Cafes, hotels, restaurants de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des cafés, hôtels et restaurants de Paris : comment ils ont évolué, par qui ils ont été fréquentés. Pour mieux connaître le passé des cafés, hôtels et restaurants dont un grand nombre existe encore.
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LE CAFÉ D'ORSAY
(D'après Les cafés artistiques et littéraires de Paris, paru en 1882)

Cet établissement situé à l'extrémité de la rue Mazarine, près du carrefour Buci, entre les cafés Procope et de Buci, est fort éloigné du quai dont il porte le nom et n'a rien de commun avec le café d'Orsay situé au coin de la rue du Bac, en face du Pont-Royal.

Un des propriétaires du café de la rue Mazarine, cherchant un nom peu vulgaire pour lui servir d'enseigne, finit après s'être creusé longtemps la tête par trouver. Cet Archimède de la limonade poussa son Euréka en voyant passer devant sa porte les voitures faisant le service de Paris à Limours et Orsay. A Paris et Limours l'ingénieux chercheur préféra Orsay, et quelques jours plus tard les cinq lettres de ce nom étaient peintes au-dessus de la porte.

Le café d'Orsay n'est guère fréquenté que par des habitués dont plusieurs appartiennent à l'art, à la littérature ou à la science.

M. L. Derôme, rédacteur au Moniteur Universel et à la Revue de France, conservateur de la bibliothèque que M. Cousin a léguée à la Sorbonne ; M. Onésime Reclus, frère de M. Élysée Reclus et comme lui savant géographe ; M. Gaston Lemay, à qui ses voyages ont fait une grande notoriété ; M. Cicéri, fils du célèbre peintre décorateur, peintre également. M. Cicéri habite Mariotte une partie de l'année. M. le docteur Brémond, rédacteur de la Revue médicale ; M. Doyen, peintre de talent ; M. Naudin, ancien chef du cabinet du préfet de police. Dans cette situation délicate, M. Naudin a su se créer des sympathies nombreuses.

M. Huart professeur de dessin à l'École des sourds-muets ; M. Gambini, qui va interpréter en province les drames de Schakaspeare, avec le plus grand succès. M. Cibalier, M. Alfred Gabriey ; M. Goldsmith, un des plus infatigables reporters du journalisme parisien ; M. Damas, fils du général Damas, ancien commandant militaire du Luxembourg ; M. Alfonsi, qui a écrit au Pouvoir ; M. Léo de Marck, un romancier ; M. Marcel Coussot, homme de lettres et employé à la poste ; M. Baric, le spirituel dessinateur du Journal amusant.

Nous consacrerons quelques lignes à deux amis fort connus dans le quartier. L'un, M. Adolphe Huart, s'est occupé du tout petit journalisme sans savoir écrire ; il a fondé des sociétés de bienfaisance dont il s'est nommé modestement le président ou le secrétaire général perpétuel. Cette vie de dévouement lui a rapporté des décorations nombreuses et peu connues : le Nicham, l'Etoile de Gérolstein, le Pou qui se mouche, et beaucoup d'autres. M. Huart est directeur propriétaire d'une feuille intitulée le Sauveteur, il a exercé les hautes fonctions de consul de Libéria à Paris. Pour s'aider, il a créé un chancelier, un vice-chancelier – peut-être deux – un secrétaire du consulat. Naturellement ces fonctions sont gratuites, non obligatoires et ne mettent guère en relief ceux qui en sont revêtus.

Durant plus de quinze jours, l'habit brodé, le chapeau galonné, le pantalon à bande d'argent ou d'or, l'épée du représentant de quelques habitants de la côte de Guinée, ornèrent l'étalage du tailleur Mottot, au coin du carrefour Buci. Les populations du quartier se rendaient comme en pèlerinage voir le fameux costume. Comme peu de personnes connaissent l'existence de la république de Libéria, on supposa que le directeur du Sauveteur allait exercer la profession de marchand de cuir à repasser les rasoirs et voulait faire concurrence à l'homme sauvage qui exhibe ses mollets, sa cuirasse de cuivre, sa couronne de plumes dans les carrefours de Paris.

M. Huart a fondé l'Institut protecteur de l'enfance. Sur ses en-têtes de lettres il y avait au-dessous du titre : Haute protectrice, S. M. la reine Isabelle de Bourbon ; Haut protecteur, S. M. le roi Alphonse XII. Les noms de ces augustes personnages ont disparu, mais l'Institut a un Grand-Président et une foule de dignitaires de tous rangs ; Baric, du Journal amusant, est même vice-trésorier.

Le consul de Libéria est docteur en théologie. Il ne sait pas un mot de latin et ignore les premiers éléments de la langue française ; son doctorat lui a été décerné par une Faculté transatlantique, et sa thèse, qui est un petit recueil de banalités, a dû être rédigée par un écrivain public dans les prix de vingt à vingt-cinq sous.

L'ami de M. Huart, M. Turpin de Sansay, a publié seul ou en collaboration quelques romans. Sa principale occupation est de dénigrer les gens de lettres et d'affecter de le prendre de haut avec ceux qui l'entourent. A ce jeu il s'est attiré pas mal de réflexions peu agréables. Un de ses collaborateurs, Léo de Marck a même publié sur lui les vers suivants :

FANTOCHE LITTÉRAIRE TRIOLET

Le vidé Turpin de Sansay
Veut professer le romantisme !
Il est d'un toupet insensé,
Le ridé Turpin de Sansay !
Que peut-il montrer ?
Il ne sait Orthographe ni catéchisme ! ! !
Le vide Turpin de Sansay
Veut professer le romantisme !!!

Ces vers furent écrits à propos d'une réclame que M. Turpin avait fait insérer dans les journaux. Dans ce boniment il invitait ceux qui voulaient écrire des romans à prendre de lui des leçons. Il y eut un imbécile qui répondit à cet appel.

 


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