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HISTOIRE
DE PARIS
(D'après Paris
à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens
depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours,
paru en 1879)
Louis X. — Le collège de Montaigu. — Enguerrand de Marigny. — Philippe le Long. — Procession pour la translation des reliques de saint Magloire. — Les écoliers pécheurs. — Le prévôt de Paris, Henri Tapperel pendu. — Les pastoureaux. — Les empoisonneurs. — Charles IV. — Gérard de la Guette. — L'assassin Jourdain de l'Isle. — Les fêtes légendaires. Louis le Hutin avait commencé son règne en faisant pendre Enguerrand de Marigny, Charles IV dit le Bel agit de même à l'égard de son surintendant des finances, Gérard de la Guette, gentilhomme de la Saintonge qui fut accusé d'avoir dilapidé les fonds de l'État ; toutefois on ne put le pendre qu'après sa mort. On commença par l'enfermer dans la tour du Louvre où on « le resserra dans une étroite prison où il fut interrogé sur ce qu'étaient devenues les rentes de Bayonne ». Qu'il le sût ou qu'il l'ignorât, il ne put ou ne voulut répondre ; alors, on le mit à la question, et les tortures cruelles qu'on lui fit subir le tuèrent et le peuple traîna son cadavre par les rues et alla le pendre au gibet de Montfaucon. Après sa mort, on s'aperçut qu'il était innocent, mais ses biens avaient été confisqués et le but qu'on avait poursuivi se trouvait atteint. Après avoir sévi à tort contre Gérard de la Guette, Charles IV s'en prit aux prêteurs lombards qui étaient venus s'établir à la fin du XIIe siècle, dans la rue de la Pourpointerie à laquelle ils donnèrent leur nom ; il s'empara de leurs biens et les chassa hors de France. Une autre exécution, mais celle-ci méritée, suivit de près. Un des principaux
Charles IV instruit de ces faits, l'avait averti et menacé d'une punition exemplaire, mais Jourdain de l'Isle avait épousé une nièce du pape Jean XXII, et à cette considération, il croyait pouvoir compter sur l'impunité, et de nouveaux forfaits s'ajoutèrent à ceux qu'il avait déjà commis. Le roi, lassé de tant de crimes, se décida à le faire poursuivre et lui envoya un sergent avec l'écu royal au cou. Jourdain se contenta de tuer le sergent et continua sa vie ordinaire. Mais alors le parlement s'en mêla et l'assigna à comparaître à Paris, pour y rendre compte de sa conduite, et avoir à se disculper des crimes qui lui étaient imputés. Il essaya de payer d'audace, et grâce à la terreur qu'il produisait dans sa province, il parvint par intimidation, à, obliger plusieurs gentilshommes de Gascogne à l'accompagner, et il arriva à Paris avec une suite imposante. Mais cela n'empêcha pas le prévôt de faire son devoir, il le fit arrêter et incarcérer au Châtelet, puis, sur la poursuite du marquis de Goth et du seigneur d'Albret qui témoignèrent de ses crimes, il fut condamné par sentence du 7 mai 1323, à être attaché à la queue d'un cheval et traîné en cet état jusqu'à Montfaucon pour y être pendu au gibet, ce qui fut fait le 22, au milieu d'un concours énorme de spectateurs. Le lendemain, le curé de Saint-Merri écrivit au pape pour lui faire part de l'événement et termina ainsi sa lettre : « A peine votre neveu était-il pendu, qu'avec un grand luminaire, nous allâmes le prendre à la potence et nous le fîmes porter dans notre église, et nous l'avons enterré honorablement et gratis, saint père, nous continuant de vous demander très humblement votre sainte et paternelle bénédiction. » Grand hiver rude à Paris en 1325 ; encore une fois le grand et le petit pont furent emportés par l'amoncellement des glaces, et on se remit comme devant à les rebâtir. Les marchands de poisson se plaignirent au prévôt d'une coutume qui s'était introduite aux halles, et qu'on appelait le droit d'hallebick ; une fois le prix du poisson fixé, les étaliers le réduisaient encore de huit ou dix sous le panier. Les marchands lésés menacèrent, si on ne supprimait cet usage de priver Paris de poisson ; le roi s'émut du fait et abolit le droit, en exigeant que les marchands de poissons apportassent la marchandise à la halle, et que tous les habitants de Paris pussent aller « visiter dessus et dessous le poisson » et l'achetassent sans passer par l'intermédiaire de l'étalier ; les marchands satisfaits prièrent alors le roi de doubler à son profit l'impôt qu'il percevait, ce qu'il accepta très volontiers. L'évêque de Paris, Étienne Boret, mourut le 