Histoire de Paris
Cette rubrique vous livre l'histoire de Paris et de ses arrondissements. Origine, évolution, de la capitale de la France. Pour mieux comprendre la physionomie du Paris d'aujourd'hui, plongez-vous dans les secrets de son passée.
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HISTOIRE DE PARIS
(D'après Paris à travers les âges, histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, paru en 1879)

Jean II dit le Bon. — L'ordre de l'Étoile. — Ordonnance contre les mendiants. — Les Célestins. — L'église des Carmes. — Nouveaux collèges. — Les petites écoles, — La disette de 1350. — La guerre avec les Anglais. — La maison aux Piliers. — L'Hôtel Behaigne. — Les trente-six. — Le duc d'Anjou. — Soulèvement contre la nouvelle monnaie. — Étienne Marcel. — Trêve avec l'Angleterre. — 1356 : nouvelle enceinte. — Charles le Mauvais. — La bougie de Notre-Dame. — Les chaperons rouges et bleus. — L'émeute sanglante d'Étienne Marcel. — Le roi de Navarre gouverneur de Paris. — La guerre civile. — Mort de Marcel.— Représailles contre les partisans du prévôt. — Conflits, guerre contre les anglais, famine. — La paix de Brétigny, retour du roi. — Duel des ducs de Lancastre et de Brunswick. — L'hôpital du Saint-Esprit, la confrérie aux Goulus. — 1361 : maladie dite le fil. — Le guet de Paris.

L'abbé de Saint-Denis rendit sa sentence à l'occasion des désordres qui s'étaient produits au convoi du feu roi ; il ordonna que les chanoines accusés d'avoir frappé le recteur et ses suppôts, feraient serment sur les saints Évangiles qu'ils ne s'étaient point portés à cette violence. Ils jurèrent et furent absous. En revenant de la cérémonie de son sacre, le nouveau roi se rendit selon la coutume à Notre-Dame, mais avant que d'y entrer, il fit entre les mains de l'archevêque de Sens, qui tenait la place de l'évêque absent, le serment de conserver les privilèges de l'Église de Paris.

Quelques jours plus tard, il fit arrêter dans l'hôtel de Nesle, Raoul comte d'Eu, connétable de France, qu'il accusa de haute trahison. Raoul, comte d'Eu et de Guines, connétable de France, avait été fait prisonnier par les Anglais ; à son retour de Londres, il se présenta devant le roi, qui le fit arrêter, et le troisième jour on lui trancha la tête dans l'hôtel qui lui servait de prison, en présence de plusieurs seigneurs, dont le duc de Bourbon, le comte d'Armagnac, le comte de Montfort, mais sans que son procès eût été rendu public. Le connétable était accusé de s'être laissé gagner par Édouard, comme Robert d'Artois et Geoffroi d'Harcourt sous le règne précédent : l'exemple de ces deux coupables, qui s'étaient échappés et qui ensuite causèrent tant de mal à la France, décida le roi à brusquer la mort du connétable. Il confisqua ses biens, donna son comté à son cousin Jean d'Artois et garda le reste.

Puis, il fonda un ordre de chevalerie à l'imitation de celui de la Jarretière que venait d'instituer le roi Edouard, en Angleterre, et qu'il nomma ordre de Notre-Dame de la Noble maison, désigné aussi sous le nom d'ordre royal de l'Etoile ; c'était, selon Froissart, « une compagnie sur la manière de la Table ronde, de laquelle devaient être trois cents chevaliers des plus suffisants. » Il donna aux membres de cet ordre la demeure royale de Saint-Ouen près Paris. Les chevaliers s'engageaient à ne pas fuir en bataille plus loin de quatre arpents et alors mourraient ou se rendraient prisonniers.

Le roi pour compléter cette oeuvre, pourvut en 1352 la chapelle de châtelains et de clercs. Les chevaliers portaient une bague sur le chaton de laquelle était une étoile. Au reste, Jean II affectionnait l'étoile, car on vit vers la même époque

Charles de Navarre fut appelé à comparaître
devant un lit de justice, le 4 mars 1353.
circuler à Paris des pièces de monnaie portant une étoile et qu'on appelait gros blanc (10 deniers) petit blanc (6 deniers).

