Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DES BLANCS-MANTEAUX,
des Guillemites et du Marché-des-Blancs-Manteaux
IVe arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Elle fut dénommée, au XIIIe siècle, rue de la Petite Parcheminerie, rue de la Vieille Parcheminerie, rue de la Parcheminerie ; à la fin du XIIIe siècle, rue des Blancs Manteaux ; au XVe siècle, rue des Parcheminiers ou des Blancs Manteaux. Origine du nom : L'église des Blancs Manteaux est située dans cette voie.

Notice écrite en 1857. La rue des Guillemites n'allait alors que de la rue des Blancs-Manteaux à celle de Paradis, maintenant ajoutée à celle des Francs-Bourgeois ; la rue des Guillemites commence maintenant rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, par suite de l'adjonction de celle des Singes.

M. de Novion :
Quand Guillot s'était avisé de versifier une nomenclature de toutes les rues de Paris, il avait parlé d'une rue Pernelle-de-Saint-Pol, à laquelle Sauval accorda une mention posthume en la traitant de rue Molard. Jean de la Haie, dit Pecquay, en avait fait une rue sens chef en s'y bâtissant un hôtel, quadrilatère de pierre reproduit par Lacaille dans son plan de Paris en 1714. Alors les détenteurs de ce pignon sur cul-de-sac se trouvaient les Novion, famille de grande robe, qui avait un castel dans la vallée de Montmorency.

La première présidence du parlement vint vaquer peu de temps après, et le régent crut devoir y nommer, ce qui nous paraîtrait encore plus étrange aujourd'hui, un magistrat qui ne l'avait pas demandée ; nous voulons dire le conseiller Novion, qui se trouva d'autant plus entrepris, au milieu des compétiteurs qui n'avaient pas caché leurs prétentions à ce fauteuil, qu'il avait la rare modestie de s'en croire encore le moins digne. Il avait l'habitude d'opiner du bonnet avec une conscience qui ne s'éclairait qu'à la fin, sans peser sur les décisions de ses collègues ; mais parler le premier, et le dernier, c'est-à-dire se faire l'expression anticipée de la justice, et puis conclure avant les autres, dicter enfin l'arrêt, en déduire seul tous les considérants émanés d'opinions diverses et souvent en contradiction l'une avec l'autre, n'était-ce pas une bien autre affaire ? Reculer eût été indigne, avant de faire tous ses efforts pour s'élever a la hauteur des devoirs d'une telle charge. Pourquoi, d'ailleurs, un magistrat qui s'était, toujours fait un devoir de ne juger, personne à la légère, se fût-il refusé à lui-même du temps, le jour où il se croyait tenu à la justice pronominale ? Après mois d'épreuves continuelles M. de Novion se rendit chez le duc d'Orléans et le conjura d'avoir pour agréable qu'il se démît de fonctions au dessus de ses forces. Le récent, en portant aux nues son excès de délicatesse, jouait l'étonnement, dans le fait, il s'était proposé de dire lui-même cette dure vérité au président, qui le tirait d'embarras en prenant les devants. – Vous ne vous montrez, pas, dit courtoisement le prince, moins sévère pour nous que pour vous. Un successeur aussi intègre et aussi consciencieux que monsieur de Novion, ne sera pas facile à lui trouver. Mais, toutes vos paroles prenant pour nous l'autorité de vos arrêts, votre démission est acceptée.

Les Parcheminiers. Historique d'un Couvent. L'Enceinte de Philippe-Auguste. Les Séguier. Autres Notabilités. Bailly Père. Les titres de Propriété du Mont-de-Piété. Le Marquis de Favras. L'Hospice Saint-Gervais :
L
'impasse Pecquay a porté le nom de Novion, au crédit duquel elle devait trois lanternes, n'éclairant qu'une seule propriété ; transformée d'abord en passage, elle a repris sou ancien rang de rue entre celle Rambuteau et celle des Blancs-Manteaux, dite au XIIIe siècle de la Petite-Parcheminerie.

