Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE BEAUBOURG,
IIIe arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1857. Postérieure est la démolition d'une quinzaine de maisons, à l'embouchure de la rue Beaubourg, qui de la sorte a fait réception à la nouvelle rue de Turbigo.

Arr. du 11 mars 1851, réunissant à la rue Beaubourg, la rue Transnonain, le passage au Maire et la rue Saint-Hugues. Précédemment, rue Beaubourg, rue Transnonain, passage au Maire et rue Saint-Hugues. L'ancienne rue Beaubourg, entre les rues Simon Le Franc et Michel le Comte, ouverte à la fin du XIe siècle, traversait à cette époque l'enceinte de la Ville. A l'intérieur de l'enceinte, elle fut dénommée rue de la Poterne puis, rue de la Fausse Poterne ; hors de l'enceinte, rue outre la Poterne Nicolas Hydron. Ces deux tronçons furent réunis plus tard, sous la dénomination de rue Beaubourg. L'ancienne rue Transnonain, entre les rues Michel Le Comte et au Maire, a été ouverte vers le commencement du XIIIe siècle ; on l'a appelée successivement rue de Châlons ou de Chalon, rue Trousse Nonnain, rue Trace put... puis, rue Tasse Nonnain et enfin, rue Transnonnain.

L'ancien passage au Maire, entre les rues au Maire et Bailly, a été primitivement dénommé passage Bailly puis, passage de la rue au Maire. L'ancienne rue Saint-Hugues, entre les rues Bailly et Réaumur, avait été ouverte vers 1780. La partie qui était située, côté impair, entre le tronçon supprimé de la rue Simon Le Franc et la rue Rambuteau a été déclassée par arrêté du 13 août 1971 et supprimée en 1972 pour la réalisation du centre national d'art contemporain dans le cadre de l'aménagement du secteur des Halles. La partie comprise entre les rues au Maire et de Turbigo avait été ouverte lors du percement de la rue de Turbigo. Origine du nom : Ancien village du Beau-Bourg, ainsi dénommé dès le XIe siècle.

Ses Auberges en 1769. Le beau Bourg. Anciennes Dénominations :
Connaissez-vous un centenaire ? Il a pu voir des marchands de province descendre rue Beaubourg, soit à l'hôtel des Quatre-Provinces, soit à l'auberge du Franc-Bourguignon ; mais il est encore venu près d'un siècle trop tard pour avoir pu dîner ou souper à 20 sols par tête à la Toison, qui florissait dans la même rue. Celle-ci aboutissait sous la minorité de Louis XV aux rues Maubuée, Simon-le-Franc, Grenier-Saint-Lazare et Michel-le-Comte, en leur donnant pour trait d'union ses 85 maisons, auxquelles ne pendaient que 5 lanternes. Au commencement du XIe siècle on n'y trouvait encore que des chaumières de manants, qui finirent par former un bourg, dit le beau Bourg ; les Parisiens, sous le règne, de Louis VI et de Louis VII, avaient là leur petit Belleville. L'enceinte de Philippe-Auguste donna droit de cité au bourg, sans l'enfermer entièrement dans Paris, et la rue s'appela d'abord de la Poterne, puis elle emprunta le nom d'un Certain Nicolas Hidron.

Une autre section de la rue Beaubourg actuelle était d'abord dite de Châlons, à cause de l'hôtel des évêques de Châlons, sur l'emplacement duquel on bâtit ensuite le couvent des Carmélites, à l'encoignure de la rue Chapon ; puis c'est la galanterie de bas étage qui se prélassa à loisir dans la rue qu'avait habitée l'évêque. On se crut autorisé par cela seul à la dénommer Trousse-Nonnain, Transnonain. Elle fut enfin le théâtre d'une émeute, c'est-à-dire d'une révolution incomplète, dix-sept ans avant qu'on rayât de la carte de Paris ce nom de rue par trop taché de sang, en la réunissant à celle Beaubourg. Vers le temps de cet accouplement, la voie qui nous occupe, et qui serpente comme une anguille vivante fut allongée de deux autres tronçons, qui affectent de suivre la ligne droite, comme si le poisson frétillant était appelé à devenir rectograde. L'ancienne rue au cours tortueux paraît tenir à chacun de ses faux plis, pareils à ceux que les marchands de drap, dans le quartier, nomment précisément des anguilles. Au reste, les deux dernières adjonctions ont annihilé : 1° le ci-devant passage au Maire, vendu le 21 mars 1767 par un propriétaire de la rue au Maire, M. Turpin, au ministre Sartine, stipulant pour le roi ; 2° une petite rue formée en 1780 sur les dépendances du prieuré de Saint-Martin-des-Champs.

