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RUE DU BON-PUITS
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. La rue du Bon-Puits est actuellement remplacée par le square Monge, à l'angle de la nouvelle rue Monge et de la nouvelle rue des Écoles. Seulement les caves des maisons de la rue disparue ne descendaient pas au-dessous de la nouvelle promenade. Le puits banal qui a donné son nom à cette petite rue, ainsi appelée dès le règne de Philippe-le-Hardi, n'existait déjà plus en l'année 1714, époque où elle comptait 25 maisons et 4 lanternes. En 1639 elle s'étendait jusqu'à la rue Clopin : on en avait nommé la prolongation rue de Bonne-Fortune à l'origine. Quelques années après la mort du roi Louis XV, elle fut bouchée du côté de la rue Clopin, ce qui donna naissance, à l'impasse du Bon-Puits, masquée à notre époque par un grand mur, où fait cascade l'égout de l'École polytechnique, et cet embellissement ne parfume guère la pente de notre rue déversoir sur lequel l'égout cesse d'être souterrain. Cette continuelle irrigation d'eau sale se plaît à démentir la dénomination de la rue du Bon-Puits. Il est vrai que c'est provisoire, attendu que de grands projets promettent non seulement d'assainir avant peu, mais encore de supprimer la rampe dont nous parlons ici. Plus d'un garni de la rue du Bon-Puits, sous sa façade séculaire, sert de gîte a trois fois autant de gagne-deniers que dans le temps où ceux de Paris, faisaient eux-mêmes leur tour de France, pour se perfectionner dans leur état. Il en vient de tous les pays et en tel nombre qu'il y a encombrement dans les chambrées à 4 sous par tête et par nuit. Tant pis pour les ivrognes, quand la place devient rare ; on refuse alors leur argent, sur les marches de l'escalier, s'ils ont trébuché dans l'allée. Mais les autres trouvent toujours un coin, une fois montés, ne serait-ce que sur le palier. Les enfants de la Savoie dominent dans cette latitude du quartier Mouffetard ; le fait est qu'au n°13, rue du Bon-Puits, un compatriote les accueille, dont le nom, est écrit en grosses lettres sur la porte Tron, des Alpes, logeur. Une maison biscornue, le 4, a conservé une poulie en relief sur la rue, comme pour y monter le foin, bien que sa porte ne soit nullement cochère et à peine de la taille ordinaire de l'homme : nous sommes tenté de croire que cette roue sert à monter des locataires. L'une des maisons qui font face eut pour enseigne : à la Petite-Treille. Nicolas Lebrun, maître-graveur, y travaillait sous Louis XV. L'enseigne d'un nourrisseur est encore au n° 9 ; mais ses vaches viennent d'être abattues, à cause de la cherté appétissante de tout ce qui est chair un peu fraîche. Leur fumier seul a maintenu dans la rue, quelque odeur de villégiature, dont le souvenir lui-même va s'exhaler, et les bavolets des laitières, qui pendent aux fenêtres, du côté ou est l'ombre en plein midi, deviendront bientôt des haillons, comme ceux qui sèchent vis-à-vis au soleil. La porte du 16 est sculptée, empreinte d'écussons effacés, comme si elle ouvrait au moins sur l'ancien logis d'un bailli ; cet huis rapporté provient d'une église de campagne, achetée sur pied la veille de sa démolition. N'entendez-vous pas, par-derrière, piétiner et hennir des chevaux au râtelier ? C'est l'écurie de l'entrepreneur du transport des prisonniers en voitures cellulaires. Jetons surtout un dernier regard sur le n°20, masure du temps de Louis XI, qui a gardé l'aspect originel. Un cloutier y redresse la vieille, ferraille, sans trop la marteler, sous un toit qui couvre à demi cette maison, comme une armure de vieux barreaux de fer y veillent d'un air farouche sur des trésors absent, et dans cet ancien domicile d'un protégé d'Olivier Ledain, Enguerrand, le crieur de nuit, il semble que même en plein jour, sonne incessamment l'heure du couvre-feu. |
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