Avant Philippe-Auguste, ce quartier était hors de ville, et le papier d'alors s'y fabriquait. Le parchemin, à cette époque, avait quelque rapport avec notre papier-joseph, qui multiplie actions et billets de banque ; on en noircissait moins, car il coûtait plus cher, bien que l'argent fût plus rare. Le crédit public, qui en use si largement, restait à inventer. Le parchemin, en revanche, durait plus longtemps, et l'université de Paris prélevait un droit, sur son débit. Les concessions de territoire, de privilèges et d'immunités, promettant la perpétuité, avaient beau se multiplier a cette époque, il restait, encore au talon de quoi se passer de papier-monnaie ; c'était une pluie de signatures gracieuses, tombant des mains royales sur parchemins.

Exemple. Louis IX, qui est un père prodigue pour tant d'ordres religieux, établit dans la rue de la Petite-Parcheminerie des frères mendiants, serfs de la Vierge Marie, porteurs de longues draperies blanches, en lieu placé sous la censive des chevaliers du Temple, et il constitue au profit des seigneurs templiers une rente de 40 sols, pour dégrever du cens lesdits blancs-manteaux. D'autres pieuses largesses permettant à ces moines d'y faire bâtir, ils ont avant peu leur couvent, leur chapelle et leur cimetière. Mais un concile de Lyon vient à réduire le nombre des ordres mendiants, sur quoi les guillemites, ermites de Montrouge, obtiennent de Boniface VIII la permission de fusionner avec les blancs-manteau, qui ne sont plus alors qu'au nombre de quatre, dont un prieur.

Philippe de Valois autorise nouveaux et anciens à percer le mur de la ville, qui est également le leur, pour que l'accès de leur église, peu distante de la forte Barbette, soit plus facile aux gens de la campagne juxta-urbaine, et soixante-dix années plus tard, Paris ayant grandi, Charles VI leur concède une tour et 40 toises de l'enceinte de Philippe-Auguste, moyennant, 4 livres 10 sols 8 deniers parisis de rente et 8 sols 6 deniers parisis de fonds de terre. Nouvelle décadence pour la communauté au temps de la Ligue ; le prieur n'y a plus sous sa direction en 1618 que six profès et deux novices, lorsque le cardinal de Retz infuse dans ce corps délabré un sang nouveau. Des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, si patients et si savants que d'épaisses ténèbres historiques attendent pour se dissiper leur Art de vérifier les dates, sont envoyés dans le couvent de cette rue des Blancs-Manteaux qui jaunit et se tord comme un vieux parchemin ; les guillemites, c'est-à-dire le noyau qui en reste, se seraient bien passés de cette agrégation par ordre, mais ils en prennent leur parti, malgré leur général, en résidence à Liège, qui proteste.

Au monastère appartiennent les maisons de la rue Vieille-du-Temple qui séparent celle des Blancs-Manteaux de celle Paradis, plus une maison contiguë dans cette dernière rue et deux dans l'autre : un état de compte dressé par dom Pierre Martin, prêtre, religieux et, procureur-syndic de la communauté des bénédictins du monastère des Blancs-Manteaux, congrégation de Saint-Maur, ne nous laisse aucun doute à cet égard. D'après un plan du même temps, Notre-Dame-des-Blancs-Manteux, qui a été construite sous Louis XIV en remplacement de la première église, manque de portail et n'est pourvue que de bas-côtés étroits : on y entre par quatre portes, deux sur chaque rue. L'une des portes de la rue de Paradis est séparée de l'autre par une chapelle qui donne sur le cloître et qui fut sans doute publique avant l'église dédiée en 1397. Les locaux d'au-dessus sont affermés à des communautés séculières, sans que la vie érémitique ou claustrale y soit d'obligation. Il y a du même côté au rez-de-chaussée deux parloirs, où sont reçues les visites de femmes, puis le logement du portier et les offices, enfin une cour oblongue. Du côté opposé, la salle d'hôte est en bas, l'infirmerie en haut, et de modestes écuries viennent après. Le jardin occupe le milieu. D'après le Géographe Parisien, publié par Lesage en 1769, « la communauté des Blancs-Manteaux est gouvernée par seize modérateurs ou conventuels, nommés de toutes les communautés de France de l'ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur ; » leur enclos mesure 100 pas dans le sens parallèle à la rue Vieille-du-Temple et 130 dans l'autre sens. Enfin l'église et le couvent sont vendus les 12 vendémiaire et 8 prairial an V ; mais l'Etat rachète l'église le 2 novembre 1807, et elle dure encore.

