Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE DU FAUBOURG SAINT-HONORÉ
VIIIème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1864 : Précédemment, rue du Faubourg du Roule, chaussée du Roule (1635), rue du Bas Roule et rue du Haut Roule. Cette voie est indiquée sur une charte de 1222 comme chemin allant de l'église Saint-Honoré au pont du Roule. Origine du nom : Principale rue du faubourg formé en dehors de la porte Saint-Honoré.

Jean-René de Longueil, marquis de Maisons et de Poissy, conseiller du roi en tous ses conseils, président à mortier au parlement, membre honoraire de l'Académie des sciences, avait été chancelier de la reine. Seigneur de fiefs du Roule et de Béthisy, à Paris, il habitait avec sa femme, Marie-Louise Bauyn d'Angervilliers, un hôtel où se trouvait auparavant la Douane, rue de Béthisy, près celle des Fossés-Saint-Germain-l'Auxerrois, quand, en 1689 fut autorisé le percement de la rue du Roule, à l'entrée de laquelle se maintint le chef lieu du fief jusqu'à l'abolition de toutes les seigneuries.

Ce président fut inhumé, en 1731, aux Cordeliers, dans une sépulture de famille qui, après lui, n'avait plus personne à attendre. L'hôtel d'Alemhon, appartenant à Charles Grousset, marquis d'Alembon, et attenant à l'hôtel de Montbazon, avait été entièrement démoli pour faire place à la nouvelle rue, dont les terrains avaient été acquis par une compagnie d'entrepreneurs ayant pour chef Prédot, un architecte des bâtiments du roi. Une sentence du Châtelet y délimitait, le 11 décembre 1684, sur le toisé de Gabriel Leduc, autre architecte du roi, le fief du For-aux-Dames, contigü sur ce point au fief du Roule et relevant de l'abbaye de Montmartre. Le plan de 1652 n'avait marqué particulièrement à la place future de cette rue que l'hôtel de M. de Longueville.

Un plan plus détaillé y aurait indiqué, année 1704, deux groupes de maisons neuves, sous les noms que voici :

Ces maisons, vous pouvez les revoir sans exception. Mais la rue en comptait 28 avant la fin du règne de Louis XIV. Aujourd'hui l'énumération ne va pas au-delà de 23.

Favières fils, marchand de bas du roi, était établi rue du Roule ; il épousa, en 1759, Mme Chanvray, née à Paris 16 années 1/2 auparavant. Tout alla bien pendant la lune de miel. La jeune femme était une jolie blonde, faite au tour, ni petite ni grande, qui chantait gracieusement en s'accompagnant au clavecin ; seulement ses deux petites mains, qui commençaient par carresser les touches, les griffaient avec impatience à la moindre note douteuse : était-ce d'un rassurant augure pour le contrat qu'elle venait de signer ? Elle trouva son mari laid en regardant un garçon, son commis, qui fut renvoyé, mais trop tard.

Les œillades d'un marquis de Bandolle, qui passait et repassait devant la boutique, rallumèrent des querelles de ménage mal éteintes, et ce roué fit jouer d'habiles entremises pour tromper non seulement Favières, mais encore, dans la même journée, Mme Favières avec une fille novice. La séduction n'alla plus loin ni pour celle-ci, doigt le père était limonadier dans la rue des Petits-Carreaux, ni pour celle-là, à laquelle son mari ferma presque la porte au nez. La veuve Chanvrayprodigua à sa fille les consolations et les conseils de toutes les mères en pareil cas ; si bien que Mme Favières ; logée dans un couvent, constitua procureur, demanda et obtint séparation de corps. Une fois libre, elle s'afficha dans le monde avec le chevalier du Bec-de-Lièvre, mais elle avait encore pour amant de cœur le complice de sa première faute.

Trente ans après l'époque où s'y mariait le marchand dont nous venons de pleurer l'infortune, comme on la pleurait de son temps, la même rue, rien que sur sa rive droite, voyait se succéder, en fait d'établissements qu'on peut noter :

Une manufacture de papiers peints, sous la direction de Windsor. – Le bureau de l'Almanach de Paris, donnant annuellement les adresses des personnes de condition, chez Lesclapart, libraire. – La boutique de Moinat, ferblantier, inventeur d'une lampé sans fumée, sans odeur le magasin de Ducoudray, joaillier de tous les ordres royaux. – Le bureau des journaux de harpe, clavecin et musique, et du journal hebdomadaire de Leduc.

Sous le premier empire, la rue du Roule était encore plus commerçante : des lampistes à inventions et le parfumeur Fargeon y florissaient, ainsi que Mlle Gaillard, qui ne demandait qu'à faire voir un cabinet d'histoire naturelle.

Au n° 17, sous Charles X, demeurait Martainville, journaliste mordant et auteur dramatique. Il discutait avec les libéraux, et surtout il jugeait l'Empire, comme l'histoire le juge déjà, en se montrant reconnaissant des libertés restituées par la Charte. Pour y avoir mis trop d'esprit, il ne sut pas faire vivre le Drapeau blanc, feuille qui lui laissa tant d'ennemis ! Mais quel homme que Martainville, quand des anciens sergents ou lieutenants de l'Empire, qui se disaient eux-mêmes des libéraux, menaçaient de l'exterminer ! C'était le traiter en ami des étrangers, qu'ils avaient harcelés pour obéir à Napoléon seul ; mais il bravait tous les périls que lui faisaient courir ces braves, qui finirent par se convaincre qu'il était aussi français qu'eux.

Un soir surtout, le 31 juillet 1822, les amis de Martainyille craignirent de le perdre, tant les clameurs étaient violentes qui accueillaient son entrée dans une loge, au théâtre de la Porte-Saint-Martin ! Pourquoi ? parce qu'il ne blâmait pas M. de Corbière d'avoir permis à des acteurs anglais de jouer là les chefs-d'œuvre d'un théâtre étranger. Que voilà bien l'esprit des gens qui portaient à la boutonnière un bouquet de violettes en ce temps-là ! Le journaliste répondit ou commandant de la force armée, qui le suppliait de se retirer dans la crainte que les vociférateurs du parterre n'escaladassent la galerie : – Monsieur, je préfère demeurer sous la protection de l'autorité. Si je suis assassiné, j'aurai fait mon devoir, et vous n'aurez pas fait le vôtre.

 


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