Hôtels de la Magistrature :
Que d'hôtels dans cette rue Beaubourg, qui ont appartenu à la magistrature ! La plupart des maisons, petites ou grandes ; y datent des XIIIe, XIVe XVe et XVIe siècles. Les juges d'à présent préfèrent, en général, les quartiers neufs où les plaideurs furieux d'avoir perdu leur procès de la veille se reconnaissent de plus loin ; mais les magistrats de l'ancien régime étudiaient les dossiers et rédigeaient les rapports à quelques pas seulement du parlement et du Châtelet. L'unité a tout rapproché, sinon mêlé, et la robe, autrefois immeuble comme les glaces et les cheminées par destination, a trop souvent suivi l'impulsion du vent, depuis qu'il souffle d'un seul côté, et elle s'est éloignée de l'audience où elle siège, en se rapprochant tout doucement de l'audience qu'on donne à ses ambitions. Pour que les barricades rebelles du mois d'avril 1834 n'aient rien ôté de leur aspect à tant d'anciennes demeures d'une magistrature qui avait elle-même servi de rempart à la bourgeoisie de Paris, fallait-il qu'on les eût bâties à chaux et à ciment !

La Tour de Babel. La Fruitière :
Les n°S 13, 15, 17, 19, réunis par un pont, appartiennent depuis 1807 à la même famille, qui a cousu deux pièces de plus à cet habit d'arlequin, au moyen de deux petits bouges de la rue des Vieilles-Étuves. Trois au moins de ces bâtiments n'étaient déjà qu'un seul hôtel, fondé il y a deux siècles ; on doit même penser que le n°21 monté sur deux berceaux de caves, formait alors le principal corps de logis de cette habitation d'une notabilité parlementaire. M. de Belleyme, qui a été longtemps le président du tribunal civil de la Seine, avait pour oncle M. Gobley, de son vivant propriétaire de ladite agglomération ; elle est actuellement à la disposition de M. Cabany aîné, qui n'a pas moins de soixante quittances à faire présenter, tous les trois mois, à soixante locataires. Dans cette région méridionale d'une rue qui n'a changé en quelque sorte que de nom depuis saint Louis, on remarque, une boutique qui a gardé religieusement sa physionomie du moyen âge, et dans laquelle la même fruitière, depuis cinquante-deux ans, vend des légumes, seul endroit où le décor subisse, mais à contrecœur, l'affreuse nécessité du renouvellement ! D'autres craignent l'expropriation ; mais notre vénérable marchande de verdure appelle de tous ses vœux, à ce qu'on dit, la démolition officielle, car elle espère que la Ville, en escomptant le bail de cinquante autres années que son propriétaire a bien voulu lui consentir, lui fournira de quoi se retirer là où pousse sa marchandise. Dans tous les cas, la bâtisse est solide : le gros œuvre n'en eût pas permis de spéculer sur l'indemnité d'un jury, comme le font sans doute les capitalistes qui nous dressent, avec une économie de matériaux toujours croissante, des tentes plutôt que des maisons.

Le berceau du 24, qui a eu pour parrains des religieux de Saint-Merri se perd également dans ce qui devient la nuit des temps. Les siècles affectivement, se suivent et se ressemblent par un seul trait, c'est que le dernier venu ne manque jamais de considérer tous les autres comme des âges de ténèbres au point de vue intellectuel ou moral, en attendant qu'on le taxe à son tour de barbarie, d'ignorance crasse et de fétichisme, ou de libertinage sans frein dans les idées et dans les mœurs.

Le conseiller au parlement qui se commanda le 31 nous parait un contemporain du cardinal de Richelieu, d'après le style de la porte. Dans la boutique furent des écuries, dans l'arrière-boutique, des cuisines. Toutes les ferrures du premier étage ont été préservées de la rouille par une sorte de vaccine, qui la leur a inoculée sous la forme d'une dorure dont le ton jaune tient encore bon. L'ancienne dorure trempait-elle donc le fer, avant la découverte du galvanisme ? De nos jours, la dorure n'est guère qu'une peinture à l'ocre, qui rappelle trop le jaune d'œuf pour que la trompe des mouches ne la suce pas entièrement et promptement ; nos aïeux, au contraire, avaient le double tort d'enduire d'or véritable, le véritable fer qu'ils employaient.

