Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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PLACE BEAUVAU, (rue du Faubourg-Saint-Honoré)
VIIIe arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1857. L'ancien hôtel Beauvau est depuis occupé par le ministre de l'intérieur.

Dans la monographie de la rue des Batailles nous avons déjà reconnu aux Badonville la qualité de propriétaires ; c'est du liquide qu'ils ont mis en solide, car ils étaient d'abord marchands de vin en détail, place Beauvau, à l'angle de la rue des Saussayes. Allons chez Badonville ! étaient heureux de se dire les gardes-françaises, en sortant de la caserne de la rue de la Pépinière, et les maraîchers de Neuilly, en revenant du carreau des Halles... D'autres amateurs se plaisent encore à se faire verser rasade au pied levé sur le comptoir du même établissement, où l'on trinque à tout coup, ne fût-ce qu'avec le débitant, dont le nom sans doute a changé plusieurs fois. L'immeuble, qui a été acheté par M. Badonville père pendant la République, avait commencé par faire partie des dépendances de l'hôtel Beauvau.

Même origine à la maison voisine, qui porte le n° 94 rue du Faubourg-Saint-Honoré. M. le baron de la Fresnaye la tient de sa belle-mère, Mme de Chavigny.

Au reste la place Beauvau-Saint-Honoré, qui forme une demi-lune au milieu du faubourg, est comme une vignette intercalée dans le texte et dans la pagination de ce livre aristocratique, intitulé rue du Faubourg-Saint-Honoré, dont près de la moitié est écrit en anglais. Ce quartier jouit de la prédilection, bien avérée des voyageurs qui passent la Manche pour comparer Paris à Londres, et ce n'est pas d'hier que le Paris d'au-delà de la rue Royale a une physionomie à demi étrangère.

Quand l'architecte Le Camus de Mézières y édifia le splendide hôtel qui s'annonce par un péristyle dorique, fermé de grilles, et dont une avenue précède la vaste cour, comme celle-ci le bâtiment-princeps, derrière lequel s'abrite un jardin, on regardait encore le prince de Beauvau comme un Lorrain : il y avait si peu de temps que la Lorraine était annexée à la France ! Mais si, sous Louis XIV, les princes de Beauvau n'étaient pas encore ducs et pairs, ils brillaient en revanche à Nancy et à Lunéville, et ils étaient princes du Saint-Empire ; le courage et l'esprit leur avaient donné les meilleures lettres de naturalité en France, à eux et aux Boufflers, que des alliances mettaient presque dans leur famille. Un Beauvau, prince de Craon, scella de son sang à Fontenoy, la conversion définitive de la Lorraine en province française.

De ce que le siège de la Ire municipalité était indiquée officiellement en l'an IX place Beauvau ; maison Latour, devons-nous inférer que l'hôtel porta aussi cet autre nom ? Ne serait-ce pas, par hasard, une maison contiguë qui s'appela Latour ? Après tout, l'administration municipale, sous le Consulat, pouvait ne pas occuper entièrement le ci-devant hôtel Beauvau. Un ancien officier du roi de Pologne, le poète Saint-Lambert y mourut le 9 février 1803, sous les yeux de l'illustre comtesse d'Houdetot. Leur amour de si longue haleine rachetait le XVIIIe siècle de son péché originel : la galanterie au pied levé.

Le duc de Noailles a pris aussi ses coudées franches dans cette grande demeure, voisine de l'Elysée, et puis elle a appartenu à la comtesse Dupont, veuve du général de ce nom, poètes tous deux, la femme et le mari.

Par malheur l'extérieur de cette résidence est tout ce qu'elle a gardé de magnifique ; au dedans, peu de chose rappelle que le luxe de deux cours y fut combiné par le brave et savant maréchal de Beauvau. M. Ernest André, notabilité financière, vient de se rendre acquéreur de l'immeuble, et il devient probable, en conséquence, que les bureaux d'une grande entreprise s'y installeront au premier jour.

M. Labordette, pharmacien, a son officine place Beauvau, au coin de la rue Miroménil, dans une maison où était née la citoyenne Demeulle, grand-mère de Mme Labordette. Peu s'en fallait que cette femme, d'un patriotisme exalté, n'assistât comme tricoteuse, aux séances de la Commune ; elle s'honorait du moins elle-même de figurer parmi les sans-culottes, et Robespierre l'avait pour prosélyte. Malgré ses opinions tranchées, nous pourrions ajouter tranchantes, la citoyenne Demeulle, voisine d'un boulanger, se cachait la nuit dans urne cave communiquant avec celle du voisin, et elle faisait passer en secret du pain aux royalistes de son quartier, au fort de la disette et de la Terreur.

Dans la même maison avait figuré avec assez d'éclat, avant la Révolution. Mme Le Boulanger, épouse d'un président au parlement et mère de la comtesse de Beaumont.


 

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