Que de communautés religieuses, bonté du ciel ! ont eu la même fin ! N'en avait-on pas trop fondé depuis le règne de saint Louis ? Nos stations de chemins de fer, à la bonne heure ! Les multiplie-t-on jamais trop ? Que si l'art de rester chez soi atteignit en d'autres temps son apogée, c'est le tour, maintenant de la locomotion. Blaise Pascal attribue pourtant, depuis trois siècles, tous les malheurs du monde à cette unique cause, que l'homme ne sache pas assez s'ennuyer tout seul dans sa chambre.

A en croire Paris chez, Soi, il ne resterait plus pierre sur pierre de l'église des Blancs-Manteaux, et le Mont-de-Piété, cette institution 30 de Louis XVI, aurait peur siège une portion de l'ancien couvent. Mais dans cet ouvrage collectif de gens d'esprit, chroniqueurs par hasard, les fautes archéologiques ne sont que des péchés véniels. Il nous étonne d'avantage de n'être pas de l'avis des historiographes plus sérieux qui s'accordent à dire que l'édifice du Mont-de-Piété fut bâti tout exprès en 1780.

L'ancienne cour, trois ou quatre fois plus longue que large, à l'un des bouts de laquelle des écuries ne tenaient pas grande place, est à cette heure toute la rue des Guillemites, et il se peut que les ermites de Saint-Guillaume aient bâti de ce côté, ou du moins s'y soient retirés lorsque leurs successeurs ressemblaient encore à des associés suivant une autre règle. Au n° 10 de la rue des Blancs-Manteaux, on cherche à vous persuader que les guillemites, qui habitèrent la maison, n'avaient rien de commun avec les religieux aux blancs habits. Le n° 14 fait la contrepartie, en reniant les guillemites pour s'avouer bénédictin, du côté où il montre des sculptures du XVIIe siècle.

Un autre bâtiment sculpté se dissimule au fond d'une cour, que précède, sous une voûte, un escalier d'honneur avec sa magnifique lisière de fer ; c'est au 22, que composent deux maisons autrefois distinctes, et qui fut adjugé en 1847 à Me Blondel, avocat des mieux écoutés. L'arrière construction masque la moitié d'une tour de l'enceinte de Philippe-Auguste, anneau plus fidèlement gardé que celui qui s'est détaché de la même chaîne au profit des moines d'à-côté. La concession de cette demi-tour et de 20 toises de l'ancien rempart, émanant de lettres patentes du mois de mars 1398, a également pour auteur Charles VI. Ne devons-nous pas remercier tous les prédécesseurs de M. Blondel de s'être eux-mêmes nommés conservateurs du petit monument, parisien par excellence ? Aurions-nous bonne grâce à ne pas même les connaître ?

