Autrefois café de la Garde nationale, parce qu'un poste de cette troupe aussi remarquable par son indiscipline que par son inintelligence était installé à la mairie de l'ancien dixième arrondissement et que soldats et officiers passaient leur temps au café. La mairie a été démolie et sur son emplacement on a prolongé la rue des Saint-Pères jusqu'à la rue de Sèvres. La garde nationale elle-même est passée à l'état de souvenir et le dixième arrondissement est devenu le septième.

Le public est donc changé. Dans la journée, à certaines heures, ce sont les écrivains fréquentant les grandes librairies Charpentier et Victor Palmé qui s'y rencontrent. C'est Charles Buet, l'heureux auteur du Prêtre, pièce représentée avec succès à la Porte-Saint-Martin ; Jules Gaullet, intéressé dans la maison Charpentier ; Léon Hennique, Paul Arène, Georges Nardin, le dessinateur Bigot et son chien ; Collet, le collègue de Gaullet ; Lamulle qui expédie dans toutes les parties du monde les publications de la Librairie catholique. De temps en temps des ecclésiastiques entrent pour prendre un bock.

Si on veut être fixé sur le mouvement de la mortalité, il n'y a qu'à regarder un des employés de l'entreprise des pompes funèbres de Borniol, un habitué du café. S'il est très gai, folâtre même, les affaires vont bien, la mortalité atteint son maximum, s'il est sombre, les Parisiens refusent de mourir, donc les bénéfices diminuent.

Quelques habitués ont surnommé le café Banier, l'Institution. Le patron montre à ses clients un petit jeu qui consiste à enlever avec la main trois sous placés sur une table, sans que la main touche le marbre. Il a eu des élèves peu délicats qui ont gardé pour eux les quinze centimes.