Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE BRAQUE
III ème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1858. Voie ouverte par les templiers. Précédemment rue des Boucheries du Temple. Elle a porté aussi les noms de rue des Bouchers, rue des Boucheries de Braque et rue de la Chapelle de Braque. Origine du nom : La famille de Braque habitait dans cette rue au XIVe siècle.

Liste des propriétaires de cette rue, de 1779 à 1789 :

Une poterne servait de limite à la ville, dans l'enceinte de Philippe-Auguste, à l'endroit où Arnoul de Braque, en 1348, fit bâtir la chapelle et l'hôpital de la Merci, dont il subsiste un édifice, que nous retrouverons en parlant de la rue du Chaume, et des débris à l'un des angles formés par cette rue et celle de Braque.

La famille de ce nom, dont faisait partie Germain Braque, échevin sous Charles VII, avait sa sépulture à la Merci ; mais, avant de se nommer comme elle, la rue s'était appelée des Boucheries-du-Temple, à cause d'une boucherie qu'en 1182 y avaient établie les chevaliers de cet ordre, dont les droits seigneuriaux étaient encore perçus par la commanderie du Temple en 1789. Cette voie publique, au surplus, a vieilli sans changer grand'chose à la disposition extérieure de ses deux rives depuis la fin du règne de Louis XIV ; à cette époque, la Ville, par une prodigalité exceptionnelle, entretenait presque une lanterne par maison, pour éclairer aux habitants de la rue ; il est vrai que, comme on va voir, la qualité expliquait, le crédit des dix propriétaires de ce temps-là.

Girard, procureur-général en la chambre des comptes, tenait de son père et laissait à sa fille, la duchesse de Brancas, un hôtel dont il est resté quelque chose au n° 3 ; la marquise de Beauvau, née de Brancas, en héritait ensuite, avant que Mauduit de Tavers, syndic des contrôleurs ordinaires des guerres, gérât ce bien de ville pour le compte de son frère, frappé d'interdiction. Le 5 appartenait à la marquise du Luc, femme d'un lieutenant-général, et ne passait qu'ensuite à Aymard-Jean Nicolaï, marquis de Goussainville, qui demeurait place Royale.

Le plan de 1652 nous montre un grand hôtel, qui vient ensuite et qui se rattache alors à un plus grand, dit séjour des Montmorency ; ce dernier donne rue Sainte-Avoye (maintenant du Temple) ; ses jardins vont toucher ceux de l'hôtel Novion, impasse Pecquay, et son gigantesque pourtour englobe d'autres maisons de la rue Sainte-Avoye, ainsi que l'hôtel Sourdis, rue de Paradis (maintenant annexée à la rue des Francs-Bourgeois). En cet hôtel Montmorency est mort le connétable, après la bataille de Saint-Denis ; Henri II, quelque temps avant, y rendait d'assez fréquentes visites à cet adversaire des huguenots pour qu'on le dise ancien logis du roi. Beaucoup de l'immense hôtel et la totalité de son annexe, rue de Braque, passent avant la fin du suivant siècle, entre les mains de Jean-Antoine de Mesmes, qui les fait tous deux rétablir postérieurement sur les dessins de Bulet et de Germain Boffrand.

Bientôt l'illustre magistrat est nommé premier président de l'Académie-Française. Son collègue Déspréaux lui dit : – Je viens vous voir pour être félicité d'avoir un collègue, tel que vous... Mais les bureaux de la banque de Law sont installés, pour commencer, dans un bâtiment du ci-devant séjour Montmorency ; le président, au nom du parlement, en fait l'objet de remontrances respectueuses au régent, qui le font exiler à Pontoise. Seulement, d'autres sujets de remontrances ramènent, une fois réintégré, le président près du chef de l'Etat, qui un jour le paie d'un gros mot, réponse extra-parlementaire. – Monseigneur désire-t-il, réplique le magistrat, que sa réponse soit enregistrée ?

