Notice écrite en 1858.

L'annonce n'est pas du tout une invention de notre, siècle, qui s'est borné, à la perfectionner. On lit dans l'Almanach des Arts-et-Métiers pour 1769 : Le sieur Rousset, à l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, débite le Béchique, souverain contre les maux de poitrine.

Le sieur Lasserre, à l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, vend avec succès par privilège du roi, en conséquence de la délibération de la Commission royale de médecine, un élixir pour les dents, qui est le fruit de vingt années de travail : cette liqueur est claire, transparente, agréable à la vue et flatteuse à l'odorat. Elle apaise et guérit radicalement tons les maux dont les dents peuvent être attaquées. Prix : 3 livres, 36 sols et gratis pour les pauvres.

Rousset et Lasserre, ces locataires de l'abbaye royale, demeuraient au n° 6 actuel de la rue Bourbon-le-Château, de leur vivant rue du Petit-Bourbon : propriété gardant de cette époque bon nombre de petite vitres à ses fenêtres.

Une autre maison, n° 3, qui s'affaisse sur elle-même depuis le règne de Henri IV, est également pourvue de fenêtres à coulisses ; elle dépendait du domaine monastique, sans que ses habitants d'alors fussent plus cloîtrés que les filles de joie en chambres qui, du matin au soir, tant qu'il fait jour, en sont le côté sinistre et repoussant.

Au n° 4 s'exploita l'hôtellerie de l'Écu, tenue pat Dialan ; le gîte n'y coûtait pas moins de 10 sols par tête, et le souper, pas moins de 20 sols ; mais l'Almanach précité dit aussi qu'un cavalier y payait son écot à meilleur compte que celui de sa monture, qui s'élevait à 40 sols par nuit.

Le 2 fut édifié il y a trente ans en bonnes pierres de taille, mais sur un plan assez original, pour M^me Bancelin, du restaurant du Cadran-Bleu, à la place d'une maison basse, aussi ancienne que le palais abbatial, qui fut inauguré par le cardinal de Bourbon, parrain de la petite rue dont nous parlons.

Le 1 remonte au moins à cent ans ; ses boiseries du premier étage étaient dorées avant qu'un cafetier y plaçât des billards.

A l'un des deux angles occupés par ces n°^s 1 et 2, 3,500 livres rendirent l'épicier Vignes adjudicataire d'une maison dont le marquis de Conilans était exproprié, en l'année 1752.

Julien Levesque, premier chirurgien de S. A. R. Mademoiselle, souveraine de Dombes, avait, vers le milieu du règne de Louis XIV, une autre propriété dans cette rue ; il y tenait d'une part au comte de Vert, d'autre part à une petite rue, par-derrière à un jeu de boulés payant loyer aux héritiers de M. et de M^me de Moucy. Le vendeur du chirurgien avait été Jacques de la Noue, comte de Vert, capitaine aux cuirassiers du roi, à qui cet héritage venait de son aïeul, Jacques de Moucy, procureur-général au bureau des finances de Paris.

Le même procureur-général avait un ou deux jardins sur la rue, au moment de son ouverture, et s'était réservé le droit d'y bâtir tout ce qu'il voudrait. Un de ses proches, Jean de Moucy, conseiller du roi, auditeur en sa chambre des comptes, avait vendu, le 3 juillet 1610, à François de Bourbon, prince de Conti, abbé de Saint-Germain-des-Prés, tout le terrain à prendre, pour ledit percement, entre la rue de Buci et le guichet, près du vieux portail, du pont-levis et des fossés du château abbatial.

Ainsi avait été formée cette rue Bourbon-le-Château, alias de Bourbon-Guise, touchant d'un bout au jeu de paume de l'Abbaye. Elle reçut l'un après l'autre les pseudonymes de Lucrèce-Vengée, de la Chaumière et de l'Abbaye, de 1793 à 1814.