Le Marchand de Vins. Les Oubliettes. Les Carmélites :
Au 32, une porte du même âge replie ses deux battants à l'intérieur d'un établissement de marchand de vin, qui s'est ouvert sous le règne de Louis XIV, en supprimant la principale entrée de la maison. Interrogez ce seuil, ces marches, ces murs et chacune de ces larges pièces dont souvent on fait un logement, et parfois même deux étages : l'écho d'alentour vous dira, sans emprunter l'accent plaintif de l'Écho incarné par la mythologie, qu'une princesse, pour sortir de chez elle, mollement assise dans sa chaise à porteurs toute garnie de satin et de glaces, passa journellement sous cette voûte, où les plus gueux maintenant sourient comme elle, à travers leur verre à demi plein, à leur propre figure dont le comptoir d'étain est le miroir le plus flatteur. Cette maison et celle qui la précède ont été vendues à feu Dumogeot, créateur du fonds de marchand de vin, par la comtesse de Beaumont dont l'hôtel était place Royale et dont M de Sévigné a dit : « Mme de Beaumont ne vient-elle pas toujours comme l'oublieur ? » L'hôtel avait-il été d'Elbeuf à une époque antérieure ? La comté d'Elbeuf, échue à la maison de Lorraine en 1554, fut érigée en duché-pairie par Henri III en faveur de Charles de Lorraine : Nul doute que l'hôtel d'Elbeuf se carrât de ce côté de la rue Beaubourg ; seulement il pouvait y être encore plus près de la rue Montmorency et n'avoir eu pour maître et seigneur, au lieu du beau cousin du roi, que son homonyme d'une autre époque.

Que vous dirai-je ensuite du 33, et de sa rampe d'escalier en fer, pour nous un précieux objet d'art ? Les deux premiers étages datent d'environ cent cinquante ans ; un ancien avocat au parlement y prit ses aises. Ce ne fut que momentanément le siège de la mairie du Vile arrondissement ; puis on y fondit les beaux sous de la première République, monnaie qui sonnait comme les cloches dont c'était la matière première, dans les modestes poches qu'elle remplissait à peu de frais. Et du 39 ? Il est édifié sur les fondements de ce mur de Paris dont nous vous parlions tout à l'heure et qui érigea du beau bourg en faubourg de la grande ville ce qui longeait la rue de la Poterne.

Souventes fois les maisons de cette rue vont par deux, que relie une naissance jumelle. Le 39 et le 41 ne formaient qu'une construction à deux portes, et celles-ci sont sœurs : trois siècles et demi ont certainement passé par-là. La façade du 38 et du 40, autres bâtiments faisant la paire, est de fraîche date ; poussons néanmoins dans la place une reconnaissance, la cour est majestueuse, et nous voici en plein hôtel de Fer. Nous savons qu'à l'avènement de la République le citoyen Féline y faisait la banque ; mais, si ce n'est pas l'ancien séjour d'Elbeuf, nous en ignorons l'origine. Le logis que les princes de Lorraine rendraient historique se cache, comme s'il était coupable ; des sculptures et de jolies peintures ont été retrouvées au premier, sous un voile de badigeon qui leur fait payer cher l'incognito. Qu'est-ce à dire ? Les griefs ne manquent pas il est vrai, contre des oubliettes, que la Ligue put mettre à profit, mais qu'elle avait dû trouver déjà pratiquées dans les caves de l'édifice. Ne sont-ils pas encore fixés au mur, ces anneaux et ces barres de fer auxquels se rivaient des patients, et qui parfois retenaient leurs cadavres jusqu'à ce qu'ils tombassent en poussière ?

Le XVIe siècle assurément comptait bien plus de prisons que le nôtre, mais par contre moins de prisonniers ; quoi qu'il en soit, on s'aperçoit toujours, ne fût-ce qu'au bout de trois cents ans, des fautes qu'ont pu commettre les personnages autorisés à en punir. Après l'hôtel de Fer en vient un autre, bâti en 1623, qui appartient présentement à M. Cabany jeune ; un procureur au parlement y précéda M. Delahayé, son fils ou son petit-fils, conseiller à la cour d'appel.
A titre égal le 49 passe pour trois fois séculaire ; la famille Brocas, qui a donné deux peintres, jouit depuis cinquante ans de cette ancienne résidence d'un président au parlement. Ses marbres de Durance, comme ses bordures de glace, ressortissent au style Louis XV, et c'est à la place des comptoirs de ses boutiques que pendaient les râteliers des chevaux du magistrat.

