Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE JOUY
IVème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1864. Monuments classés aux nos 5-7 : Hôtel d'Aumont. Précédemment rue de la Fausse Poterne Saint-Paul pour une partie de la voie. C'était, aux XIIIe siècle, la rue à l'Abbé de Jouy. L'abbé de Jouy possédait un hôtel dans cette voie au XIIIe siècle.

De 1404 à 1864.

Quoique d'une naissance obscure, Hugues Aubriot était devenu surintendant des finances, puis capitaine de la ville de Pais, autrement dit prévôt de Paris. Il avait posé le 12 avril 1369, la première pierre de la Bastille, forteresse destinée à couvrir de sa protection le royal hôtel de saint-Paul, contre les incursions des Bourguignons et des Anglais ; mais la Bastille s'était montrée bientôt d'une ingratitude sans pareille, en servant de prison à Aubriot ; que l'université de Paris accusait de presque tous les crimes. En 1383, le roi avait donnée l'anciens hôtel de ce prévôt, ainsi que l’ancien mur de la ville compris entre la rue Saint-Antoine et le jardin dudit hôtel, à Pierre de Giac, chancelier de France.

La même propriété, était connu sous le nom de maison des Marmouzets quand le duc d'Orl'éans en disposait. Le duc de Berri, frère de Charles V, la donna, dès qu'il en fut le maître, au surintendant Jean de Montaigu. Cinq ans après, pour ce dernier, le sablier de la faveur était vide et ne devait plus se remplir : le prévôt Pierre des Essarts, créature du duc de Bourgogne, arrêtait près la porte Saint-Victor, en plein jour, Jean de Montaigu, qui eut la tête tranchée. Guillaume duc de Bavière, tint le même hôtel de Charles VI avant que ce roi en gratifiat Jean de Bourgogne, duc de Brabant, contre l'occupation duquel se pourvut Louis de Bavière, comme héritier de Guillaume.

Morcellement de la propriété au commencement du XVIe siècle. Acquisition d'une dernière part d'icelle, en l'année 1629, moyennant 105,000 livres, par les jésuites, pour l'agrandissement de leur maison professe, ouvrant principalement rue Saint-Antoine. Plus d'un mur se reconnaîtrait de l'ancien hôtel d'Aubriot, tant dans la ruelle vénérable qui n'était, de son temps, ni plus ni moins Percée, que dans le passage Charlemagne et dans la rue du même nom, qui fit partie de la rue de Jouy. On sait que le lycée Charlemagne occupe, depuis sa création, le ci-devant séminaire dans lequel Louis XV, par lettres patentes du 23 mai 1767, avait donné aux jésuites exilés pour successeurs, les chanoines réguliers de Sainte-Catherine du Val des Écoliers.

Cette rue percée cache si peu qu'elle existait déjà au XIIIe siècle ! Qui oserait dire qu'elle n'a rien conservé, non seulement du logis prévôtal, mais encore des hôtels de Jouy et de Chaalis, dont notre rue de Jouy n'a certainement plus pierre sur pierre ? L'abbaye de Chaalis de l'ordre de Cîteaux, s'était formée sous les auspices de Louisle-Gros, dans un domaine offert, près de Senlis, par Guillaume de Senlis, seigneur de Chantilly et grand bouteiller de France : saint Guillaume de Corbeil, archevêque de Bourges, avait été lui-même abbé de Chaalis. Les religieux et l'abbé de cette maison eurent pendant quelque temps une succursale urbaine dans la rue a l'Abbé de Jouy.

Du même ordre, l'abbaye de Jouy devait sa fondation, en 1124 près de Provins, dans la forêt de Jouy, à deux gentilshommes du canton. Pierre de Castel et Milon de Naudé. La propriété entretenue par les religieux de Jouy, dans la rue qui portait ce nom, ne fut aliénée qu'en 1658 par Pierre de Bellièvre, abbé commendataire. La rue de Jouy, à cette date, se prolongeait encore jusqu'à l'emplacement de la poterne Saint-Paul, qui avait fait corps avec l'enceinte de Philippe-Auguste : Cette poterne n'avait donné son nom que passagèrement et partiellement à ladite rue, de laquelle est sortie ensuite, mais pour n'y plus rentrer, la rue des Prêtres Saint Paul, convertie en rue Charlemagne depuis l'ouverture du lycée.

