni symétrie. Il était fortifié et environné de fossés larges et profonds. Au centre du carré, s'élevait la grosse tour du Louvre, percée de petites fenêtres profondes et grillées, coiffée d'une grosse corniche saillante et d'un toit pointu au-dessus duquel flottait la bannière royale. C'était là qu'on enfermait prisonniers d'Etat, joyaux de la couronne, trésor du roi et trésor des Chartes.

Selon Sauval, elle avait 144 pieds de circonférence et 96 pieds de hauteur, ses murs étaient épais de 13 pieds près du sol et de 12 pieds dans la partie haute ; une galerie supérieure la reliait avec les bâtiments de la première enceinte. Tous les grands fiefs, et les grandes seigneuries du royaume relevaient de cette tour. Ce fut là, qu'en 1214 Philippe-Auguste fit enfermer le comte de Flandre, Ferrand, qu'il avait vaincu à Bouvines.

Le roi voulut offrir aux Parisiens le spectacle d'une entrée triomphale, et parmi plusieurs seigneurs qu'il ramenait captifs, se trouvait le comte Fernand. Philippe imagina de charger de chaînes ce prisonnier et de le placer, sur le superbe chariot surmonté d'un aigle d'or tenant dans ses serres un dragon, qu’il avait conquis sur l'empereur Othon qui le faisait traîner à côté de lui à Bouvines. Ce fut en cet équipage que le comte fit son entrée à Paris, à la grande joie des Parisiens qui chantaient à tue-tête, cette poésie de circonstance :

Quatre ferranz ferrés
Traînent ferrant bien enferré

Emprisonné au Louvre, le comte y serait demeuré longtemps si sa femme, la comtesse Jeanne, n'était arrivée en toute hâte pour implorer le vainqueur.
Elle se jeta aux pieds du roi qui consentit à lui rendre son époux, à la condition que toutes les forteresses de Flandre et de Hainaut seraient rasées.

La comtesse qui aimait son mari ne demandait pas mieux que de faire raser remparts et bastions, mais le peuple de Flandre qui tenait plus à ses forteresses qu'à son comte, refusa net de ratifier l'engagement pris sans le consulter par la comtesse Jeanne et Ferrand demeura prisonnier jusqu'en 1226 ; il sortit du Louvre par suite du traité de Melun conclu en 1225 et après avoir payé 50,000 livres pour sa rançon.

Les travaux historiques de M. Vitet et les fouilles faites en 1866 ont permis de déterminer avec précision l'emplacement de l'ancien Louvre, figuré par des lignes tracées sur le sol dans la cour du Louvre restauré ; nous dirons les importantes modifications que subit, par la suite des temps, le Louvre, qui devint l'habitation des rois de France et ne cessa d'être considéré comme, le plus magnifique palais du monde, lorsque nous en parlerons tout au long.

Ce fut en 1200 que Philippe-Auguste eut l'idée de réunir les diverses écoles établies à Paris en une corporation qui ne fut cependant constituée qu'en 1212 ; sous le nom d'Université. Ce fut Robert de Courçon qui en rédigea les statuts ; jusqu’alors la faculté d'enseigner était accordée à tous ; à partir de cette époque il devint nécessaire pour cela d'obtenir une licence et des collèges furent créés pour servir d'asile aux écoliers indigents. Pendant son règne quatre de ces collèges furent fondés à Paris celui de saint Thomas du Louvre, celui de Constantinople, celui des Bons Enfants et enfin celui de Saint-Nicolas du Louvre.

L'église Saint Thomas du Louvre avait été bâtie par Robert, comte de Dreux, frère du roi Louis VII, sous l'invocation de saint Thomas de Cantorbery et un hôpital lui avait été adjoint par le même personnage, en faveur d'un certain nombre de pauvres écoliers, mais ceux-ci avaient dès disputes continuelles avec les chanoines de l'église, et en 1217, ils obtinrent de l'évêque de Paris la permission d'avoir une chapelle et un cimetière pour eux et leurs valets, et leur hôpital ou collège fut distinct de l'église et devint le collège hôpital des pauvres écoliers de Saint-Nicolas. Le 25 juillet 1541, Jean du Bellay, évêque de Paris, supprima le collège en l'érigeant en un chapitre composé d'un prévôt et de quinze chanoines qui furent réunis en 1740 à ceux de Saint Louis du Louvre. L'église Saint-Nicolas, dès lors totalement abandonnée, fut démolie avant la révolution de 1789.

