Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE SAINT MARTIN
IIIe, IVe arrondissements de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. Le passage des nouvelles rues Turbigo et Réaumur n'avait pas encore fait perdre à la rue Saint-Martin un nombre de maisons, qu'a aura enté son propre élargissement aux abords de l'église Saint-Nicolas-des-Champs et du Conservatoire des Arts-et-Métiers, plus la formation d'un square en face de ce Conservatoire, ancien monastère de Saint-Martin-des-Champs. Commençant : quai de Gesvres, 8-12. Finissant : boulevards Saint-denis, 1, et Saint-Martin, 55. Monuments classés : au n° 76 : église Saint-Merri. Au n° 252 bis : église Saint-Nicolas des Champs. Aux nos 270-278-292 : Conservatoire des Arts et Métiers : église, ancien réfectoire, escalier d'honneur, reste de l'enceinte, bâtiments antérieurs au XXe siècle ainsi que le sol des cours (ancienne abbaye Saint-Martin des Champs). Historique : précédemment, rue Planche Mibray, rue des Arcis et rue Saint-Martin. C'est l'antique voie gallo-romaine qui formait le cardo de Lutèce. La rue Planche Mibray et le carrefour Mibrai s'étendaient entre le quai de Gesvres et le boulevard de l'Hôtel de Ville (actuellement avenue Victoria). La rue des Arcis, comprise entre le boulevard de l'Hôtel de Ville et la rue de la Verrerie, avait été appelée : Vicus de Arsionibus (1195), rue des Assis (1218), rue des Arsis ou rue des Ars (1254). L'ancienne rue Saint-Martin, comprise entre la rue de la Verrerie et le boulevard Saint-martin, a porté le nom de rue Saint-Martin des Champs ; le tronçon compris entre les rues de la Verrerie et Saint-Merri a été désigné sous les noms de rue Saint-merri, rue de l'Archet Saint-Merri et rue de la Porte Saint-Merri.
Origine du nom : dû à l'ancien prieuré de Saint-Martin des Champs, aujourd'hui Conservatoire des Arts et Métiers.

Origines de la Rue. – Ses Affluents. – Chapelain. – Les Fiacres. – Saint-Mori. – L'Industrie. – Les Coches. – Le Passage Jabach. – La Maison de l'Annonciation. – Assassinat d'un Agioteur. – Saint-Julien-des-Ménétriers. – Le Théâtre Molière. – L'Abbaye de Reigny. – L'Hôtel de Vie. – L'Échelle. – Le Vin Médecin. – La Maison Detouche. – Saint-Martin-des-Champs. – Saint-Nicolas-des-Champs. – La Prison. – Le Bal.

O Versatilité parisienne ! N'est-ce pas déjà se montrer un peu archéologue que de parler des rues de la Planche-Mibray et des Arcis, réunies à la rue Saint-Martin en 1851 ? Leurs maisons séculaires ont disparu, depuis l'annexion. A la rue des Lombards commençait la rue Saint-Martin proprement dite. Une maison à cinq étages, sans compter la boutique, mais à une seule chambre par étage, était la première de la rue ; le notaire Monnier la laissa en l'année 1683 à Anne Monnier, veuve de Tisseney, marchand à Bordeaux, et le bonnetier Gautier en fit l'acquisition en 1767.

Cette même rue finissait à la porte de la deuxième enceinte de Paris, c'est-à-dire au lieu appelé l'Archet de Saint-Merri, près de l'église Saint-Merri, avant que Gérard de Poissy contribuât à l'établissement du pavé de Paris, en donnant 11, 000 marcs d'argent à Philippe-Auguste. Elle ne tarda pas à arriver rue Grenier-Saint-Lazare ; elle touchait sous Charles VI à la rue Neuve-Saint-Denis, enfin sous Louis XIII au Rempart, converti de Cours en Boulevard.

