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RUES DES BOULANGERS Ve arrondissement
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. Depuis lors la nouvelle rue Monge a raccourci la rue des Boulangers de ses derniers numéros, principalement du côté des impairs. Le couvent des Anglaises, proscrit par cela même, occupait l'emplacement du n° 19, école communale de filles, et tout ce qui venait après jusqu'à la rue des Fossés-Saint-Victor, où était sa grand'porte, bien que la maison d'encoignure n'en dépendît plus. Une tranchée divise la rue, pour la faire descendre plus bas dans la moitié de la largeur plus grande que lui réserve la reconstruction ; il y a donc par là comme deux rues, la haute et la basse. La découverte d'arènes romaines n'a été faite qu'en 1870 du côté de la rue Monge. A l'avènement de Jean-le-Bon, il existait déjà une rue Neuve-saint-Victor, dont le nom ne tarda pas à devoir sa modification à un groupe de boulangers, si ce n'était pas à leur corporation. Le plan de 1714 ne nous signale l'importance de pas une des 34 maisons que mesurait le rectangle de cette rue montueuse, dont les 5 lanternes avaient l'air de jouer à cache-cache. Aucun signe particulier n'était dû, à vrai dire, au n° 34 actuel, en raison d'enfants naturels de Louis XIV qu'on y avait mis en nourrice, et qui devaient être ceux de Mme de Montespan, avant que la garde en fût confiée à Mme de Maintenon. Une autre maison de la rue avait été au même temps celle de M. de la Poissière, père de la comtesse d'Angenton. Cette maîtresse que le duc d'Orléans garda longtemps avant d'être régent, mais qu'il finit par renvoyer à son père, pour plaire au roi, était, la mère du chevalier d'Orléans, grand-prieur de France. Tout ce que vous, voyez au-delà du 17, à l'exception du dernier bâtiment, appartient aux religieuses anglaises de la rue des Rossés-Saint-Victor ; deux jardins s'y étagent derrière un mur et des bâtiments qui n'en confisquent ni la vue ni les fraiches émanations. Depuis la grande révolution la niche du 33 est vide. Presque en face de ce cadre sans tableau, les n°s 38 et 40 se partagent une maison plusieurs fois centenaire, sous la porte cochère de laquelle fait antichambre un buffet du XVIIe siècle, à larges vantaux de chêne solidement ferrés, qu'on a casé là faute de place dans les appartements, devenus trop étroits pour ce meuble. La présidente de Beaufort, le sieur Maboul, maître des requêtes, et Le Sêtre, lieutenant invalide, ont possédé l'immeuble successivement au XVIIIe siècle. Aussi bien, de ce côté pair, les maisons souvent ont pour socle plusieurs étages de sous-sol par derrière et souvent leur jardin descend, comme pour gagner du terrain à la verdure fruitière et potagère, tout près de la rue saint-Victor ; du haut de leurs croisées, qui sont un belvédère, on plane sur le Jardin des Plantes et Bercy, que baigne la seine ; d'un clin d'œil on passe à Belleville, et de Paris à la campagne la vue fait d'autres petits voyages. Le 30, charmant cottage en cette heureuse exposition, est depuis près d'un siècle dans la famille de l'éditeur Challamel. Les 24 et 26 parlent de plus loin, mais si peu distinctement que l'écho ne gagnerait rien à s'y montrer fidèle. Le 22, qui rien est pas à la première de ses restaurations, convient d'avoir appartenu à l'un des petits collèges fondés au moyen âge. Cette maison s'en est adjoint une autre, et depuis lors elle a le choix entre deux sorties différentes, qui se rapprochent de l'un et de l'autre bout de la rue des Boulangers ; la fabrique de lits de fer de M. Bainée s'y exploite. Presque toute la journée ses ateliers exhalent un bruit sourd, qui ressemble à des gammes jouées sur un orgue immense par un accordeur qui l'essaie, et la monotonie de ces accords ferait enrager les voisins si la force de l'habitude n'empêchait pas l'oreille de percevoir les sons qui la fatigueraient de leur répétition. Le citoyen Léonor Viel a gagné cet immeuble, mis en loterie par suite d'un décret de la Convention en l'an III ; il était porteur du n° 5,324. On retrouve au 19 un ancien puits public, fermé de nos jours au cadenas ; l'eau pouvait en servir à faire le levain de bien des pains au XVe siècle. Le 13 est vraisemblablement la maison doyenne de la rue ; sa vaste cour, sa vénérable rampe d'escalier en fer, les petits carreaux de ses croisées et des cheminées en marbre bien travaillé rappellent que des riches en ont connu les êtres, et pourtant quelle décadence ! Les pierres se disjoignent, comme si elles en avaient assez ; tout est du haut en bas grisaillé, déprimé, usé ; les habitants ont l'air de froids revenants ; s'ils étaient ou maîtres ou valets, ils prendraient plus de souci des dégradations locales, et la mousse blanchâtre ou verdâtre, dont la moisissure fait les frais, capitonnerait chez eux moins d'encoignures. On a hissé des maisons de plaisance jusqu'en ce monticule des boulangers, vous en avez la preuve, et elles y passent pour avoir grignoté plus de biscuit galant que de pain de ménage. Où la petite maison n'allait-elle pas se nicher ! La porte ronde et bâtarde à gros gonds, du n° 10 a quelque chose de trapu et de musculeux qui n'engage déjà pas à s'y frotter, et son allée est assez noire pour ne pas attirer davantage les honnêtes gens qui n'y ont que faire. La gibbosité du 6 est un effet de l'âge ; mais le tassement, dans bien des constructions modernes, n'attend pas le nombre des années. Une bosse de même nature mériterait au 1 la réputation de bureau d'esprit si le proverbe consolateur des bossus en chair et en os s'appliquait aussi aux bâtisses.
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