24 novembre de cette année 1325 ; Hugues de Besançon lui succéda, et, sous son épiscopat, de nombreux collèges furent fondés à Paris. On sait que l'hostie percée de coups de canif et bouillie par le juif Jonathas avait été déposée dans l'église Saint-Jean-en-Grève, ce qui y attirait un nombre considérable de fidèles ; devenue trop étroite pour recevoir tant de visiteurs, on dut la rebâtir complètement sur un plan nouveau en 1326, et pour cela, on démolit plusieurs maisons voisines ; son architecture était remarquable, et on estimait particulièrement la tribune de l'orgue. cette église, qui était entourée d'une enceinte qu'on nommait le cloître Saint-Jean, fut restaurée en 1724 et, sur une partie de son cimetière, qui devint plus tard la place du marché Saint-Jean, on construisit, en 1734, la chapelle dite de la Communion (par François Blondel). L'église Saint-Jean-en-Grève fut vendue par le domaine national le 17 nivôse an VIII, et démolie peu de temps après. Plusieurs personnages de distinction y avaient été inhumés : Claude de Lorraine, dit le chevalier d'Aumale, le géographe Michel Baudran, le peintre Simon Vouet, J. Pierre Camus, évêque du Belley. La chapelle de la Communion, transformée en salle d'assemblée et de concert, fut démolie en 1837, pour faire place aux nouveaux bâtiments de l'Hôtel de Ville. Un autre hôpital fut fondé en 1327 ; voici à quelle occasion : Etienne Haudri, valet de chambre du roi, ayant suivi saint Louis en terre sainte, n'était pas revenu en France et s'en était allé faire le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, sans donner de ses nouvelles à Jeanne la Dalonne, sa femme, qui, le croyant mort, s'enferma dans une maison qui lui appartenait, au coin de la rue de la Mortellerie (aujourd'hui rue de l'Hôtel-de-Ville, cette rue tirait son nom de Richard le Mortelier, bourgeois de Paris, c'est-à-dire le maçon ; en vieux langage le mortelier désignait celui qui fait le mortier ; dès le XIIe siècle, la rue de la Mortellerie était spécialement habitée par les ouvriers maçons. Une décision ministérielle du 16 février 1835 lui donna sa nouvelle dénomination), et y vécut en compagnie de plusieurs autres femmes, veuves ou filles. Lorsque Haudri revint, il fut tout surpris de voir sa maison transformée en hôpital et sa femme ayant fait voeu de chasteté ; elle fut dans la nécessité de s'adresser au pape, qui consentit à la relever de son voeu, à la condition que Haudri reprendrait sa femme, mais abandonnerait la maison aux douze femmes qui l'habitaient ; ce qui fut fait, et les recluses furent nommées Haudriettes. Jean Haudri, fils de la fondatrice de cette maison, fonda deux chapellenies dans la chapelle que ses père et mère avaient fait construire avant leur mort et dans laquelle ils furent inhumés. L'hôpital des Haudriettes prospéra et ne cessa d'être administré par des femmes qui prenaient le titre d'hospitalières. Toutefois, au commencement du XVIIe siècle, l'hôpital était devenu une simple communauté religieuse et les soeurs qui l'habitaient furent transférées dans le couvent de l'Assomption. La rue qui, mettant le quai en communication avec la rue de la Mortellerie, passait devant l'hôpital, s'appela la rue des Haudriettes. Rue, bâtiments et chapelle furent démolis, lors de la construction de l'Hôtel de Ville en 1837. Le roi Charles IV mourut au château de Vincennes le 1er janvier 1328, laissant Jeanne d'Évreux, sa troisième femme, enceinte. — Si la reine accouche d'un fils, avait-il dit quelques jours avant sa mort aux seigneurs qui l'entouraient, je ne doute pas que vous le reconnaissiez pour roi ; si elle n'a qu'une fille, ce sera aux grands de la France à adjuger la couronne à qui il appartiendra. En attendant, je déclare Philippe de Valois régent du royaume. Jeanne mit au monde une fille. Avec Charles IV s'éteignit sur le trône la branche dite des Capets, et la seconde, dite, première des Valois, allait lui succéder. Cinq règnes de trahisons, d'assassinats, de guerres sanglantes, de défaites honteuses, allaient de nouveau plonger la France dans une ère désastreuse. Paris fut grandement agité pendant ces jours de deuil et de douleurs. C'est certainement la partie la plus sombre et la plus désolée de son histoire que nous allons raconter. Mais auparavant, faisons connaître quelques coutumes et usages qui existaient alors dans Paris. Au moyen âge les fêtes étaient nombreuses, et les jours de chômage qu'elles