Une ordonnance du mois de janvier 1351, fut rendue contre les mendiants de toute espèce qui pullulaient dans Paris ; il leur fut enjoint de vider la ville dans les trois jours, à peine de prison au pain et à l'eau pendant quatre jours, et en cas de récidive du pilori ; s'ils rentraient à Paris une troisième fois, ils étaient passibles de la marque au fer chaud. Défense était faite de recevoir dans les hôpitaux les truands valides et de les assister, soit par aumônes, soit autrement.

Une commission fut nommée pour la vérification du pain des boulangers de Paris ; elle était composée de quatre bourgeois et du maire, du panetier de France. Cette commission confisquait tout pain n'ayant pas le poids légal et l'envoyait moitié à l'Hôtel-Dieu, moitié aux Quinze-Vingts. La police intérieure de la ville était règlementée par cette ordonnance qui visait toute espèce de commerce, et certaines habitudes à réformer, etc. — A ses termes, tout le monde avait le droit de tuer les cochons qu'il rencontrait dans les rues ; elle défendait de balayer les rues pendant la pluie afin de ne pas salir la rivière. Le prix des journées des artisans, les gages des serviteurs et jusqu'au gain des revendeurs, tout fut réglé dans cette ordonnance demeurée célèbre.

Les célestins vinrent s'établir à Paris au commencement du règne du roi Jean II, ils occupèrent le local que les carmes avaient abandonné pour se loger près de la place Maubert. Les six célestins qui arrivèrent venaient du monastère de Saint-Pierre fondé par le roi Philippe le Bel dans la forêt de Guise. Le collège des notaires, secrétaires du roi, leur donna une bourse et ils reçurent plusieurs autres
dotations, surtout, comme on le verra plus tard, du roi Charles V qui leur donna dix mille francs d'or pour bâtir leur église.

Ce fut aussi en 1353, que les carmes achevèrent de bâtir leur église qui fut dédiée dans la même année ; cette église était vaste, mais n'offrait rien de remarquable si ce n'est le portail ; on y voyait les statues de quelques reines, entre autres celle de Jeanne d'Evreux leur bienfaitrice, et quelques monuments funéraires assez curieux, entre autres celui du libraire Jacques Corrozet sur lequel on lisait :

L'an mil cinq cent soixante-huit,
A six heures avant minuit,
Le quatrième de juillet,
Décéda Gilles Corozet,
Agé de cinquante-huit ans.
Qui libraire fut en son temps.
Son corps repose en ce lieu ci
A l'âme Dieu fasse merci.

On y admirait aussi le monument élevé à la mémoire de M. Boullenois, avocat, vingt-deux ans après sa mort et qui n'avait pas coûté moins de cent mille écus à sa famille. La bibliothèque du couvent des Carmes renfermait douze mille volumes. Les carmes furent supprimés en 1790 ; leur église, après avoir servi d'atelier pour une manufacture d'armes, a été démolie en 1811 et sur l'emplacement du couvent fut établi le marché des Carmes.

Plusieurs collèges furent aussi fondés en 1353 :

Le collège de Boncourt, rue Bordet ou Bordeille (rue Descartes depuis 1813), sur la montagne Sainte-Geneviève, établi par Pierre Becoud pour l'entretien de huit écoliers du diocèse de Thérouenne. C'est du nom de Becoud que devint par altération celui de ce collège. Au XVIe siècle on y joua souvent des comédies et des tragédies, entre autres la tragédie de Jodelle : Cléopâtre. Il fut reconstruit en 1688 par Pierre Galand, son principal. Dans ses bâtiments furent placés les bureaux de' l'Ecole polytechnique.

Le collège de Tournai, même rue, contigu au précédent et fondé la même année par l'évêque de Tournai, dans une maison qui lui appartenait. Il fut réuni au collège de Navarre.

Le collège des Allemands, rue Pavie-Goire, près la place Maubert (cette rue devint plus tard la rue du Mûrier). Elle fut supprimée en ces dernières années, lorsqu'on établit un square devant l'Ecole polytechnique. Fondé en 1353, le collège fut supprimé au XVIIe siècle.

