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L'UNIVERSITÉ DE PARIS
(D'après Paris,
450 dessins inédits d'après nature,
paru en 1890)
La Bibliothèque nationale possède dans ses vitrines de la galerie Mazarine deux exemplaires de cet ouvrage in-quarto, dont le glorieux droit d'aînesse est constaté au dernier feuillet par une épigraphe latine dédiée à la Sorbonne et qui se traduit ainsi : « Voici les premiers livres que cette industrie a produits sur la terre de France et dans ta demeure. Les maîtres Michel, Ulric et Martin les ont imprimés et en feront d'autres encore. » Ils tinrent parole, car, de 1470 à 1472, ils imprimèrent à la Sorbonne quinze autres ouvrages que la Bibliothèque nationale possède tous, parmi lesquels on remarque plusieurs classiques latins : Salluste, Florus, les Tusculanes et les Offices de Cicéron, les comédies de Térence et les Offices de saint Ambroise. Un tel souvenir contraste avec l'esprit d'intolérance et de fanatisme
Les imprimeurs ne furent pas ingrats, car Ulrich Gering, mort à Paris le 23 avril 1510, légua à la Sorbonne la somme énorme en ce temps-là de 8,500 livres d'argent comptant, plus la valeur de ses meubles, d'une grande imprimerie et d'une quantité de livres précieux. Riches de ces legs et de bien d'autres, les docteurs de Sorbonne n'avaient apporté aucun agrandissement ni amélioration au bâtiment primitif qui tombait en ruines ; heureusement pour eux, ils avaient compté parmi leurs élèves en théologie le cardinal de Richelieu, qui voulut donner au monde catholique et à la ville de Paris une marque de sa munificence. Il chargea Jacques Le Mercier, l'architecte du Palais-Cardinal, de reconstruire en entier l'édifice de la Sorbonne, lequel, commencé en 1629, fut achevé en 1642 tel qu'il a subsisté jusqu'à ces derniers temps. Il formait un carré long et consistait en quatre grands pavillons couverts d'ardoises, deux sur le devant et deux au fond, reliés sur le côté gauche par une aile où se trouvait à gauche l'entrée des services académiques, à droite l'escalier de la Bibliothèque. Le caractère de cette architecture, avec ses hautes fenêtres du second étage coupant la ligne des corniches, est essentiellement archaïque, car il rappelle de plus près le style de la Renaissance aux temps d'Henri III et d'Henri IV que celui des dernières années du règne de Louis XIII. La Bibliothèque de la Sorbonne occupait la partie droite du corps de logis du fond, touchant à la chapelle. La Révolution arriva ; elle s'empressa de confisquer la Bibliothèque au profit de la municipalité de Paris ; un décret du 5 avril 1792 supprima la Sorbonne elle-même, et le Directoire, en 1795, eut l'idée lumineuse de la louer comme une simple maison de produit. La Bibliothèque fut alors déménagée, et c'est ce qui probablement la sauva. Le citoyen Amcilhon, conservateur du dépôt littéraire de « Louis la Culture », le fit répartir entre différentes bibliothèques publiques ; les manuscrits, presque tous recueillis par la Bibliothèque nationale, y forment un fonds spécial d'environ deux mille volumes. Une nouvelle bibliothèque a été reconstituée à la Sorbonne sous le titre de Bibliothèque de l'Université. Elle occupe tout le second et le troisième étage de la Sorbonne depuis le pavillon du fond jusqu'au pavillon de devant et tout le long de
La galerie monumentale qui abrita longtemps la Bibliothèque de la Sorbonne fut, après la dispersion de celle-ci, coupée en hauteur par un plafond et en longueur par une cloison, de façon à y découper deux logements de deux étages chacun. L'un d'eux fut habité jusqu'à sa mort par M. Victor Cousin ; le fougueux apôtre de l'éclectisme y avait colligé une importante bibliothèque qu'il a léguée à l'Académie de Paris, et qu'on a laissée à la place même où elle fut formée. Au pied de l'escalier par lequel on y monte, la donataire a fait placer le médaillon de marbre de M. Cousin, accompagné d'une inscription rappelant les dates de sa vie, de sa mort, et les titres dont il était revêtu. En face, et comme pendant au petit monument de M. Victor Cousin, au-dessus de là porte voûtée qui ouvre sur la rue de Sorbonne, un médaillon et une inscription offrent les traits et rappellent les titres de M. Victor Le Clerc, le traducteur de Cicéron, ancien doyen de la Faculté des lettres de Paris. Les vieux bâtiments de la Sorbonne étant devenus insuffisants pour répondre- aux exigences sans cesse croissantes de l'instruction supérieure, son agrandissement fut décidé. La première pierre de la nouvelle Sorbonne fut posée au mois d'août 1884. Elle fait suite à l'ancienne, entre les rues de la Sorbonne et Saint-Jacques, sur lesquelles s'élèvent les façades latérales, et la rue des Écoles où s'ouvre la grande façade d'entrée. Celle-ci est ornée de deux bas-reliefs par deux maîtres de la sculpture moderne, Chapu et Mercié, représentant l'un les Lettres françaises, l'autre les Sciences. Des statues allégoriques de l'Histoire, de la Philologie, etc., en complètent la décoration. Cette vaste construction est entièrement réservée à l'Académie de Paris et à ses nombreux services : grande salle du conseil académique, salles de compositions, bureaux, etc. Elle renferme en outre un vaste amphithéâtre, pouvant recevoir trois mille personnes, qui remplace avantageusement le vieil amphithéâtre de la cour de Sorbonne, si triste, si obscur, d'un si difficile accès, contenant tout au plus douze cents places, et dans lequel les professeurs, les parents, les