entraînaient, contribuaient largement à entretenir la misère des artisans, obligés trop souvent à se croiser les bras en leur triste logis ou à se promener le ventre creux par les rues, parce que l'autorité religieuse avait trouvé bon de décréter que tel ou tel jour serait consacré à fêter ceci ou cela. Chaque corps de métier avait un saint patron qu'il fêtait ; messe, festin, procession dans la ville, c'était de rigueur ; mais que d'autres jours fériés dans l'année ! sans compter ceux compris par la célébration des grandes fêtes telles que Pâques, Noël, etc. Nous avons déjà parlé de la fête des Fous et de ses saturnales. Celle qui venait ensuite était la fête des Rois, et ce jour-là, les fromagers du marché aux poirées devaient donner au voyer de Paris un fromage, les pâtissiers un gâteau à la fève, les herbiers, chacun deux gerbes d'herbe. Tous les artisans pauvres ou riches qui étaient dans les rues et places de Paris à l'époque de cette fête (6 janvier), devaient quelque chose à cet officier, jusqu'aux duellistes, qui lui devaient de l'argent pour la place où le roi et le parlement leur permettaient de se battre. Les merciers devaient deux aiguilles, les chaussetiers une paire de chausses, etc. Le mardi gras était un jour de réjouissance publique, et le boeuf viellé (ainsi nommé parce qu'il marchait au son des vielles), était conduit en grande pompe chez le roi et les premiers magistrats du parlement, couvert de housses, de tapisseries et de feuillage ; sur son dos un enfant nu, avec un ruban bleu en écharpe, un sceptre doré d'une main et une épée de l'autre, s'appelait le roi des bouchers. En 1739, le premier président au parlement ayant manqué à tous ses devoirs en n'attendant pas dans son hôtel la visite du boeuf viellé, on conduisit celui-ci dans la grand'salle du palais par les escaliers de la Sainte-Chapelle, et il fut présenté
Le 7 février 1595, le mardi gras, il y eut mascarades et folies par les rues de Paris, et le soir furent publiées les défenses de manger chair en carême sans dispense, sous peines corporelles et aux bouchers d'en vendre ni étaler sous peine de vie. La promenade du boeuf viellé ou boeuf gras, fut supprimée en 1790 et rétablie par ordonnance impériale du 23 février 1805 ; il fut permis aux bouchers de promener le boeuf par la ville pendant trois jours, avec cette différence que le roi des bouchers devint l'amour. En 1821, un jury fut organisé pour désigner l'animal choisi ; ce jury a fonctionné jusqu'en 1848, époque à laquelle la promenade du boeuf fut suspendue et supprimée par ordonnance ministérielle de 1849. En 1850 elle reparût, organisée par le directeur de l'Hippodrome, puis de nouveau l'administration de la police municipale en prit l'initiative et donna 2000 fr annuellement à cet effet aux bouchers, mais depuis quelques années le cortège du boeuf gras a définitivement cessé. Au XIVe siècle, rapporte l'auteur des Fêtes légendaires, le tournoi des aveugles était une fête populaire qui attirait beaucoup de monde. Quatre aveugles armés de toutes pièces et d'un bâton en guise de lance, étaient promenés le jour de carême prenant par tous les carrefours de Paris, avec des hommes d'armes qui marchaient devant eux. L'un jouait du hautbois et portait une bannière sur laquelle était représenté un pourceau. Ainsi équipés, on les mettait dans la cour de l'hôtel d'Armagnac, situé rue Saint-Honoré ; là, en présence de la cour et du peuple, ils se battaient en champ clos, mais au lieu d'attaquer le pourceau qui devait appartenir au vainqueur, ils se frappaient entre eux à coups de bâton et rien n'égalait la joie du populaire, que de voir ces malheureux aveugles taper dans le vide ou recevoir de tels coups, que sans les casques, cuirasses ou brassards dont ils étaient revêtus, ils se seraient mutuellement assommés. Plus tard, ce fut dans la cour de l'hôtel des Quinze-Vingts qu'eut lieu ce tournoi. Charles IX et Henri III ne manquèrent jamais d'y assister, au milieu d'un grand concours de peuple. C'étaient les religieux de l'abbaye de Saint Antoine qui fournissaient le cochon destiné à être mangé par les aveugles les plus adroits. Le jour des Rameaux était célébré au moyen âge, à Paris, par la procession de Sainte-Geneviève. Ce jour-là, dès le matin, au milieu d'une foule en habits de fête, les processions collégiales, sujettes à l'évêque de Paris, s'en allaient à Sainte Geneviève du Mont sans chanter en chemin ni à l'entrée de