1786, le chevalier Davy de Cussé, correcteur en la chambre des comptes ; – 1712, messire Morel de Vindé, président de la cour des aides ; – 1710, dame De la Grange et sa fille ; – 1657, Charles de Bourdeilles, comte de Mattrat, et Catherine de Nouveau, son épouse, et à cette date les deux maisons tenaient, d'un côté à Anjorant de Claye, de l'autre au président Beau-bourg ; – 1632-1633, Arnould de Nouveau, trésorier des parties casuelles, et son frère, Robert de Nouveau, et leur sœur, dame Du Besloy ; – 1579, plusieurs Séguier, par droit de succession, savoir : Nicolas- Jérôme, ayant pour tutrice Michelle de Fontaine, veuve de Nicolas Séguier, seigneur de Saint-Cyr, maître en la chambre des comptes ; Pierre Séguier, avocat ; Madeleine Séguier, femme de Lescaloppié, également avocat, ces derniers étant nés des premières noces de Nicolas Séguier avec Dlle Claude de La Forge, et tous habiles à hériter de Pierre Veau (le nom si connu des Séguier portait alors l'y au lieu de l'i) ; – 1575, noble homme et sage maître Jean Veau, conseiller au parlement, époux de Françoise, Séguier, et l'une des deux maisons dont il s'agit, portant alors pour enseigne une image de Notre-Dame et ayant pour locataires Alfonse de Maugerny et Chastelier, procureur au parlement, fut l'objet d'un échange entre Jean Veau et noble homme Arnoul de Nouveau, conseiller, notaire et secrétaire du roi, – 1559, Claude Anjoran, seigneur de Claye, conseiller au parlement, acquéreur de l'autre maison, dite l'hôtel des Carneaulx, dont Bacquet, vendeur-juré de bestiaux, était détenteur, moyennant 208 livres, 6 sols, 8 deniers de rente sur l'Hôtel-de-Ville, au nom et au profit de Me Nicolas Séguier, propriétaire desdites rentes ; – 1512, Nicole Séguier, époux de Dlle Leblanc, achetant à des ecclésiastiques, ses beaux-frères, leur part de la propriété d'un bâti-ment contigu à sa propre demeure, tenant par-derrière au jardin des hoirs de feu Anjoran et à l'hôtel des Carneaulx ; – 1511, le même Nicole Séguier, notaire et secrétaire du roi, receveur des aides, acquéreur pour un sixième de René Leblanc, fils et héritier de Louis Leblanc, en son vivant greffier des comptes ; – 1507, toujours Nicole Séguier, auquel Leblanc, greffier, vendait la portion, principale du n° 22 de notre époque, c'est-à-dire le côté droit ; – 1460, Raoul de Reiffuge, maître des comptes, dans lequel néanmoins il ne faudrait pas voir le créateur de ce manoir. En effet, il achetait, le 26 septembre 1466, de Dlle Denise Baguier, veuve et exécuteur testamentaire de sire Jehan Le Vavasseur, maître des comptes : 10 une maison et ses dépendances, assises rue des Bancs-Manteaux, aboutissant par derrière aux anciens murs de Paris, sous la censive du Temple, 20 la moitié d'une vieille tour et environ 20 toises desdits anciens murs d'icelle ville touchant « l'hostel de Bracque qui joinct à la porte du Chaulme, en la censive du Roy, et dont l'austre moitié de ladicte tour et murs appartienct à ladicte Damoiselle Denise Baguier. »

Le logis de Simon Hennequin, greffier des présentations au parlement sous Henri II, se trouvait sous Louis XIII à la disposition du riche M. de Luillier, maître des comptes. C'est, selon, toute apparence ; le même hôtel qu'occupa Le Boutheillier, abbé de Rancé, qui de bonne heure, Il'ayant que vingt-six ans, le céda à titre d'échange au grand-audiencier Longuet de Vernaullet. Le jeune abbé, filleul du cardinal de Richelieu, mena une vie de plaisirs, défrayée palses bénéfices, tant que la mort d'une femme qu'il aimait ne lui fut pas un avertissement pour se renfermer à la Trappe et en faire de tous les couvents le plus sévère ; il avait même été, précoce jusqu'à donner dès l'âge de quatorze ans une édition d'Anacréon. Cette maison et son assez grand jardin furent vendus au bout d'un siècle par un Longuet de Vernaullet, membre honoraire du grand conseil, à Deschamps de Courgy, payeur des rentes de l'Hôtel-de-Ville, puis passèrent au notaire Vivien, et son étude s'y ouvrait porte à porte avec le Mont-de-Piété, mais au-delà.