Le collège de Constantinople était situé au bas de la place Maubert dans une rue appelée rue Sans Bout, qui allait de la place à la rivière. Il avait été fondé par Pierre, patriarche de Constantinople, il n'avait plus qu'un seul boursier nommé Yvan de Novare, lorsqu'il passa en 1362 ; entre les mains de Guillaume de La Marche qui le réorganisa et lui donna son nom.

Le collège des Bons Enfants a donné son nom à la rue qui avoisine le Palais-Royal. Ce fut un bourgeois de Paris, Etienne Belot et sa femme Ada, qui le fondèrent en 1208, pour treize écoliers on l'appelait l'hôpital des pauvres écoliers, ce qui fit qu'en 1300 on nommait encore la rue des Bons Enfants rue des Pauvres Écoliers. Il fut restauré par Jacques Coeur qui y eut sa sépulture et réuni en 1602 à l'église Saint-Honoré ; il fut démoli, mais la chapelle subsista jusqu'à la révolution où elle devint propriété nationale et fut vendue le 17 avril 1792.

Le bon accueil que recevaient les écoliers à Paris en fit accourir de partout, et naturellement tous ces jeunes gens, arrivant du nord et du midi, avec des habitudes, des goûts, voire, même un langage différents, formèrent un corps bruyant, tapageur, aussi ardent au plaisir qu'au travail et dont les joyeusetés déplaisaient fort aux bourgeois qui, alors comme aujourd'hui, aimaient l'ordre et la tranquillité. Or ces deux bienfaits résultant d'une bonne administration, étaient difficiles à obtenir en raison de la prétention qu'avait l'autorité ecclésiastique d'être seule compétente pour réglementer la vie des écoliers, qui d'ailleurs se trouvaient soutenus contre les bourgeois par les privilèges dont le roi les avait gratifiés, peut-être un peu libéralement.

Ce prince avait voulu que les habitants de Paris qui seraient témoins d'une insulte faite à un écolier en rendissent témoignage, et lorsqu'ils voyaient un écolier assailli, ils étaient tenus de venir à son secours. Il était défendu au prévôt de Paris et à ses officiers d'arrêter un écolier et s'il s'agissait d'un crime, l'autorité ecclésiastique avait seule le droit d'en connaître. Et ajoutons que les serviteurs des écoliers jouissaient des mêmes privilèges que leurs maîtres, uniquement parce qu'ils étaient à leur service.

Or, si on veut savoir comment vivaient messires les écoliers, ivrognes, libertins, querelleurs, batailleurs et homicides par manière de passe-temps, on n'a qu'à consulter l'histoire occidentale de Jacques de Vitry, elle nous édifiera sur leur compte ; il prétend que c'était surtout dans les maisons de prostitution qu'ils passaient leur temps. Au premier étage se trouva Me professeur (maître) qui y faisait son cours, à l'étage inférieur étaient réunies des filles de mauvaise vie.

Peu de clercs étudiants s'instruisaient à cause de la diversité de leurs opinions et de leurs pays. Ils ne cessaient de se quereller : « les Anglais sont ivrognes et poltrons, dit-il, les Français fiers, mous et efféminés, les Allemands, furibonds et obscènes dans leurs propos de table, les Normands vains et orgueilleux, les Poitevins traîtres et avares, les Bourguignons des brutaux et des sots, les Bretons légers et inconstants.»

On voit d'ici ce qui pouvait résulter de cette agglomération de jeunes hommes dans de pareils lieux.

Jamais, au dire d'un chroniqueur du XIIe siècle, on n'avait vu ni dans Athènes, ni en Égypte, ni dans aucun lieu du monde, une telle affluence d'étudiants. Ils étaient attirés non seulement par le charme du séjour et la réputation des maîtres, mais surtout par la liberté et les immunités dont ils jouissaient.