L'hôtel où le chapitre et les évêques de Châlons succédaient aux archevêques de Reims, allait de la rue Montmorency à la rue Chapon, en longeant la rue Transnonain, dans ce qui est marqué rue Beaubourg 62 et 64. Une colonie de carmélites avait commencé à se former, sous les auspices des grands colliers de l'ordre, dans une maison voisine de ce considérable pied-à-terre, laquelle appartenait à une demoiselle qui y prit le voile ; soeur Jeanne de Jésus. La supériorité avait été dévolue par le Mont-Carmel du haut de la rue Saint-Jacques à révérende mère Madeleine de Saint-Joseph et la sous-prieure, mère Marguerite du Saint-Sacrement, qui succéda ensuite à la prieure, était fille de Pierre Acarie, maître des comptes. La première novice qu'elles reçurent apportait une dot considérable ; c'était sœur Agnès de Saint-Michel, plus tard prieure en d'autres maisons. L'installation de ces religieuses avait eu lieu la veille de Noël, en l'année 1617 ; mais elles étaient d'abord si à l'étroit que dès 1619 messire Côme Glatisse, évêque de Châlons, mit le grand hôtel à leur disposition et le leur vendit 120,000 livres l'année suivante.

Le Théâtre Doyen. L'affaire de la Rue Transnonain :
De la reconstruction monastique la rue Beaubourg n'a pas perdu grand-chose, mais la division en nombre d'ateliers rend le bâtiment méconnaissable. La chapelle des religieuses était ornée, comme celle du collège des Grassins, d'un tableau de Vouet, maître de Mignard et de Le Brun ; elle s'est transformée en un magasin, qu'exploite aujourd'hui M. Villette, marchand de boiseries. On en avait fait une salle de danse avant que le théâtre Doyen s'y transportât, et ce théâtre d'élèves était si peu de fondation récente que Lepeintre aîné y avait, sous la Convention, préludé à sa carrière dramatique, dans la rue Notre-Dame-de-Nazareth. Pour le dernier spectacle, dans la salle Transnonain, la toile se leva dans la rue : un drame était improvisé par la sanglante affaire d'Avril. La veille de l'insurrection, on y jouait encore des vaudevilles ; le jour même, on y répétait au bruit d'une vive fusillade. Le second mari de la veuve de Doyen ne songea à se réfugier que dans la loge du souffleur, lorsque fut prise la dernière barricade ; on l'y coucha en joue, mais il eut le temps, par bonheur, de se laisser glisser sur les marches, il tomba dans le troisième dessous.

Il n'en resta pas moins beaucoup de morts sur le champ de bataille de la rue Transnonain, et le cimetière Saint-Nicolas, qui n'avait été séparé de l'hôtel de Châlons que par l'une des rues latérales n'existait plus. Une maison avec jardin, attenante a ce champ de repos, appartint aux évêques de Meaux : les administrateurs de l'Hôtel-Dieu l'achetèrent pour agrandir leur cimetière Saint-Nicolas. Aussi bien le même sang d'activité et d'industrie circule obstinément dans cette veine de l'ancien Paris dont le dégorgement des veines dénouées fait un vaisseau si important. L'artisan laborieux n'a pas moins succédé au robin d'autrefois, dans tout le 72, hôtel déchu qui ronge comme un frein sa belle serrurerie, témoignage du lustre passé, que dans les deux maisons sur la même ligne séparées vainement par une rue, celle des Gravilliers, qui ne réussit pas à les désapparier. Les encoignures vivent les encoignures ! C'est un signe particulier qui fait mieux reconnaître une maison et qui, en général, dure plus longtemps que l'enseigne, que le numéro.