En 1354, fut aussi fondé le collège de Justice rue de la Harpe par Jean de Justice, chanoine de Notre-Dame. Pierre Lizet de Salers en Auvergne, qui devint premier président au parlement de Paris, fonda cinq bourses dans ce collège, dont deux en faveur de ses parents ou alliés, ou, à leur défaut, pour des écoliers de la ville de Salers, et les trois autres en faveur d'écoliers de Paris. Il fut réuni en 1764 à l'Université et les bâtiments démolis.

Enfin, en 1358, fut fondé, dans la rue du Cimetière Saint-André-des-Arts (devenue rue Suger en 1844), le collège de Boissi par Étienne Vidé. Il fut réuni en 1764 à l'Université.

Félibien, en parlant des petites écoles de Paris, ignore à quelle époque elles furent établies, mais dit qu'elles existaient en 1357, et qu'elles étaient alors réparties dans les divers quartiers de Paris ainsi que le constate un règlement qui en cette année fut fait pour les écoles. C'était le chantre de Notre-Dame qui donnait la permission d'enseigner. En 1380, fut tenue une assemblée générale de tous les maîtres et maîtresses d'école ; ils s'y trouvèrent au nombre de 63, dont 41 maîtres et 22 maîtresses. Les maîtres étaient bacheliers ou maîtres ès arts ; les écoliers leur payaient une rétribution et une au chantre. Quelques maîtres, pour se soustraire à la domination de ce chantre, tinrent des écoles dans des lieux secrets ou écartés, ce qui les fit nommer écoles buissonnières. Rien ne prouve la solidité de cette assertion, dont nous laissons la responsabilité à son auteur.

La première année du nouveau règne fut marquée par une grande disette dont on se plaignit fort à Paris ; le prix des denrées subit une augmentation énorme ; ainsi le setier de froment qui se vendait deux livres fut élevé à huit, et tous les autres objets de consommation furent augmentés de prix dans la même proportion, aussi la misère était-elle grande et le menu peuple très malheureux, et l'horizon était loin de s'éclaircir.

On craignait de nouveau la guerre avec l'Angleterre, et pour comble de mauvaise fortune, des dissensions éclatèrent entre le roi de France et le roi Charles de Navarre, surnommé le Mauvais, qui commença parfaire assassiner le connétable de France, Charles de Castille, qui fut égorgé dans son lit le 8 janvier 1353. Appelé à comparaître devant un lit de justice tenu par le parlement de Paris, le 4 mars, il fut contraint à demander pardon au roi, à genoux, en présence des pairs, des présidents et des conseillers, et ce fut tout. On craignait en le condamnant à quelque peine afflictive d'exciter son courroux, et on se contenta d'exiger qu'il fondât quelques messes pour le repos de l'âme de sa victime.

Les craintes que l'on concevait touchant une prochaine rupture avec l'Angleterre, ne tardèrent pas à se réaliser ; en 1354, la guerre éclata. La France se trouva attaquée à la fois par deux armées, l'une opérant en Picardie sous les ordres du roi d'Angleterre, l'autre en Gascogne, commandée par le prince de Galles. Pour résister à de si puissants ennemis, il fallait des troupes et de l'argent. Le roi assembla à Paris les trois corps du royaume : clergé, noblesse et bourgeoisie, et
obtint d'eux la levée d'une armée de trente mille hommes qui serait entretenue pendant un an au moyen des fonds provenant de la gabelle (c'est-à-dire de l'impôt sur le sel) et d'un impôt extraordinaire de huit deniers par livre sur toutes les marchandises.

Cette assemblée fut tenue dans la chambre du parlement, en la présence du roi. L'archevêque de Reims, Pierre de Craon, y assista au nom du clergé, Gaucher de Brienne, duc d'Athènes, au nom de la noblesse, et Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, pour le tiers état. Nous allons voir le rôle considérable que ce dernier joua dans les événements importants qui suivirent cette réunion des États généraux.

Mais d'abord quelques mots sur l'hôtel de la municipalité parisienne, théâtre principal de ces événements. On sait que la hanse des marchands de l'eau occupait anciennement une maison dans la vallée de Misère, sur le bord de la Seine, à l'ouest du Grand-Châtelet.