Ils avaient pris l'habitude de se promener dans une magnifique prairie qui s'étendait à peu près de la rue Bonaparte jusqu'à l'esplanade des Invalides, et de la Seine à Saint Germain des Prés ; c'était ce qu’ils appelaient leur pré et ce que tout le monde finit par appeler le Pré aux Clercs.

Un large fossé désigné sous le nom de Petite Seine, coupait le pré en d'eux, la plus petite partie au nord de l'abbaye et comprise entre les murs la Seine et la petite Seine, s'appelait le petit pré, la seconde le grand pré.

Non seulement les écoliers se regardaient comme souverains absolus dans le grand pré, mais ils ne se gênaient nullement pour aller s'ébattre dans le petit pré qui appartenait aux moines de Saint Germain des Prés, gens peu endurants qui en 1163, sous le règne de Louis le Jeune essayèrent un beau jour, avec l'aide des habitants du voisinage, de repousser les écoliers au delà de la petite Seine ; des coups de bâton furent échangés, on s'assomma quelque peu de part et d'autre et le différend fut porté devant un concile qui donna raison aux moines, mais les écoliers n'en continuèrent pas moins à faire leurs volontés.

En 1192 il y eut une nouvelle bataille avec les moines et les bourgeois ; un écolier fut tué, d'autres furent blessés et les luttes continuèrent jusqu'à la fin du siècle suivant, où elles prirent un caractère de gravité plus grand encore ainsi qu'on le verra.


Philippe-Auguste voulut offrir aux Parisiens
le spectacle d'une entrée triomphale.
Notons en passant qu'en 1196, au mois de mars, des villages entiers furent engloutis et des ponts furent rompus sur la Seine. La pluie tombait sans interruption jour et nuit. Le peuple crut à un nouveau déluge. Il y eut, à cette occasion, des jeûnes, des prières publiques, des processions pour conjurer la colère céleste. Cette année là, le roi Philippe fut obligé d'abandonner son palais de la Cité, envahi par les eaux, pour se réfugier à l'abbaye Sainte-Geneviève.

En même temps que Philipe-Auguste protégeait l'instruction, il prenait des mesures contre des pratiques indécentes, superstitieuses qui déshonoraient le culte : il tenta d'abolir l'a fête de l'âne et celle des fous, sortes de saturnales continuées par les chrétiens et que tolérait un clergé ignorant.

C'était au mois de janvier que dans la cathédrale de Paris se célébrait la fête de l'âne ; à la tête d'une longue procession composée de tout le chapitre et des confréries, bannières déployées, marchait richement harnaché, un âne portant sur son dos une jeune fille bien vêtue et « encourtinée d'une chape d'or », un poupon dans les bras ; elle figurait la Vierge Marie et l'enfant Jésus fuyant en Egypte.

On sortait de l'église dès l'aube, on faisait le tour de la cité et au retour on plaçait l'âne et la jeune fille dans le choeur à côté de l'évangile.

Puis, chacun ayant pris sa place, on entonnait après l'épître, ce qu'on appelait la prose de l'âne, c'est-à-dire une sorte de complainte burlesque en latin, divisée en strophes. Après chacune d'elles, le peuple réuni dans l'église répondait en choeur et en français :

Hez ! sire âne, çà chantez,
Belle bouche, rechignez !
Vous aurez du foin assez
Et de l'avoine à plantez.

Et on terminait la complainte en s'écriant : « Assez chanté ! Ane dites amen, dites encore amen, amen, et moquez-vous des vieilleries, hez, va ! hez, va ! hez biaxlz, sire âne ; car allez, belle bouche, car chantez ! »

Naturellement l'âne ne répondait point, mais l'évêque de Paris, la mitre en tête, la crosse à la main, écoutait gravement toutes ces niaiseries, et les chants de la messe se terminaient par d'immenses hi han ! hi han ! hi han ! répétés par toute l'assistance.

Le prêtre lui-même, qui officiait, au lieu de chanter Ite missa est, se mettait à braire et tous les fidèles répondaient : Deo gratias !

 


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