L'hésitation est impossible, par exemple, quand les Archives nous livrent un document qui se rapporte pour l'année 1723 au premier angle que forme la rue Beaubourg à gauche en s'éloignant de la Seine, avec la rue des Petits-Champs-Saint-Martin (maintenant rue Brantôme) : nous y voyons tout de suite où fut propriétaire de deux maisons Anne Antoinette Le Porquier, veuve de Pierre Leclerc de Lesseville, un conseiller au parlement, fille et héritière du trésorier général de la maison ducale de Longueville. L'autre coin appartenait alors à Vallier, comte du Saussey, président à mortier au parlement de Metz, que Richard, secrétaire du roi, avait précédé. Ce dernier avait fait bâtir entre ladite rue des Petits-Champs et la cour du Maure une maison doublement angulaire à la place de quatre autres. La cour du Maure et la rue Beaubourg donnaient pour pendant à la maison du président celle d'un grand parent de l'auteur des Anciennes Maisons de Paris sous Napoléon III : Jacques Lefeuve bourgeois de Paris, qui demeurait au cul-de-sac de la rue de la Tixéranderie, et qui avait acquis de Cournier, contrôleur des rentes provinciales d'Orléans. D'autre part, est-ce qu'un des angles de la rue des Ménétriers ne payait pas loyer, sous Louis XIV, au prieuré de Saint-Martin-des-Champs ? Est-ce que l'on ne coula pas des bains pour le beau sexe, au coin de la rue des Vielles-Etuves ? Plus il y a de coins, plus une rue est claire : pour nous surtout !

Les Impasses. Le Bourgeois séducteur :
De ce chef nous devons aux impasses moins de gratitude qu'aux rues. Mais ce n'est pas une raison pour faire fi de l'impasse des Anglais, angiportus Anglorum, et de l'impasse Bertaut, qu'on a dite également des Truies. Le premier de ces culs-de-sac est situé vis-à-vis l'hôtel de Fer et peut avoir été étrenné au XVe siècle, pendant l'occupation anglaise : le jeune médecin et professeur Hailé y demeurait trente années avant de partager avec Corvisart le titre et le service de premier médecin de Napoléon ler. Le second cul-de-sac doit sa dénomination à Jean Bertaut, qui y fit établir un jeu de paume, vers l'année 1577. Quant aux truies qui s'y rencontrèrent communément, étaient-elles bien des compagnes de l'animal dont la malpropreté donne à son nom la portée d'une injure ? Cette application physiologique, tout en s'étendant beaucoup moins à la femelle, rappellerait que l'antre des Truies n'était pas éloigné de la rue Trousse-Nonnain.
Dans cette impasse Bertaut demeurait en l'année 1740, la fille d'un marchand de tripes nommé Langlois, né au village de Septenville, et Marie-Glorieuse Langlois avait été séduite par le voisin Durand, qui avait pignon sur la rue Beaubourg. La donzelle menaçait d'aller porter l'enfant qu'elle disait né de leurs rapports intimes, chez Mme Durand, tout en assignant en justice le trop galant bourgeois, pris de la sorte entre deux feux. Tant y a que maître Durand jugea prudent de faire la part du feu, en consommant un sacrifice d'argent, et la tempête se changea en bonace. Voici la teneur de l'acte qui a concilié les deux parties :

« Marie-Glorieuse Langlois, demeurante cul-de-sac Bertaut, a par ces présentes quitté et déchargé à/pur et à plein de maintenant et à toujours François Durand, bourgeois de Paris, demeurant rue Beaubourg, à ce présent et acceptant de tout l'intérest civil, réparation, dépens, dommages et intérêts et autres choses généralement quelconques qu'elle pourroit prétendre et demander contre luy pour raison de la compagnie et copulation charnelle qu'elle prétendoit avoir eue avec luy dont elle estoit demeurée enceinte, et en est issu une fille, le 21 avril 1739, qu'elle a fait baptiser sur les fonts de Saint Méry, sa paroisse, et nommée Françoise : cette quittance et décharge ainsi faite, à condition que le dict Durand se chargera, comme de fait il se charge par ces présentes dudict enfant, a promis et promet de le faire nourrir, élever et instruire en la religion catholique, apostolique et romaine, luy faire apprendre mestier, et en faire son devoir comme un père de famille est tenu et obligé de faire pour ses enfants légitimes, pour raison de quoy ledict Durand décharge entièrement la dicte Glorieuse Langlois, et promet aussi de luy faire voir et représenter ledict enfant toutefois et quantes et outre moyennant la somme de trois cent septante livres qu'icelIe Glorieuse Langlois a confessé avoir eue et receue domptant dudict Durant, présents les notaires soussignés, en louis d'argent, et autre bonne monnoye ayant cours dont quittance. Et en ce faisant ladite Glorieuse Langlois consent et accorde que l'instance pendante par devant les juges au sujet cy-dessus, soit et demeure nulle et sans effet ainsi que chose non aveneue. »


 

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