Au nombre des maisons à citer en bordure de cette voie, qui était encore la plus droite de Paris au commencement de l'Empire, figure le 81, qu'a sans doute habité Chapelain, et comme il était poète, une vieille mansarde ajoute à la vraisemblance de citée indication, qui ne se justifierait qu'approximativement. Toutefois Chapelain fut-il, comme là majorité de ses confrères du Parnasse, un pauvre diable ? Fils d'un notaire, il arriva de bonne heure à la réputation ; mais sa Pucelle demanda trente ans de travail, et elle obtenait par surprise un grand succès quand Boileau se mit à la traverse. Richelieu l'avait pensionné et fait siéger de premier choix à l'Académie ; Colbert prit son avis en grande considération pour distribuer aux savants et gens de lettres les libéralités de Louis XIV.

La fin de Chapelain se ressentit de ce qu'il était non pas pauvre, mais avare il se mouilla un jour d'orage à mi-jambe, en rentrant chez lui, pour épargner le peu qu'il fallait donner au savoyard dont la planche permettait de passer la rue à pied sec, et il en contracta une maladie mortelle. N'est-ce pas dans la rue Saint-Martin que coulait le ruisseau fatal ? Chapelain ne devait pas s'interdire jusqu'à un changement de domicile ; il n'était même pas homme à se priver, toute sa vie du pavillon hospitalier que plus d'un grand personnage réservait à un poète. Nous savons qu'il a demeuré à l'entrée d'une ruelle, Saint-Fiacre, cul-de-sac ensuite, et plus d'un coin de rue de Paris a invoqué ce saint sur son inscription. Mais il est constant que l'auteur de la Pucelle, a reçu l'inhumation à Saint-Merri.

Les voitures publiques de Paris ont eu leur grande remise à l'image de Saint-Fiacre, rue Saint-Martin, en face de la rue du Cimetière-Saint-Nicolas (Chapon) Jacques Sauvage y dirigeait l'administration des fiacres, en 1637, et Galland possédait la maison. Là un entrepreneur avait été le premier à mettre des voitures de place au service du public. N'a-t-on même pas dit que cet innovateur s'appelait Fiacre ? Néanmoins il se peut que ses véhicules n'aient été dits des fiacres qu'en raison du premier usage qui en aurait été fait, le jour de la fête du saint, pour le transport des voyageurs à l'hospice qu'il avait, fondé auprès de Meaux.

L'église dédiée à Saint-Merri doit son origine à une chapelle, connue des le siècle XIe, que les chanoines de Notre-Dame ont érigée en collégiale sous le règne de Robert II.

Reconstruite vers 1620, parachevée en 1612 et restaurée en 1836, elle a été le temple du Commerce pendant la grande révolution. Quelle paroisse commerçante que la sienne, en tout temps ! N'était-ce pas le cœur de la place ? On y avait des correspondants sur toutes les autres places de commerce, et les affaires, malgré ce qu'elles comportaient déjà d'aléatoire, n'y semblaient pas un jeu. La rue Quincampoix elle-même s'était contentée de faire jouer les ressorts ordinaires du commerce, avant de se livrer aux accès d'un agiotage furieux. Dans la rue Saint-Martin il y avait dès lors un café du Commerce, et le siècle précédent y avait mis, en état de rivalité deux traiteurs, au Pressoir-d'Or, à l'Hôtel-de-Bruxelles. On venait assez dans cette rue pour affranchir souvent ses habitants de 1a nécessité du déplacement ; on y avait toutefois inventé les fiacres, comme nous venons de le voir, pour faire des courses, en ville et des parties de campagne, et le coche y prenait des voyageurs depuis la même époque. Deux services réguliers de carrosses partaient d'une maison à l’enseigne du Cardinal-Lemoine, l'un à la destination de Reims, tous les vendredis, l'autre à celle de Soissons, Laon et Notre-Dame-de-Liesse, tous les jeudis.

Le n° 89, qu'on qualifie maison de l'Annonciation, nous montre un bas-relief, à côté d'une rue du XIIIe siècle, élargie çà et là, que M. de Corbière, en 1822, a fait appeler La Reynie, pour ne plus dire Troussevache.

L'immeuble provient évidemment d'un des ordres religieux et militaires institués en l'honneur du mystère de l'Annonciation, et probablement des services, autrement dits blancs-manteaux, ordre aboli en France sous Louis IX.