Plus tard elle tint ses assemblées successivement dans deux locaux appelés le Parloir aux Bourgeois, le premier entre le Grand-Châtelet et la chapelle Saint Leufroy, le second près de l'enclos des Jacobins entre la place Saint-Michel et la rue Saint-Jacques. Mais cet emplacement étant devenu insuffisant par suite de l'accroissement de la population de la ville et de l'importance des affaires soumises à la juridiction du prévôt des marchands et des échevins, on résolut d'en choisir un plus convenable ; or, il existait à la place de Grève une maison qui en portait le nom et que le roi Philippe Auguste avait achetée de Suger Clayon, chanoine de Paris, vers 1212. L'abbé de PreuiIly reconnut que le roi y avait droit de haute, basse et moyenne justice. Cette maison était appelée la maison aux Piliers, parce qu'elle était portée sur une suite de gros piliers.

Philippe de Valois avait fait don de cette maison en 1322 à Clémence de Hongrie, veuve et seconde femme de Louis le Hutin ; il la lui reprit en échange d'une autre, pour la donner en 1324 à Guy Dauphin de Viennois et en renouvela le don en 1335 au dauphin Humbert. Ce fut alors que cette maison fut désignée sous le nom de maison au Dauphin. En 1336, elle changea encore de mains, elle devint la propriété de Jean d'Auxerre, receveur des gabelles de la prévôté et vicomté de Paris, qui la reçut en 1356 de Charles de France, dauphin, duc de Normandie, en considération des services qu'il lui avait rendus. Ce fut cette maison qui fut vendue à la ville de Paris par Jean d'Auxerre et Marie sa femme, par contrat du 7 juillet 1357, moyennant la somme de 2,880 livres parisis ; elle fut payée 2,400 florins d'or au mouton du coin du roi, par Etienne Marcel, prévôt des marchands et des échevins.

L'hôtel au Dauphin n'était alors qu'un petit logis borné par deux pignons et situé entre plusieurs maisons bourgeoises. « Il y avait deux cours, un poulailler, des cuisines hautes, basses, grandes et petites, des étuves accompagnées de

Fontaine de Médicis, ancien hôtel de Soissons
à la Halle aux Blés
chaudières et de baignoires, une chambre de parade, une d'audience appelée plaidoyer, une salle couverte d'ardoises, longue de cinq toises et large de trois, et plusieurs autres commodités. »
Ce fut donc la Maison de ville qui devait, rebâtie en 1553, devenir l'Hôtel de Ville.

Un autre hôtel, réuni à la couronne par le roi Jean, fut aussi donné en 1354 par ce prince au comte de Savoie, Amédée VI ; l'hôtel de Behaigne, qu'on appela aussi l'hôtel de Nesle, du nom de son possesseur, Jean de Nesle, qui le céda en 1232 à saint Louis et à la reine Blanche. En 1296, il passa des mains de Philippe le Bel à celles de Charles de Valois, son frère ; Philippe de Valois le donna en 1327 à Jean de Luxembourg, roi de Bohême. Ce fut par corruption, que ce nom de Bohême se transforma en celui de Behaigne. Entré dans la maison de Savoie par le don du roi Jean, cet hôtel fut plus tard racheté par Charles VI moyennant la somme de 12,000 francs, il le donna à son frère le duc d'Orléans qui, en 1492, en céda une partie aux filles repenties et donna le reste en 1498 et 1499 à Jean Lebrun, son valet de chambre et à Robert de Framezelles, son chambellan.

L'emplacement de l'hôtel Behaigne plut à Catherine de Médicis ; les filles repenties reçurent l'ordre de se retirer dans la rue saint Denis au prieuré de Saint-Magloire dont on transféra les religieux à Saint-Jacques-du-Haut -Pas, et Catherine put se faire bâtir un palais à la place de l'hôtel Béhaigne. On lui donna le nom de l'hôtel de la Reine (31 octobre 1572) et les travaux commencèrent en 1573. En mourant, elle le légua à Christine de Lorraine, mais ses dettes absorbèrent toute sa succession et le duc de Mayenne fit de cet hôtel sa demeure ordinaire.

 


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