l’église, que l’évêque bénissait rameaux qu'elles apportaient en disant des oraisons ; elles descendaient ensuite par la rue Saint-Jacques jusqu'à la porte du petit Châtelet, auprès duquel les maisons étaient encourtinées, tapissées de lierre et de rameaux, et des bancs placés de chaque côté permettaient aux chanoines de s'asseoir ; ensuite on chantait un répons, l'évêque vêtu de ses habits sacerdotaux venait chanter attollite portas à la porte de la prison ; un sergent lui ouvrait et il délivrait un prisonnier qui sortait en le suivant et portant sa queue jusqu'à Notre-Dame. De nos jours, le dimanche des Rameaux, les églises de Paris sont assiégées d'hommes, de femmes et d'enfants qui viennent attendre les fidèles aux portes avec de longues branches de buis béni. Dès le matin, tous les vendeurs ont été se ranger aux halles aux abords de l'église Saint-Eustache ; vers cinq heures le curé sort en surplis a la tête de son clergé et bénit solennellement les tas de buis rangés devant l'édifice. Les marchands se répandent alors de tous côtés et cherchent à placer leurs rameaux. Revenons au moyen âge : Chaque jour de la semaine sainte on représentait dans les églises des drames liturgiques et des complaintes chantées par des chanoines déguisés en femmes, et le peuple se gardait bien de manquer un seul de ces spectacles qui l'impressionnaient vivement. A partir du jeudi saint jusqu'à Pâques, les enfants parcouraient les rues de Paris avec des crécelles pour annoncer l'heure des offices. Pendant la nuit du vendredi au samedi saint, tous les Parisiens qui se croyaient possédés du diable, allaient à la Sainte-Chapelle afin d'être délivrés de l'obsession, ce qui avait lieu lorsque le grand chantre apparaissait armé du bois de la vraie croix. Le lendemain, ils devaient en outre se faire asperger d'eau bénite par l'officiant ; cet usage dura jusqu'à Louis XV. Pendant les derniers jours de la semaine sainte se tenait aussi sur le parvis Notre-Dame la foire aux jambons, et il était d'usage d'en offrir au clergé de la vieille basilique, qui les suspendait dans la sacristie. Mais le prévôt de Paris eut préféré que ce fut lui qui bénéficiât de cet usage, et un beau jour les sergents occupèrent le parvis et enjoignirent aux marchands de se transporter au quai des Augustins ; plus tard la foire se tint faubourg Saint-Martin, en 1813 elle émigra au boulevard Bourdon, et de nos jours, elle occupe une partie du boulevard Richard-Lenoir, depuis la rue Daval jusqu'à la rue Saint-Sébastien. Au centre de la foire, vis-à-vis la
rue du Chemin-Vert, se trouve un pavillon qui con tient le poste des sergents
de ville et le bureau de l'officier de paix chargé de veiller à
l'exécution des règlements et au maintien de l'ordre. Le saint jour de Pâques était au moyen âge célébré par des pierres qu'on jetait aux juifs lorsqu'ils avaient la malencontreuse idée de sortir de chez eux ce jour-là ; souvent même leurs débiteurs lançaient des projectiles contre les portes et les fenêtres de leurs maisons, quand il ne leur prenait pas fantaisie de les démolir, sous un prétexte toujours facile à trouver. L'archidiacre de Notre-Dame brisait aussi le jour de Pâques un anneau de la chaîne d'un prisonnier qui ensuite était mis en liberté. Les oeufs, teints en rouge, parce qu'ils étaient censé revenir de Rome, avec les cloches, étaient échangés entre tout le monde. Pâques était la grande fête de l'année et pas un Parisien ne se fût dispensé de se rendre à l'église. En avril, mai et juin, se faisait la baillée des roses ; les grands de la cour étaient tenus de donner des roses au parlement de Paris et de faire joncher de fleurs toutes les chambres du parlement, ce qui attirait nombre de gens pour les admirer et en respirer le parfum ; des bouquets de roses étaient distribués aux conseillers, greffiers, huissiers, etc. Il y avait un fournisseur spécial de roses qui avait le titre de rosier de la cour. Le 1er mai, on allait voir planter le mai dans la cour du palais ; c'était les orfèvres qui en offraient un à l'église Notre-Dame ; au Palais, c'étaient les clercs des procureurs du parlement qui le plantaient en grande cérémonie, et ils organisaient à cette occasion une cavalcade et une fête qui durait trois jours. Au XIIIe siècle, dans les fêtes d'hiver, comme l'usage des bancs n'était pas encore venu, on couvrait les dalles des églises de paille et de foin, afin que les assistants pussent s'agenouiller, et, dans