Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUES TRUDON ET BOUDREAU
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1858. La longueur de la rue Trudon, ultérieurement supprimée, différait à peine de la largeur de la nouvelle rue Auber. Entre celle-ci toutefois et la rue Neuve-des-Mathurins il reste l'ancien hôtel d'architecte dont parle la notice. La rue Boudreau n'a gagné aux changements qui se sont opérés si près que l'en-tête d'une construction neuve sur son bras gauche, et la reine du chant, Adelina Patti, Mme la marquise de Caux, y réside à la place qu'occupa la maison de la célèbre Rachel.

La rue que nous venons d'historier aurait pu s'appeler Trudon, puisque l'échevin de ce nom en était le principale auteur ; mais il n'en avait fait la politesse à son collègue Boucher qu'à charge de revanche, et peu d'années après naquit sur la carte de Paris la rue Trudon, qui pouvait n'être que sa fille honoraire. Elle partageait le berceau de la rue Boudreau, adoptée ou reconnue par Boudreau, greffier de l'Hôtel-de-Ville. Et comment était fait le lit de ces deux petites rues, qui ne cessent pas encore de se tenir comme embrassées ?

L'architecte Aubert avait pris des religieux mathurins, le 16 février 1779, 3,285 toises de terrain à bail pour 99 années ; les emphytéotes, concessionnaires directs ou indirects d'Aubert, ont érigé postérieurement cette jouissance à long terme en toute propriété. Mais ce n'était pas la seule spéculation faite personnellement par le même architecte dans la Chaussée-d'Antin, dont il avait crayonné force hôtels.

Le sieur Lafreté tenait du sieur Pellion, qui l'avait tenu d'Aubert, un lot, de 891 toisés, 16 pieds, 8 pouces, sur lequel Mme Chabanon a fait bâtir en 1798 le n° 6 actuel de la rue Boudreau ; Mme Renou, propriétaire ensuite, a laissé, moyennant des rentes à servir, ladite maison au carrossier Catherin, dont nous avons parlé rue Bleue, et qui a perdu la vie le 4 mars 1848 ; un des neveux de Catherin en est actuellement détenteur.

Son locataire Achille Jubinal, qui écrit, qui est député, cultive un autre art d'agrément : il collectionne des faïences, et je vous prie de croire qu'il en voudrait au prince Napoléon, aux ministres et aux préfets de sa connaissance si ces messieurs ne lui montraient leur vaisselle qu'accotée à un mur ou sur une étagère. Notre ami Jubinal, qui a de l'esprit, n'est sérieux que comme gastronome ; il dîne à droite, mais il déjeune à gauche, et promet tout ce qu'on veut à table. Il n'est jusqu'à Soubies et jusqu'à Subervie, ces républicains de Bagnères, qui ne disent du bon diable de député qu'on leur impose : – Quel excellent préfet il aurait fait !

Du temps de Pellion, le comte d'Imécourt s'est rendu acquéreur d'un champ ou marais, pour l'ensemencer d'un hôtel magnifique qui porte le n° 1 dans la même rue. L'une des dames d'honneur de la princesse Elisabeth, sous le règne de Louis XVI, était la vicomtesse d'Imécourt. Son fils a passé vente de l'immeuble à M. Schneider, directeur de l'exploitation des mines du Creuzot, vice-président du Corps-législatif, qui en fait les honneurs à de nombreux invités les jours de réception.

La maison adjacente a été longtemps habitée par la fille du comte Français de Nantes, Mme Bullot.

Le jardin de M. d'Imécourt, du côté de la rue Trudon, qui forme avec la rue Boudreau un angle droit, touchait à la propriété de Mme de Martainville. A cette dame appartenait ainsi l'emplacement du petit hôtel qui fut plus tard la demeure de Mlle Rachel. La grande tragédienne y passa pour la maîtresse d'un ambassadeur, plus tard ministre, et puis d'un auteur dramatique, après lequel serait venu un prince. Elle ne donnait pas, en effet, leurs grandes entrées dans la maison à deux personnages à la fois ; mais s'il avait fallu compter les petites !

L'amant en pied avait beau faire, il ressemblait toujours pour Mlle Rachel au financier bouffi qui, le premier, avait tenu ouvertement l'emploi, et elle ne subissait que par politique la tyrannie de ses assiduités ; le caprice était le complice des vengeances qu'elle en tirait, et ce rival avait lui-même à craindre des infidélités d'occasion. Le protecteur lui agaçant les nerfs, quelle que fût sa suprématie, elle essaya parfois du protégé, et de là vient l'élévation de deux ou trois cabotins sans talent.

Il fallait même, pour attendre et saisir un à propos qui lui allait à l'âme, plus de servilité qu'il n'y en a de compatible avec les distractions auxquelles est sujet le poète, avec la dignité des personnages habitués à tous les commandements et avec le compte à demi, cet idéal de la paix des ménages souvent l'actrice, en entrant dans sa loge, se sentait plus portée aux tendres épanchements qu'à répéter le rôle qu'elle allait jouer, et Racine ou Corneille l'inspirait mieux en scène si l'amour avait présidé à sa toilette.

Mme de Martainville avait pour second voisin l'architecte Aubert lui-même, dont l'habitation, rue Trudon et rue Neuve-des-Mathurins, est de nos jours celle de M. Justin Durand.


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