Entre l'établissement philanthropique et le monastère, la rue de Paradis et celle des Blancs-Manteau se partageaient un ancien hôtel de Lozier, qui avait appartenu vers 1715 à Bouvard de Fourqueux, procureur du roi en la chambre des comptes, du chef de sa femme, une Rouillé, avant que d'être à Bouvet de Lozier ; ancien gouverneur de l'île Bourbon. Le procureur-syndic des Blancs-Manteaux, si vous admettez qu'il ait résidé au 11, s'y contentait probablement des restes de M. de Lozier.

Il y eut encore place, et largement, pour une maison sur laquelle Philippe-Anne de Villezain et sa femme, née Blondeau, cédèrent leurs droits moyennant compensation à Blondeau, abbé d'Oigny, en l'année 1639. L'abbé d'Oigny eut pour héritière sa nièce, qui avait épousé Lelièvre, président au grand-conseil, et qui laissa l'hôtel à son fils. Puis la propriété se divisa, sans sortir de la même, famille, et y revint à l'unité par le chat de la moitié échue à la femme du procureur général Joly de Fleury. Enfin Joseph Lelièvre, marquis de la Grange, donnait le tout pour 137,662 livres, en 1779, aux administrateurs de l'Hôpital-général, que le roi avait chargé d'en faire le Mont-de-Piété.

Le droit que les gens de Mainmorte devaient au seigneur, pour le dédommager des droits qu'il aurait dû recevoir aux mutations, s'élevait au cinquième du prix d'achat, suivant la coutume. Il y avait donc à payer au grand-prieur de France 27,632 livres 8 sols d'indemnité, pour les hôtels Lelièvre et Joly de Fleury ; mais, comme ils étaient dans le ressort de la haute-justice du roi, ce droit proportionnel se trouvait réduit d'un dixième, aux termes de la déclaration royale du 20 novembre 1724. Partant il ne restait au grand-prieur que 24,779 livres, 3 sols, 3 deniers, et, comme il n'avait pas qualité pour en donner décharge ; n'étant qu'usufruitier, l'Hôpital-général lui constitua 825 livres, 19 sols, 5 deniers de rente perpétuelle, au denier trente, pour s'acquitter. En 1789 messires d'Aligre, premier président, au parlement. et Lenoir, lieutenant-de-police, en leur qualité de commissaires directeurs du Mont-de-Piété, renouvelaient au grand prieuré l'aveu censuel qui avait pour objet ces deux mêmes maisons, acquises dix ans plus tôt. Loin de retrancher quelque chose aux bâtiments, la banque des prêts sur gage y avait ajouté.

Vivien tenait d'autre part à Coulon, procureur au Chatelet, comme Coulon à Davy de Cussé, qui n'habitait pas sa maison. La Michodière, ancien prévôt des marchands, avait sur le même rang une propriété, qui venait la seconde après le cul-de-sac Pecquay ; et Larsonnier, correcteur des comptes, la grande qui suivait ; celle-ci avait appartenu, du temps de maître Luillier ; à Jean de Bordeaux, payeur des gages du parlement, et celle-lit au président Sévie de Quincy, puis à Jérôme Lécuyer, premier maître-d'hôtel du roi, fils de Marguerite Sévin et de Jean Lécuyer.

Un hôtel à M. Féron, comte de la Ferronnais, occupait l'encoignure en regard. La maison contiguë à cet hôtel était à M. de Chalembert, conseiller du roi et son procureur en l'élection de Sens. L'avocat Loyson demeurait vis-à-vis le Mont-de-Piété, et nous voyons son petit-fils dans un éminent prédicateur, l'abbé Loyson, en religion père Hyacinthe.

