Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE LA MICHODIÈRE
IIe arrondissement de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860, c'est-à-dire près de dix années avant la trouée faite au travers de la rue de la Michodière par la nouvelle rue du Dix-Décembre. Commençant : place Gaillon et rue Saint-augustin, 28. Finissant : boulevard des Italiens, 29. Origine du nom : Jean-Baptiste de La Michodière, comte d'Hauteville, né en 1720, était prévôt des marchands lorsqu'elle fut percée.

– Le Prévôt des Marchands. – La Particule nobiliaire. – Le Prince de Deux-Ponts. – Mme de Lannoy. – L'hôtel d'Armenonville. – Les Bains chinois.

M. Édouard Fournier reprochait l'adnée dernière, dans la Patrie, à l'édilité parisienne d'avoir écrit de deux manières le nom que porte cette rue, sur les estampilles officielles chargées d’indiquer aux passants où elle commence, où elle passe, où elle finit. Notre confrère connaît son vieux Paris, et nous n'en sommes que plus flatté d'avoir en lui un lecteur assidu, parfaitement capable d'apprécier l'étendue des difficultés que présente le travail de recherches qui nous occupe au jour le jour. M. le préfet de la Seine et la plupart de nos édiles nous font aussi. l'honneur de suivre nos études rétrospectives sur la ville à laquelle ils ôtent bien autre chose que ce qu'ils y ajoutent. A plus forte raison se lit la Patrie à l'Hôtel de Ville ; on y a donc pris en considération l'observation de M. Édouard Fournier, et, pour obéir à la loi de l'uniformité, chaque écriteau municipal porte aujourd'hui : De la Michodière en trois mots.

Risquons, à notre tour, une critique : Ne vaudrait-il pas mieux qu'on s'en tînt à la manière d'écrire du parrain lui-même de la rue ? Jean Baptiste de la Michodière était conseiller d'État et prévôt des marchands lorsqu'elle s'est fait jour en passant sur le corps à l'hôtel de Deux-Ponts, l'armée 1778 ; la terre d'Hauteville, en Champagne, qui venait de sa mère, avait été pour lui, chevalier, seigneur de Romène, érigée en comté vingt-sept années avant, et d'autre part, il avait épousé la fille de Luthier de Saint-Martin, maître des comptes ; mais aucune de ces circonstances n'avait modifié sa signature, telle que nous l'avons vue au bas de plusieurs titres. Elle ne se décomposait, à la faveur des particules, ni en trois mots, ni même en deux ; un seul trait de plume la couchée tout d'une venue sur le papier ou sur le parchemin, sans plus de façon que voici : Delamichodiere.

La particule nobiliaire, au surplus, n'avait aucun sens lorsqu'elle ne servait pas de trait d’union entre le nom patronymique et un titre, ne fût-il que d'une seigneurie. Le nom de lieu a servi si souvent à distinguer, dans une famille nombreuse, les membres l'un de l'autre qu'il est impossible aujourd'hui de savoir d'où viennent les de ; il s'en découvre tout au plus, un sur vingt qui ait été synonyme de messire. L'état-civil du de est introuvable dans les titres de l'ancien régime et constitue près des noms propres un véritable solécisme quand ils ne sont pas noms de lieu. MM. d'Arthur, de Mathieu, de Durand, du Tremplin, de l'Escarpolette, ainsi s'appelleraient à merveille des personnages de comédie ; on voit pourtant, de par le monde, maintes filles de bourgeois qui s'estiment heureuses de devoir au mariage des noms pareils, qu'elles croient d'ancienne extraction.

La rue a été défrayée de son premier pavé par les héritiers de Christian IV, comte palatin, duc de Deux-Ponts, dont le nom retentit encore dans les catacombes de la chronique galante. Il paraît que la Gourdan, appareilleuse de première classe, avait été à Paris le ministre des amours de ce prince étranger, qui, un jour qu'il devait s'absenter, l'avait chargée de placer jusqu'à son retour à Sainte-Périne la Dlle Lillier, dont il était le protecteur. Cette jeune femme, pensionnaire en chambre particulière, avait pris au couvent des maîtres, dont les leçons revenaient à 144 livres par mois, outre les 500 livres par an de la pension. Christian IV étant mort sans en régler le compte, les héritiers avaient dû ajouter à la dépense du pavage le mémoire de la femme Gourdan. Aussi bien l'hôtel de Deux-Ponts, antérieurement Conti, se trouvait contigu, rue Neuve-Saint-Augustin, à l'hôtel Richelieu, précédemment d'Antin. Mais il n'y avait pas que les appartements du prince et de la princesse, dans le local considérable où ils ne craignaient pas d'admettre des locataires ; ce fut même quelque temps une auberge de distinction.

Quand la voie s'ouvrit à la circulation, M. de Richelieu y était propriétaire de toute ou presque toute la rive gauche ; son jardin la bordait, mais restait suspendu à plusieurs pieds du niveau pavé. Quatre maisons étaient pourtant debout, du côté de la place Gaillon ; l'une d'elles, peu après la mort du maréchal, fut occupée par deux nouveaux époux, venus des Flandres pour passer l'hiver à Paris : c'était le comte de Lannoy et sa femme, née comtesse de Coswaren. Musicienne pour son plaisir, la comtesse était loin de prévoir en ce temps-là que des procès et une révolution la réduiraient, réfugiée à Berlin, à donner des leçons de musique pour vivre elle publia, dans cette ville, des sonates pour le clavecin et d'autres morceaux de sa composition.

Toutefois Mme de Lannoy connut, en revenant à Paris, la misère encore plus à fond et elle en fut réduite à jouer des bouts de rôle, avec ses filles, au théâtre de la Porte-Saint-Martin. L'habitation que la comtesse avait eue en de meilleurs jours est à présent l'hôtel Molière, que tient Mlle Maxime, lasse elle-même du théâtre, après avoir joué du Racine et du Corneille, non sans quelque talent, à l'Odéon, puis à la Comédie-Française. Pauvre Mme de Lannoy !

Il y a environ six ans que Mme Montgolfier, veuve de l'aéronaute, est morte à l'âge de 104 ans, rue de la Michodière, n° 4. Mme Boulanger, de l'Opéra-Comique, a eu longtemps un autre appartement dans cet immeuble, qui date de l'origine da la rue.

Le président d'Armenonville, qui était de la même famille que le garde des sceaux Fleuriau d'Armenonville, demeurait au n° 8 vers le milieu du règne de Louis XVI. Entre le président et M. Flandin, sénateur, maintenant propriétaire de l'immeuble, il doit y avoir place notamment pour le comte de Breteuil sur les titres de propriété. Comme on a gardé l'habitude de voir en ce 8 le logis seigneurial de la rue de la Michodière, les érudits du voisinage affirment que l'ancien prévôt des marchands y a joui de l'appartement de M. Lambert de Sainte-Croix, ou de celui de M. Billault, conseiller général du département de la Seine : sur ce le quartier se mécompte. Nous gagerions, par contre, que cet immeuble, à la porte duquel s'élèverait la porte Gaillon, si elle n'était pas démolie, a fait partie de l'hôtel de Deux-Ponts.

M. de Montigny a été propriétaire au coin de la rue de Hanôvre, quand elle n'était encore qu'une impasse. La duchesse de Deux-Ponts, mère du roi Max de Bavière, disposait alors du n°20 et d'une autre propriété, que faisait remarquer naguère l'établissement des Bains chinois. La construction pittoresque de ces jolis bains ne donnait-elle pas comme un spectacle, à l'angle du boulevard ?



 

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