élèves, enfin le personnel obligé des grands concours, étouffaient à l'envi par les grandes chaleurs de l'été. A mesure que l'état des travaux de la nouvelle Sorbonne permettait l'installation successive des services, on a procédé à la démolition des vieux bâtiments ; la seconde partie de la reconstruction, comprenant la Faculté des sciences, sera terminée en 1891 ; enfin la troisième partie, comprenant la Faculté des lettres, la Bibliothèque de l'Université et l'École des hautes études, s'achèvera en 1895. Il ne subsistera -plus alors de l'antique édifice que l'église Sainte-Ursule, moins protégée par la grande ombre de Richelieu que par la clause de son testament qui en interdit la transformation. L'église de la Sorbonne occupe le quatrième côté du quadrilatère, qu'elle ferme par son extrémité méridionale. Le flanc gauche de l'église, qui sert de clôture à la grande cour, est accosté d'un portique avancé de dix pieds, élevé de quinze degrés, et formé par dix colonnes corinthiennes, séparées l'une de l'autre par des distances inégales, singularité des plus rares en architecture. Au-dessus du portique, on lit cette inscription en lettres d'or : ARMANDUS JOANNES, CARI). DUX DE RICHELIEU, SORBONAi PROVISOR, ÆDIFICAVIT
DO-MUAI ET EXALTAVIT TEMPLUM SANCTUM DOMINI. - Le portail de l'église forme le fond de la place de la Sorbonne ; la grande porte ne s'ouvrait autrefois que le 21 octobre, jour de la Sainte-Ursule, patronne de l'église, le jour de l'octave de la Fête-Dieu ou à la mort d'un docteur de la Sorbonne. Cet édifice, bâti par Jacques Le Mercier, sur l'emplacement de l'ancien collège de Calvi, rappelle les églises de la Renaissance italienne et abandonne complètement la tradition gothique. Il se compose extérieurement de deux étages en retrait l'un sur l'autre, couronnés par un dôme. Il est orné de deux ordres d'architecture superposés, l'inférieur formé par des colonnes corinthiennes entre lesquelles s'ouvre la grande porte, de dimensions assez exiguës ; le second, ou le supérieur, par des pilastres composites. Colonnes et pilastres sont séparés par des niches garnies de statues. Le dôme, accompagné de quatre
À l'intérieur, presque tous les ornements dont la munificence du cardinal et de ses héritiers avait doté la chapelle de Sorbonne ont disparu en 1793. Heureusement le tombeau du cardinal, enlevé du chœur dont il occupait le centre, a pu être préservé ; on l'a placé dans la chapelle latérale de droite, dans les circonstances et à la date indiquées par une inscription sur marbre noir, rédigée par feu M. Léon Renier, de l'Institut, où il est dit que le tombeau du grand cardinal de Richelieu, après soixante-treize ans d'une déplorable violation, a été replacé dans la chapelle par l'ordre de l'empereur Napoléon III, M. Victor Duruy étant ministre et M Darboy archevêque de Paris, l'an 1866. Le monument est en forme de pierre tombale ; il supporte un groupe taillé dans le marbre de Carrare ; le grand ministre de Louis XIII y est représenté demi-couché, soutenu par la Religion, et ayant à ses pieds la Science également affligée de sa mort. Deux anges portent des armoiries, qui se trouvent reproduites sur les vitraux des trois fenêtres qui éclairent le porche intérieur, et qui sont d'argent à trois chevrons de gueules. Ce beau travail, le chef-d'œuvre du sculpteur Girardon, avait été inauguré en 1694. Au-dessus de lui pend, à trente pieds de hauteur, un chapeau rouge orné avec glands de la même couleur ; c'est le chapeau authentique du cardinal Richelieu, dont la forme paraît s'ajuster en effet à la tête effilée et fine du vainqueur de la Rochelle, à cette tête qui gouverna l'Europe, et qui, arrachée à son sépulcre par un chef de section révolutionnaire, emballeur de son état, passa de main en main comme un objet de curiosité vulgaire, jusqu'au jour où son dernier détenteur, M. Armez, l'envoya, dans une caisse d'acajou, au ministère de l'instruction publique, et le ministre d'alors, M. Victor Duruy, la rendit enfin à une sépulture chrétienne. Sur le mur- du fond de la chapelle Riche-lieu, le peintre Timbal a composé une vaste fresque qui symbolise la Théologie, en rassemblant les portraits de tous les docteurs de l'Église depuis saint Jérôme jusqu'à Bossuet, et parmi lesquels figure Robert de Sorbon. Devant la façade de l'église s'étend la place de la Sorbonne, qui s'ouvre directement sur le boulevard Saint-Michel, laissant apercevoir la façade du lycée Saint-Louis. De l'autre côté, tout le pâté de maisons compris entre la place, la rue de la Sorbonne, la rue Champollion (ci-devant des Maçons-Sorbonne) et la rue des Mathurins (aujourd'hui remplacée par la rue des Ecoles) était occupé par les petites écoles de la Sorbonne, où les membres de la société sorbonnique professaient à tour de rôle et logeaient leurs écoliers. Plusieurs maisons de la rue Champollion présentent encore une façade et des portes sculptées d'un style pareil à celui de la Sorbonne elle-même. A l'encoignure de la rue Champollion avec la place de la Sorbonne on voyait encore en 1848 une très modeste boutique de traiteur, où l'on mangeait très mal, mais pour très peu d'argent ; c'était Flicoteaux, le père nourricier des étudiants pauvres, illustré par Balzac dans son Grand homme de province à Paris. Un café somptueux et brillant remplace l'obscure officine qui eut l'honneur, dit-on, d'être fréquentée par M. Thiers en sa difficile jeunesse.
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