Le n° 103, haut, étroit et non sans sculptures, est à l'enseigne du Chapeau-Rouge il a déjà eu sa mention quand nous nous arrêtions rue Aubry-le-Boucher. Une maison presque à la hauteur de cette rue et à l'image des Trois-Maillets appartenait sous Louis XV au président Meillant.
Aux n°s 108 et 110 est le passage Jabach, formé en 1821 par MM. Rougevin, Mélier et Néron, à l'entrée d'un hôtel dont se maintient le bâtiment et qui devait son nom au financier Jabach. Le 5 et le 6 juin 1832, l'insurrection républicaine fit du passage, un théâtre de luttes. Ce qu'on appelle la maison gothique, un peu au-dessus, nous paraît un pastiche on reconnaît toutefois des colonnettes d'une finesse authentique dans ce décor plus que brossé, où un bas-relief semble dû au merveilleux système reproducteur de notre ami Lottin de Laval.

L'image de Sainte-Geneviève servait déjà à distinguer le n° 121 alors que la Ville adjugea à Nicolas Moreau la maison de la fontaine Maubuée, située en face année 1733. La fontaine remontait déjà à quatre siècles, encore qu'elle eût la rue de son nom pour aînée. Du même âge est la rue de Venise, qui traverse la nôtre un peu plus loin une largeur de 6 pieds n'y étant excédée que par exception, ses maisons paraîtraient tout de suite vénitiennes si peu qu'y vînt à luire le feu éternel des madones et des beaux yeux de filles. On l'a dite rue Plâtrière et de la Corroierie, d'une part, rue Erembourg-la-Tréfilière et Bertaut-qui-Dort, d'autre part, avant que le XVIe siècle la vît ceindre un Ecu-de-Venise ; qui pendait à l'une de ses portes. On doit retrouver rue de Venise la maison où un comte de Horn, capitaine réformé, assassina, pour le voler, un agioteur de la rue Quincampoix, attiré dans ce coupe-gorge sous le prétexte d'actions à négocier : Horn et un de ses deux complices furent roués en place de Grève. Presque en face de cette rue le sieur Bidot, au Colombier, tenait magasin d'ardoises d'Anjou.

Le fleuve dont nous suivons le cours a toujours eu pour affluent une autre rue, celle des Vieilles-Étuves, où, au coin de la rue Beaubourg et à l'image du Lion-d'Argent, les femmes se baignaient, mais seules ce qui ne ferait plus l'affaire des habitantes du n° 14, construction d'ailleurs vénérable.

Toutes les maisons de la rue Saint-Martin ne se contentent pas du petit ménage de deux fenêtres par étage. Le 141 ne fut-il pas un petit hôtel, et le 135 un grand ? Les sculptures du 160 ne prouvent-elles pas qu'il a commencé par être plus enfant gâté que bien d'autres ?

Par exemple, malheur aux piétons qui ont faire pour la première fois dans la pittoresque rue du Maure et que le temps presse ! Elle tombe dans la rue Saint-Martin en y dissimulant son embouchure. M. Rousseau, notre éclaireur, l'avait prise tout bonnement pour l'allée du 168. Rappelez-vous, cher monsieur Rousseau, que nous avons déjà parlé de la cour et de la rue du Maure, qui ont été la rue Jean-Palée, puis Saint-Julien, à cause de l'hospice Saint-Julien-des-Ménétriers, établi en 1330 par deux ménétriers, au profit des joueurs d'instruments les fondateurs étaient représentés en joueurs de violon sur le portail de la chapelle, qui fut affectée en 1649 aux prêtres de la Doctrine Chrétienne et convertie en maison particulière à la Révolution. On avait continué à se pourvoir, rue des Ménétriers et rue de Maure, de musiciens, qui se louaient pour les noces, pour tout ce qui était une fête de nos jours, c'est à l'angle des rues Thévenot et du Petit-Carreau que se tiennent, tous les dimanches, des musiciens à embaucher.