A celui des deus coins de la rue du Puits, (cette rue est depuis peu dite Aubriot, en ressouvenir de Hugues, Aubriot, intendant des finances et prévôt de Paris sous Charles V) qui se rapprochait le plus de la rue Sainte-Avoye, Guignace de Villeneuve, écuyer, était propriétaire dans le même temps, et il avait eu pour principaux prédécesseurs portail, maître d'hôtel du roi, et le président Qastille, autre contemporain de Luillier. A pareil angle sur la rue des Singes, avec une porté y donnant, se tenait l'hôtel de Jean-Simon Bailly, qui fut directeur de l'académie de Saint-Luc et garde des tableaux de Versailles. Le fils de ce peintre, plus heureux que les chasseurs qui courent deux lièvres à la fois, entra d'abord à l'Académie des sciences, puis à l'Académie Française ; mais il devint maire de Paris, au commencement de la Révolution, et il lui en coûta la vie. Enfin le grand bureau des Pauvres percevait, du même côté, entre les rues des Singes et Vieille-du-Temple, les loyers de sept maisons qui n'en avaient fait qu'une avant l'acquisition, remontant à 1666.

Le tour de la rue étant fait, il ne faudrait pas en conclure que soir histoire finit là. Nous le recommencerions entièrement dans l'autre sens qu'il resterait encore derrière nous de quoi revenir à la charge. Néanmoins n'a-t-elle pas déjà une, autre physionomie pour nous, cette vieille rue, que quand nous en étions encore à ne la connaître que de vue ? L'air de bonne maison du 23 ne nous avait pas échappé, et l'escalier en pierre du n°25, avec sa cage carrée, ne dénonçait pas moins l'ancien hôtel. Quelle jolie balustrade en vieux fer sert encore de canne à qui monte les degrés du 26 ! Le 33, quoique rabougri, avait encore des plafonds tout dorés à l'avènement de Louis-Philippe ; son escalier a petits piliers de bois a certainement connu la Ligue ; un petit jardin le console de la décadence du quartier qui, aujourd'hui, sert de rendez-vous de chasse à une meute de molosses en arrêt dans de sales boutiques, et dont les reconnais-sances du Mont-de-Piété sont la curée. Mais il ne suffit pas d'être alléché, il faut encore des actes notariés ou des censiers à se mettre sous la dent, et avoir l'estomac solide pour digérer pareil menu !

L'indication numérale des maisons a dû changer depuis le temps où le délateur Turcatti demeurait n° 7 ; c'était en 1789. Turcatti, Morel et Marquié dénoncèrent alors en secret Thomas Mabi ; marquis de Favras, ancien lieutenant des suisses de la garde de Monsieur et gendre du prince d'Ahhalt-Schauenbourg ; lequel tut arrêté la nuit, en même temps que la marquise, par ordre du comité des recherches de l'Assemblée nationale. Les deux époux séparés, mis au secret, parvinrent néanmoins a s'entendre, grâce à l'intervention du fermier général Augeard, détenu à l'Abbaye, qui réussit à faire tenir à la marquise des billets de son mari. Familier de l'Oeil-de-Bœuf, Favras se trouvait accusé d'avoir ourdi une conspiration avec la cour centre la Nation, en voulant réunir 12,000 Suisses et 122,000 Allemands à Montargis, pour enlever et défendre le roi. L'avocat Thilorier plaidait pour le marquis, qui, lui-même, s'exprimait avec clarté, fermeté, élégance, et protestait de son innocence : il avait servi en Hollande, et son but unique, disait-il avait été de favoriser, par des intelligences cachées, la révolution qui se préparait dans le Brabant. Le comte de Provence s'était défendu hautement de participation au complot soupçonné. Pendant l'instruction du procès, l'effervescence du peuple était si vive qu'on avait mis dans les cours du Châtelet des troupes et de l'artillerie, prêtes à tout événement, mais, qui n'étouffaient pas les cris sinistres et prophétiques incessamment poussés à l'extérieur : A la lanterne ! à la lanterne !

