Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DU BANQUIER,
XIIIe arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1857.

Chacun a son grain de folie ; les avares n'en prodiguent pas moins à ceux qui se rendent coupables de profusions les épithètes d'insensés et de furieux, que ceux-ci, il est vrai, rendent avec usure à ceux-là. Les femmes elles-mêmes sont les plus sages du monde, et leurs fous de maris s'en plaignent souvent, lorsqu'elles président, dans un comptoir, à un trafic de joaillerie, de mercerie, d'épiceries ou de vin qu'on débite en détail ; partout ailleurs c'est le contraire. Qu'est-ce que veulent donc dire les naïfs habitants de la rue du Banquier, voisine des Gobelins, en appelant le n° 40 de cette rue la maison de la Folle ?

Un gargotier et un fruitier des environs ont acheté récemment cette bâtisse, qui date bien de 1760, époque où la grande rue du Banquier (car il y en a une petite), n'était qu'un chemin conduisant à Villejuif, et où la petite du même nom n'était qu'une ruelle, fermée un peu plus tard, à l'une et à l'autre extrémité (la petite rue du Banquier s'appelle maintenant Watteau) : Avant ladite acquisition, ce n° 40 appartenait à une dame née et mariée dans une honnête aisance, mais qui avait fini par perdre sa fortune et même la raison... d'en avoir. On assure qu'elle levait le coude, s'il nous est permis d'employer une des périphrases pittoresques du quartier Mouffetard, où cette pantomime n'est pourtant pas en défaveur. Lever le coude, c'est boire à petits coups. De plus, la dame avait imaginé de renvoyer ses locataires l'un après l'autre, afin de ne plus payer l'imposition de leurs portes et fenêtres. Ce dernier trait tenait presque du génie, si les locataires congédiés avaient refusé de lui rembourser l'impôt dont elle était forcée de faire l'avance. Dans tous les cas, elle eût encore pu dire après Mme de Pimbesche :

Je ne veux pas, Monsieur, que l'on me lie.

Nous rencontrons plus bas dans cette voie publique, qui est bordée de murs presque partout, une assez large masure, maison de nourrisseur, plus vieille que celle de la Folle, et qui porte le chiffre 31 ; puis au 23, une construction également centenaire, mais qui a tenu tête avec coquetterie aux injures du temps, ancien logement de maraîcher, ayant depuis 1816 le même propriétaire que le chantier de bois qui la touche. La porte du 11 a pour enseigne une vache et cette légende : Baumier, laitier nourrisseur de l'École polytechnique. Jusqu'à quel point a-t-on nourri de laitage un brillant et savant séminaire d'officiers ? Voilà une question qui n'est plus à l'ordre du jour, attendu que la veuve de Baumier a cessé de faire des fromages à la crème dans l'ancienne bergerie d'un couvent, rue du Banquier, à l'angle de la rue des Vignes (la rue des Vignes s'appelle maintenant Rubens). Le vieux style des croisées du n° 5, à deux pas, a remis en éveil notre curiosité : avant que des corroyeurs occupassent ce grand bâtiment, c'était il y a trente ans une pension bourgeoise, et dans le principe une des rustiques dépendances de la susdite maison religieuse.


 

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