Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE VILLEDO
Ier arrondissement de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1864. Commençant : rue de Richelieu, 41. Finissant : rue Sainte-anne, 32-32 bis. Historique : tracée en 1639. Dénommée rue Villedo, en 1655.
Origine du nom : Guillaume et François Villedo, maîtres généraux des bâtiments du roi et œuvres de maçonnerie, possédaient des maisons dans cette rue au XVIIe siècle.

Les journaux qui insèrent, avant qu'elles aient paru dans la première édition de nos Anciennes Maisons de Paris sous Napoléon III, quelques-unes des notices dont se compose cette publication historique, tiennent toujours à choisir les bonnes rues. Ainsi les mauvaises portent, pour commencer, la peine des immoralités publiques ; mais elles finissent par trouver grâce devant un public indulgent, qui nous saurait fort peu gré d'une pruderie habile à passer sous silence tout ce qui n'est pas édifiant. De compagnie vont le bien et le mal, à travers une grande ville. La rue Villedo, elle principalement, s'est perdue de réputation à voisiner avec les galeries de Bois, d'où tous les soirs les robes les plus courtes et les plus décolletées lui revenaient, suivies de près par des bottes, ou bien par des souliers à boucles.

L'entretien d'un pareil commerce d'amitié ne laisse guère le temps de regarder les étoiles qu'en plein midi, car elles ne luisent, la nuit, dans aucun ciel de lit. A ce point de vue n'était pas déplacé, en la rue Villedo, un spectacle uranographique des phénomènes de l'univers, qui représentait, au commencement de l'Empire, la nature dans ses merveilles cette description des corps célestes avait pour auteur Charles Roy. La plupart des maisons voisines eussent compromis une demi vertu, et rarement la plus honnête fille poussait la naïveté et l'innocence jusqu'à ne pas éviter cette rue par un détour, au risque d'allonger son chemin. On y prenait le passant au collet, tout en le complimentant sur sa bonne mine, aussitôt que le réverbère s'allumait à chaque extrémité de la rue, et deux laitières y commençaient à peine, le lendemain, à remplir des tasses de faïence, que déjà les croisées s'entre ouvraient pour faire :– Pstt !...

Une fois exilées des galeries du Palais-Royal, les bergères d'Amathonte tinrent bon, faute de mieux, dans les rues d'alentour ; M. Prudhomme, en garde national, dit encore à plus d'une, après 1830 : – Permettez-moi de vous appeler Cypris… Courtoisie dont ne se plaignaient pas, rue Villedo, deux chefs de parties en renom la Legrand, alors n° 10, et la Delille, que remplace au n° 4 une nouvelle femme Legrand. A ce dernier numéro près, unus multorum, la rue Villedo s'est rangée, après un demi-siècle d'égarements, lesquels n'avaient plus pour excuse le besoin d'essayer les plâtres.

On y rencontrait sous Louis XVI, à main droite, la manufacture de plomb laminé de Laurent et le bureau de Dufresné, agent de change, à main gauche, l'hôtel d'Agoult. Le vicomte d'Agoult était sous-lieutenant aux gardes du corps, puis mestre-de-camp, et son frère, évêque de Pamiers. Dans la suite, l'officier devint lieutenant général et gouverneur du château de Saint-Cloud. Les Crussol avaient eu leur hôtel à l'un des angles de la rue Richelieu mais je crois que c'était sous la Régence.

Toute une famille qui a marqué dans les fastes de la chorégraphie demeurait au n° 3, en 1771 elle se composait de Gardel père, ancien maître des ballets à la cour de Stanislas, qui ne dédaignait pas de figurer tout simplement à l'Opéra ; de Gardel aîné, danseur et maître des ballets au même théâtre ; de Gardel cadet, doublure de son frère et figurant dans les chœurs de la danse, et de Mlle Gardel, danseuse. Les représentations de l'Opéra avaient eu lieu pendant six ans dans la salle des Machines aux Tuileries, pendant la reconstruction de la salle incendiée en 1763 entre le Palais Royal et la cour des Fontaines. Gardel jeune, bien que déjà attaché au corps de ballet, prenait encore des leçons de violon et de latin, il avait 14 ans à peine. Homme de bonne compagnie par son éducation, il n'en grandit que mieux dans cet olympe de la chorégraphie mythologique, dont il devait écrire les derniers livrets et mimer le chant du cygne. Son frère mourut, et il lui succéda, comme chef d'emploi, comme compositeur, comme premier maître à l'école de la danse, il habitait alors la rue Saint-Roch.

Vers le même temps, Mlle Houbert, dite Miller, passait premier sujet. Un jour, on alla jusqu'à dire de cette remplaçante de Mlle Guimard Elle est à la danse ce que la Vénus de Médicis est à la sculpture. Gardel pouvait-il donc mieux faire que d'épouser Mlle Miller, en 1795 ? Les amis de leur maison étaient une société choisie. Peu de temps après les Cent-Jours, M. et Mme Gardel se retirèrent tout à fait, du théâtre ; mais, depuis vingt années, Gardel dansait rarement, il se contentait de faire danser. Chef d'école débordé par des idées nouvelles, qui partout reniaient l'art classique, il n'en survécut pas moins un quart de siècle à son enseignement, et quelque huit ans à sa femme.

Guillaume et François Villedo, généraux des bâtiments du roi et des ponts-et-chaussées de France, avaient acquis sur la butte des Moulins, le 21k décembre 1667, des maisons et une grande place. François, l'un des deux, avait assisté personnellement Louis XIV, le 17 octobre 1666, dans la pose de la première pierre de la colonnade du Louvre, en sa qualité de maître-ès-oeuvres de maçonnerie. N'était-ce pas une raison de plus pour donner son nom à un chemin, tracé dès 1639, sur un versant de la butte des Moulins ? Toutefois on en fait honneur à Michel Villedo, en regard du millésime1655.

Cet autre général des œuvres et bâtiments du roi succédait comme tel à Michel Villedo, son père, maître maçon d'abord, qui avait demeuré rue du Vert-Bois. Un des Michel de cette famille, mari de Marguerite Hanicle, se qualifiait secrétaire du roi, en 1683, dans l'acte par lequel il abandonnait à Jean Hanicle, architecte royal, un terrain entre les rues de Poitou et du Pont-aux-Choux, dont le quart lui avait été donné par le roi et le reste vendu par deux valets de chambre du chancelier Boucherat. Nous savons aussi qu'un Villedo eut pour gendre Michel Delavigne, docteur régent de la faculté de Médecine de Paris, dont l'hôtel était rue Saint-Antoine, derrière l'église Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers.

Le génie de la race était Michel Villedo, premier du nom. Il avait proposé de former un canal entre le bastion de l'Arsenal et la porte de la Conférence, qui eût été un canal de ceinture, mais non pas un canal de l'Ourcq, et la signature de deux traités, avait préludé à l'exécution probable du projet, le 29 janvier 1636, le 3 octobre 1637, sous les auspices du père Joseph, confesseur du cardinal de Richelieu et capucin, qui devait plutôt y pressentir des commodités que des avantages pour les religieuses qu'il avait établies au couvent des Filles du Calvaire. Mais tout en était resté là, par l'effet de la résistance opiniâtre de Claude de Bullion, le surintendant des finances, qui en voulait au père Joseph. Sans l'opposition quand même de ce ministre, un Villedo méritait, aussi bien que Riquet, à qui le canal du Languedoc était dû, que la postérité lui érigeât une statue !



 

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