les fêtes d'été, on jonchait l'enceinte sacrée de fleurs et de feuillage ; à la Pentecôte, il y avait des fleurs partout, et dans les églises de Notre-Dame et de Saint-Jacques, lorsqu'on chantait l'hymne du Veni-Creator, une blanche colombe descendait des voûtes sacrées, et au même moment, par des orifices réservés, on lâchait des oiseaux, des fleurs, des étouppes enflammées et des oublies. Cet ancien et curieux usage de donner la liberté aux oiseaux se pratiquait aussi à l'entrée des rois de France dans leur bonne ville de Paris. Un édit obligeait les oiseleurs de donner ce jour-là la clé des champs à des milliers d'oiseaux. C'était à ce prix qu'ils étaient
autorisés à occuper une place les dimanches et jours de
fête sur le Pont-au-Change, afin d'y exercer leur commerce. A la Saint-Jean, on allumait en grande cérémonie, sur la place de Grève, un feu qui s'appelait le feu de la Saint-Jean. On y entassait une grande quantité de bois, et le roi, seul, avait le privilège de l'allumer. Nous en reparlerons lorsque nous serons arrivés au règne de Louis XI. La Toussaint se célébrait avec une piété et une superstitieuse terreur, que développaient encore les cérémonies pittoresques du clergé. A chaque coin de rue, dans des niches grillagées, on rencontrait des statues, de Notre-Dame de Recouvrante, de Pitié, de Secours, etc, des Ecce homo, et des petites chapelles devant lesquelles on se découvrait pieusement ; des processions lentes et solennelles de moines et de pénitents parcouraient la ville en psalmodiant, et plus tard on vit la danse macabre dansée dans les cimetières et sur les places publiques, les représentations du Jugement dernier, par les confrères de la Passion et les troupes de mendiants déguenillés, traînant leurs infirmités à la porte des églises ; tout cela était bien fait pour rappeler le souvenir des morts et disposer l'esprit à la tristesse. La nuit de cette journée de deuil, le clocheteur des trépassés faisait sa ronde en chantant sur un air lugubre : — Priez Dieu pour les trépassés ! Priez ! Mais c'était surtout Noël qui était fêté ; les réveillons datent du moyen âge, et si Noël tombait un vendredi, le Pape autorisait l'usage de la viande ; aussi s'en donnait-on à cœur joie ce jour-là ! Puis on bénissait la bûche de Noël en jetant du vin dessus, en disant : Au nom du Père. Au XIIIe siècle on donnait à ses amis, pour les fêtes de Noël, des gâteaux appelés nieules et un poulet rôti qu'on mangeait en famille, et après le repas on chantait des Noëls ; ce mot exprimait si bien l'allégresse, qu'aux entrées des rois et dans toutes les cérémonies et réjouissances publiques, le peuple ne se lassait de crier : Noël ! Noël ! Nous n'avons parlé que des grandes fêtes consacrées, mais si on ajoutait à celles-ci les fêtes patronales, les fêtes de métier, les anniversaires, que les Parisiens aimaient à célébrer, on peut hardiment avancer qu'un tiers des jours de l'année se trouvait fêtés pour une cause ou pour une autre. Chaque confrérie, par exemple, était tenue à son tour de rendre le pain bénit ; c'était un usage consacré, et aucune d'elles ne se fût exposée à y manquer. Les porteurs s'affublaient de masques, de costumes bizarres, prenaient sur leurs épaules les pains, décorés de petits drapeaux de toutes couleurs : avec écus armoriés, devises et banderoles flottantes, et les promenaient
Mais nous n'en finirions pas si nous voulions énumérer seulement les nombreux prétextes que l'Église fournissait aux Parisiens pour se divertir ou se reposer ; ils étaient trop pieux pour les laisser échapper ; et, naturellement, ils profitaient de l'occasion pour faire toilette ces jours de fête : à ce propos, disons que les croisades avaient multiplié les étoffes nouvelles ; aussi, dans les chroniques du temps, voit-on l'emploi de nombreux tissus nouveaux. En première ligne, il faut citer le cendal (taffetas), le samat (autre variété de taffetas dont était fait le drapeau), le pers, drap bleu foncé, le camelin, étoffe de laine rapportée d'Orient, le barracan (variété de camelin), l'isambrun, étoffe de drap fin teinte en brun, le moléquin, étoffe de lin servant à confectionner les chemises, la brunette, drap vert, et le galebrun, autre drap teint en brun. Les pierres précieuses, les riches pelleteries et les joyaux d'or et d'argent étaient devenus d'un usage universel chez les nobles et les bourgeois.
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