Vis-à-vis de la cour du Maure, dans les commencements du règne de Louis XV, M. Route avait une propriété, qui par-derrière donnait rue Quincampoix un vieux balcon et une lucarne aident à la reconnaître. C'est l'un des anciens logis de la belle Gabrielle, et la Compagnie des Indes-Occidentales y recevait, vers la fin du XVIIe siècle, l'engagement des émigrants. Pareil bureau pour les Indes-Orientales se tenait derrière le théâtre de l'hôtel de Bourgogne. Le Boursault qui fut membre de la Convention et qui avait été comédien et directeur de spectacle à Marseille, fonda dans ladite maison Tourte, en 1792, le théâtre Molière, qui fut celui des Sans-Culottes, quand on y jouait les Crimes de la Féodalité ; des Troubadours, pendant le Consulat, et des Variétés-Etrangères sous l'Empire, époque à laquelle s'y représentaient des pièces traduites. Réouverture en 1831 ; item en 1832, avec aussi peu de succès. Puis ce fut un théâtre d'élèves, où Mlle Rachel reçut de Saint-Aulaire ses premières leçons d'art dramatique. On y donne maintenant des bals publics.

L'impasse de Clairvaux s'est substituée jadis, entre 178 et 180, à une ruelle de la Petite-Troussevaclle, grâce à la construction d'un hôtel qui prenait façade rue Beaubourg l'abbaye de Clairvaux y avait eu sa maison de ville avant l'abbaye de Reigny, qui était aussi de l'ordre de Cîteaux. L'image de la Croix-d'Or y pendait en l'année 1687, et les moines de Reigny, établis dans le diocèse d'Auxerre, en étaient des lors propriétaires. Il vendirent à Hussenot, marchand de dentelles, en 1788.

L'hôtel de Vic, n° 203, fut bâti sous François Ier pour le savant Guillaume Budé, seigneur de Marly-la-Ville, ambassadeur, maître de la librairie du roi, grand audiencier et prévôt des marchands ; dont les dépouilles mortelles furent déposées en 1610 à Saint-Nicolas-des-Champs. A la place de Guillaume Budé résidait Jacques Sanguin, prévôt des marchands, une soixantaine d'années après. Le vice-amiral Dominique, de Vic a sans doute habité l'hôtel il aimait beaucoup Henri IV et mourut trois mois après lui, le 15 août 1610, des suites du saisissement qu'il avait éprouvé la veille en passant rue de la Féronnerie. Seulement on est beaucoup plus sûr du séjour de Merri de Vic, garde des sceaux, dans cette propriété, dont il renouvela l'édifice, postérieurement restauré pour Nicolas Chopin, trésorier du marc-d'or, et occupé en 1752 par l'agent de change Papillon.

A l'encoignure de la rue au Maire se dressait l'échelle patibulaire de Saint-Martin-des-Champs ; des petits-maîtres en goguette la brûlèrent une nuit, sous Louis XV ; le prieur la fit relever, quoique sa seigneurie se bornât déjà à l'exercice du droit de cens, qui se maintint, jusqu'à la Révolution. La censive de Saint-Martin, quand le prieur commendataire en était messire Jules-Paul de Lionne, en résidence chez M. de Lionne, le ministre, avait prise en 54 rues, comme la censive des chanoines de Saint-Merci en 33.

Au 215 l'utile et l'agréable se donnent rendez-vous chez un marchand de vin, qui panse gratuitement les blessures que se sont faites les ouvriers ; le cabaret à certaines heures se transforme en infirmerie au débitant a succédé l'interne. Les excellents effets de sa charpie, de ses baumes et de ses liniments ont valu à Permiseux l'autorisation de pratiquer ouvertement une médecine contre laquelle se gendarmait d'abord l'autorité. Il emplâtre ses consommateurs, en buvant avec eux à leur santé. Quant au débit de vin, c'est un vieux fonds de commerce un Baroche l'exploitait aux jours où le Pactole du système financier de Law coulait dans la rue Quincampoix, et l'hôtel des Quatre-Provinces florissait au même temps rue Saint-Martin, en regard de celle aux Ours.