Or on appelle petit hôtel de Mesmes cette maison (n°7) qu'habitait M. de Vergennes, ministre de Louis XVI, qui a fait reconnaître aux Anglais l'indépendance des Etats-Unis. Les bureaux de la recette-générale des finances occupent à la même époque le plus grand des hôtels de Mesmes, où les remplacent peu de temps après ceux de l'administration des Droits-Réunis, qu'a créée et organisée le génie du comte Français de Nantes. Puis cette propriété considérable est divisée par lots. Mais celle de la rue de Braque a été achetée en 1767 du marquis de Mesmes, seigneur de la Chaussée, maréchal-de-camp, par Raynat, receveur-général des rentes de l'Hôtel-de-Ville, et Raynat en a gratifié la veuve du financier Bronod, sa légataire universelle elle appartient de nos jours à M. Ticquet, maire de la commune du Mesnil.

Du vivant de Gomboust, l'hôtel en regard de la Merci a nom Bailleul. Le président Bailleul, seigneur de Valois y a pour successeur le chevalier Bailleul, seigneur de Champlâtreux ; puis l'hôtel passe à Jean Molé, ensuite à Molé de Champlâtreux, président à mortier. Noël Bouton, marquis de Chamilly, en est après cela propriétaire. Gros et grand homme, au dire de Saint-Simon, brave et rempli d'honneur, excellent maréchal de France, mais d'un esprit au-dessous de son bâton, peu capable d'inspirer l'amour. Néanmoins cet ancien lieutenant de Schomberg s'est épris d'une religieuse assez sensible. pour lui écrire douze lettres mémorables sous le titre de Lettres d'une Portugaise. Le conseiller Florent de Guignonville a traité ensuite de l'hôtel, et il a eu pour héritière sa fille, marquise de la Luizerne, belle-mère du comte Geoffroy-Cyrus de Briqueville.

Le numéro suivant n'est qu'une moitié de l'hôtel que Joseph Le Lièvre, marquis de la Grange, maréchal-de-camp, gouverneur de Brie-Comte-Robert, a hérité de son père, grand-conseiller ; acquéreur des Galland, secrétaires du grand-conseil.

L'autre moitié, par suite d'un partage devenu définitif en 1740, appartient à la sœur du maréchal-de-camp, femme de Joly de Fleury, lequel a succédé à d'Aguesseau comme procureur-général au parlement ; c'est justement à la même date que notre éminent magistrat, qui a été aussi sous la Régence membre du conseil de conscience, s'adjoint son fils aîné, en lui assurant la survivance de sa charge et en lui abandonnant son hôtel de la rue de Braque. En somme, l'architecture de ces n°s 4 et 6 prouve surabondamment la communauté d'origine ; leurs escaliers remarquables sont tout pareils ; plusieurs plafonds illustrés dont l'un (n° 6) est une magnifique peinture de Lebrun, qui représente la Justice, font regretter les grisailles disparues qui décoraient les pièces voisines. Mme Blanche de Caulaincourt, veuve du duc de Vicence en 1827, posséda l'un et l'autre de ces hôtels jumeaux.

Quant aux propriétaires du côté droit de la rue qui figurent éncore dans la petite liste placée en tête de notre notice, c'étaient : 1° les tuteurs honoraire et onéraire de Charles-Louis et de Charles-Michel Trudaine, fils du ministre ; 2° Mlle de Valory, fille d'un lieutenant-général, seigneur de Bourgneuf, dont l'épouse était légataire universelle de Claude-Louis Aubry, son beau-père, colonel des dragons de Bellisle, décédé en 1709 ; 3° Charles-François Pajot de Juvisy, seigneur des Pavillons, gouverneur d'Auch, qui avait eu pour prédécesseurs au même endroit Michel-Robert Le Peletier, comte de Saint-Fargeau, conseiller d'Etat, et Pierre Bruneau, seigneur de Maulevrier.

Il ne nous reste plus à ajouter que, M. de Necker étant ministre, la famille La Michodière jouissait d'un des hôtels angulaires de cette rue, dans laquelle les honneurs d'un cabinet d'histoire naturelle étaient faits par le comte de Carbury.


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