La marquise, femme très énergique, fut rendue à la liberté par un arrêt qui condamnait Favras, à faire amende honorable devant la cathédrale et à être pendu en Grève, comme un vilain. Le 19 février 1790 fut le dernier jour du condamné, qui déclara de nouveau en public qu'il allait mourir innocent, et il s'était armé d'un tel courage que jamais son visage n'avait paru plus calme. Il prit l'a plume que tenait le greffier, pour corriger plusieurs fautes d'orthographe dans le suprême procès-verbal, et bientôt le peuple de s'écrier : – C'en est fait du dernier marquis !

Turcatti, peu d'années après, avait passé une nuit avec des filles ; la police pénétra le matin dans sa chambre et le trouva pendu aux rideaux de son lit. Cette fin ne sert-elle pas de moralité à l'épisode du procès de Favras ?

M. le baron de Noirmont possède dans le 35 une maison qui compte une longue série de propriétaire de même que la suivante, pourvue d'une belle cour carrée et d'un jardin, et de laquelle dispose. M. Valton, dont la mère y est née. La serrurerie d'escalier, au 38, sent également son vieux temps. Le 39, en l'année 1634, était au sieur Défault, qui avait pour voisin messire Huguet, un secrétaire du roi ; Jean de Saussoy l'achetait en 1683, puis, il passa entre les mains de la fille du comte de Brieux, femme de messire de la Rochefoucauld, comte de Roye, mestre-de-camp ; Salles, ancien procureur au Châtelet, en fit l'acquisition l'année 1810, et il appartient présentement à M. Cornu, naguère maire de Romainville. Le n° 40, son jardin et sa grande cour étaient une résidence de qualité, avant que l'industrie en occupât les logements, divisés ; il a gardé une aile du temps de la Fronde. Enfin le 47, encore qu'il ait des proportions modestes, tient bon depuis la même époque.

Si, à la fin du règne de Louis XIV, la rue des Blancs-Manteaux avait servi de nantissement à quelque prêt d'argent, par impossible, voici ce qu'eût porté la reconnaissance : Une fontaine, plus vingt une lanternes, plus encore cinquante-huit maisons.

Le Marquis d'O :
Q
uant au marché du même nom, il n'a été inauguré que le 24 août 1819 ; il émane pourtant d'un décret impérial signé à Trianon dès le 21 mars 1813. La, rue dite du Marché-des-Blancs-Manteaux s'ouvrit deux ans plus tôt que la vente des légumes et du poisson. En l'an III, le 18 ventôse, on avait supprimé au profit de l'administration centrale des Hospices l'hospice de Saint-Gervais ; il avait été fondé, sous Louis-le-Jeune, devant la rue étroite de la Petite-Parcheminerie, par un maçon nommé Garin, et par Hacher, son gendre, et la communauté des hospitalières de Saint-Gervais l'avait longtemps administré. Ces sœurs avaient acheté, le 7 juillet 1655, l'hôtel d'O, dont les dépendances ont disparu mais dont l'édifice reste rue du Marché-des-Blancs-Manteaux, n° 2, et rue des Francs-Bourgeois n° 21. François, seigneur de Fresnés, marquis d'O, était surintendant des finances sous Henri III. Il détestait les protestants, mais le peuple le lui rendait bien. Aux femmes et au jeu il distribuait si vite le produit de ses concussions, qu'à sa mort, le 24 octobre 1594, il ne laissa pas de quoi payer ses dettes, et encore moins provision pour les legs stipulés dans son testament ; il est vrai que ses parents, ses créanciers et ses domestiques, l'avaient si bien volé, pendant sa dernière maladie, que la chambre mortuaire était totalement dépourvue de courtines et d'escabeaux. Toutefois le marquis d'O, inhumé dans l'église des Blancs-Manteaux, rencontra un ami posthume dans Dujon, son médecin, qui lui fit un panégyrique et le livra à l'impression.


 

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