En revanche, demandez l'ancien hôtel d'Aumont, et le n° 7 de la rue de Jouy s'empressera de répondre : Présent ! La pharmacie centrale de France y remplace la pension Petit, qui elle-même succédait à la mairie du IXe arrondissement. L'administration de cette pharmacie est purement civile, et libre ; elle se propose l'approvisionnement de toutes les pharmacies, bien qu'elle ait pour clients des corps constitués, tels que la garde municipale. Un fameux financier, l'abbé Terray, a occupé le même hôtel, auquel se rattachait le n° 5 ce ministre de Louis XV était en même temps propriétaire à l'angle de la rue de Fourcy et il y avait en ce temps-là dans la rue un hôtel de la Croix-d'Or, tenu par Lanoise.

Un siècle s'était déjà passé depuis que François Mansart, le vieux et le grand des deux Mansart, avait dessiné l'hôtel d'Aumont, et depuis que Lebrun l'avait illustré d'un plafond, l'Apothéose de Romulus, plus stable que la Vénus à demi couchée d'Auguier, qui était l'honneur du jardin. Le premier occupant se trouvait un duc d'Aumont, que sa majorité précoce, comme celle des rois, avait fait colonel de cavalerie à l'âge de 10 ans, capitaine des gardes à 16. Vie bien remplie pourtant que la vie de ce duc qui a servi avec honneur et gouverné le Boulonnais ! Sa mort date de 1704, et il s'était entouré à Paris d'un si grand nombre de curiosités et de meubles précieux, qu'il a fallu plusieurs mois pour les vendre publiquement dans ses appartements. Un autre curieux, qui demeurait aussi rue de Jouy, M. du Plessis, était cité dans l'almanach de 1691 ou 1692.

A l'hôtel adjacent on prend moins garde ; toutefois il paraît quelque peu plus ancien que l'autre. N'a-t-il pas partagé le nom de Henri de Fourcy, qui était prévôt des marchands de 1684 à 1692, avec un cul-de-sac qui survivait à la rue de l'Aviron, antérieurement ruelle Hélie-Annot ? Ce cul-de-sac, bien que déjà donné à M. de Fourcy, subsista encore quelque temps, comme cour ouverte à tout le monde ; sa place était entre les n° 9 et 11, où il n'en reste plus de traces. En revanche, la rue de Fourcy-Saint-Antoine, qui eut le même prévôt des marchands pour parrain, est encore pleine de vie.

La cour Guépine, qualifiée impasse sur une plaque au coin de la rue de Jouy, nous remet en mémoire qu'un bourg de la Guespine avoisinait la porte Baudet, sous le règne de Louis IX.

Le n°12 de cette rue dépendait de l'hôtel de Beauvais, situé dans la rue Saint-Antoine (de ce coté la rue Saint-Antoine s'appelle maintenant François-Miron).

A l'époque où ledit hôtel appartenait au comte d'Eck, M. de Bligny était propriétaire, au milieu de la rue Percée, d'une maison plus que séculaire. Elle s'était détachée pour sûr d'un des premiers hôtels dont fait mention la présente notice.

Une toute autre rue Percée, dite Percée-Saint-André, n'est plus même une impasse depuis qu'une porte en bois la bouche sur la rue Hautefeuille, au pied d'une jolie tourelle : l'autre issue en est condamnée par un immeuble du boulevard Sébastopol. Cette ruelle, qu'on connaissait déjà comme vices Perforatus, donnait encore rue de la Harpe avant le percement dudit boulevard.

Mignot, le plus célèbre des pâtissiers traiteurs, avait sa boutique rue de la Harpe, vis-à-vis de la rue Percée, dans la seconde moitié du grand siècle. Ses charges de maître-queux de la maison du roi et d'écuyer de la bouche de la reine l'avaient-elles préservé de ce qui ferait actuellement le sujet de poursuites en diffamation ? Depuis que les menaces de la loi imposent aux journaux et aux livres plus de respect pour l'industrie du restaurateur que pour le sacerdoce et même la législature, combien d'abus croissent et se perpétuent, au détriment de la sérénité, quand ce n'est pas de la santé publique.

Le vin ordinaire est devenu, dans tant de restaurants, si extraordinaire qu'on le noye prudemment dans l'eau gazeuse, au lieu d'y noyer ses ennuis. C'en est fait du gril et de la broche, par-dessus le marché, si la critique reste plus longtemps baillonnée ! Mignot avait beau se plaindre à M. Delta, le lieutenant criminel, et à M. de Riants, le procureur du roi, les satires de Boileau n'en continuaient pas moins à le traiter d'empoisonneur, vengeant ainsi de mauvaises digestions, qui de nos jours resteraient impunies. De guerre lasse, que fit Mignot ? Il servit d'excellents biscuits, qui n'auraient jamais vu le jour sans la polémique culinaire qui finit par faire sa fortune : ces biscuits étaient enveloppés dans une réponse de l'abbé Cotin, aux violentes, mais utiles critiques de Boileau.



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