A-t-on jamais besoin de consulter sa montre près de la rue Chapon ? Un superbe régulateur est placé à la devanture d'une des trois maisons déjà vieilles, mais rajeunies qu'occupent les magasins et les ateliers de M. Detouche cet appareil si compliqué donne à la fois l'heure de quinze méridiens, indique les phases de la lune, les jours de la semaine, etc. Que de jeunes femmes cependant oublient l'heure, en s'arrêtant sous cette horloge ! L'orfèvrerie, la joaillerie, la bijouterie et l'horlogerie, branches distinctes autrefois, ont fait un pacte d'alliance pour inaugurer un bazar où les pendules sont si nombreuses qu'on ne saurait les remonter toutes, ce qui permet à l'amateur le plus exigeant de s'y croire à l'heure de son choix. Le cliquetis des alliances d'or y annonce d'avance l'ouverture du paradis légitime de l'amour, avec une pudeur qui semble mettre une sourdine au timbre, tandis que beaucoup d'autre bijoux, plus isolés, pendent coquettement à la montre, ou bien entrouvrent la coquille de l'écrin qui les retient dans la mollesse, et ceux-là lancent de provocantes œillades jusqu'à la mise en branle qui leur donne une partie à faire dans le galant carillon de l'heure du berger.

M. Detouche est aussi l'inventeur des tourniquets compteurs, que les petits spéculateurs maudissent, à la porte de la Béurse. Les pièces astronomiques, des appareils uranographiques et des pendules électriques ont élevé cet industriel au rang de savant praticien. Il vient de faire, en bon voisin, présent d'une horloge remarquable au Conservatoire des Arts-et-Métiers, fondé par la Convention dans l'ancienne abbaye de Saint-Martin-des-Champs. La sonnerie de cette pièce merveilleuse peut, à volonté, répéter l'heure après chaque quart n'est-ce pas un perfectionnement éminemment ingénieux et utile, au point de vue des horloges publiques ?

L'abbaye Saint-Martin-des-Champs remonte probablement au VIe siècle les rois de la troisième race y ont eu un séjour. Henri Ier y a fait rebâtir le royal manoir que Robert-le-Pieux, son père, avait eu en prédilection, et Philippe Ier, fils de Henri l'a donné à l'ordre de Cluni, avec l'abbaye convertie en prieuré. Fortifié au siècle XIe, le monastère entier a été réparé dans le cours du suivant. Pierre de Montreuil y a laissé dans le réfectoire un chef-d'œuvre ; le cloître est de la fin du règne de Louis XIV ; le grand dortoir, bien qu'achevé en 1720, s'embellissait encore peu d'années avant la Révolution. La conservation de ce beau monument n'est sans doute due qu'à la destination nouvelle qui a été votée sur la proposition du conventionnel Grégoire, évêque constitutionnel de Blois. L'enclos de Saint-Martin étant lieu de franchise, tout artisan pouvait y travailler pour son compte sans avoir été reçu maître. Ce domaine avait embrassé, dans le principe, tout l'espace compris entre le boulevard et la rue Grenier-Saint-Lazare, et rien n'en était alors dans Paris.

Un prêtre à la nomination du prieur n'y desservait que depuis l'an 1184 l'église Saint Nicolas-des-Champs, déjà ancienne comme chapelle et avant peu paroisse indépendante, mais dont la circonscription m'est devenue parisienne dans son entier que sous Charles V. Cette autre église de la rue Saint-Martin a été rebâtie vers l'année 1420, puis agrandie à différentes reprises.

La tour de l'ancienne abbaye a servi de prison, mais en changeant de sexe ; c'était la maison d'arrêt des femmes de mauvaise vie, dont un certain nombre étaient menées le premier vendredi de chaque mois au Châtelet, où le lieutenant général de police les jugeait. On supprima cette prison Saint-Martin en 1785, en transférant à la petite Force les filles publiques enfermées dans sa tour. Sous le Consulat et sous l'Empire, le bal public de Terpsichore s'ébattait de l'antre côté du ci-devant monastère, peut-être même dans une autre de ses dépendances, au carré Saint-Martin.



 

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