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RUE BOURTIBOURG
IVème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. N°s 1, 6, 9, 10, 12, 14, 16, 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22. Dans une auberge voisine de cette rue descend encore un messager de Fontainebleau, qui va et revient tous les cinq jours, pour mieux dire toutes les cinq nuits. Celui d'il y a cent-cinquante ans avait son adresse de Paris rue Bourtibourg, à l'image du Comte-Robert. Les poches par terre et par eau suffisaient encore moins aux commissions à faire que le chemin de fer aujourd'hui, et la Poste confiait d'abord au messager le transport des dépêches. Il trouverait maintenant les sacs trop lourds, la capitale démesurée, le chemin à y suivre méconnaissable et son quartier aussi. Il demanderait où est la place du Marché-Saint-Jean (on a pourtant sauvé de cette place de quoi faire une rue du même nom, entre les rues de la Verrerie et de Rivoli) ; mais il ne saurait reprocher à la rue Bourtibourg, qui y donnait, d'avoir, pris un travestissement, dans le carnaval imposé à tant de rues et de maisons ! L'éclairage y était de 8 lanternes, rayonnant pour 36 propriétés, et le nombre de celles-ci n'a subi qu'une diminution peu sensible, qui vient principalement de subdivisions supprimées çà et là. Le territoire d'un ancien cimetière de Saint-Jean-en-Grève avait non seulement aidé à la formation de la place, mais encore servi à la construction de plusieurs maisons de la place et de la rue. Des juifs y pullulaient, malgré cette consécration originelle. Mais la malédiction royale n'y était pas moins légère à la terre depuis qu'on y avait rasé l'hôtel de Pierre de Craon, qui avait tenté de faire assassiner le connétable Olivier de Clisson, en 1392. La rue Bourtibourg, à cette date, comptait déjà plus, de deux siècles et demi d'existence, et elle aboutissait en face de l'hôtel de Craon. Sa dénomination venait d'un bourg appelé le Petit-Bourg, ou dont le colon principal était Thihourg : les historiens de paris se sont encore divisés sur ce point. Le n° 1 de ladite rue n'a toutefois rien de caduc ; il a suffi d'en reprendre le rez-de-chaussée en sous-couvre pour le mettre au niveau du sol de la nouvelle rue de Rivoli, qui avait englobé la place, et la façade a gagné sur la cave plus d'un mètre à ce déchaussement. L'immeuble avait appartenu au marquis, de Fénélon ayant la Révolution. Quel beau jeu de quilles on ferait des balustres d'escalier d'un garni, au n° 6 ! L'époque de François Ier a dû accoucher de cette maison, dont le ventre grossit à son tour ; mais ce n'est plus signe de fécondité, c'est une difformité, produite par les années, qui vaut encore mieux qu'une bosse à la façon de Triboulet : une maison trop serrée par-derrière ne peut se faire dodue que dans le sens contraire. Le 10, où se retrouve une belle porte, a dû ne former qu'un avec le 12. Un des ducs de Vendôme, fils et petit-fils de Henri IV, eut son hôtel en face, dans une maison peinte en vert, couleur assurément locale pour l'herboriste qui y vend des feuilles de poirée et des queues de cerises. Des trumeaux au-dessus des glaces, un escalier superbe à marches de pierre et à rampe de fer, un autre dans le fond à balustres de bois, une porte qui au besoin recevrait deux carrosses de front et des caves vraiment magnifiques, voilà ce qui a survécu des splendeurs de cette résidence, dont l'entrée principale fut néanmoins à l'origine dans la petite rue de Moussy, aujourd'hui fermée aux voitures (depuis lors, l'une des deux grilles de la petite rue de Moussy ne s'ouvrant plus du tout, la circulation y est interdite aux piétons. Ce demi emprisonnement soulève, mais en vain, les réclamations des habitants de cette ruelle, qui par le fait n'est qu'une impasse.) : la façade sur la notre paraît moins ancienne. Cette maison fut achetée en deux lots (1674-1681) par le savant apothicaire Geoffroy, ancien échevin, et celui-ci pour l'agrandir, en 1688, prenait de la fabrique de Saint-Jean à bail emphytéotique 10 toises de terrain environ, qui avaient fait partie du cimetière de cette église et attenaient au mur de l'hôtel. Etienne-François Geoffroy, fils de l'apothicaire, lui succéda de toutes les manières, et ce professeur éminent de chimie et de médecine, qui était membre de l'Académie des sciences, vécut jusqu'en 1731. Trente-sept années plus tard, Claude-Joseph de la même famille, naguère commissaire des guerres, était d'accord avec les créanciers du feu son frère, avocat, conseiller du roi, pour vendre 72,100 livres l'ancien hôtel de Vendôme, (dont les trois corps de bâtiments rapportaient alors 4,000 livres à Charles-Nicolas Marlot, conseiller du roi, syndic des inspecteurs des vins, syndic des officiers mesureurs de charbon). La propriété tenait à cette époque du côté droit à La Marguerie-Langelet, un conseiller au parlement, du côté gauche à Serville, marchand de vins. Quant aux droits censuels, les parties contractantes ne savaient déjà plus à qui ils étaient dus ; mais le Temple, à coup sûr, n'y avait pas droit : l'acte en faisait tout simplement réserve. Au commencement de la République, le bail de 99 ans relatif aux 10 toises de terrain étant venu à terme, la Nation les faisait vendre, avec le corps de logis s'y élevant, dans la section des Droits-de-l'Homme, dite ensuite du Roi-de-Sicile, et ce nouveau propriétaire, substitué aux fabriciens, y avait mitoyenneté avec le citoyen Marlot, avec le détenteur d'une autre maison bâtie aussi, sur le sol de l'ancien cimetière, et au fond avec la citoyenne Lesseville. L'adjudication fut prononcée au profit du susdit Marlot, ci-devant usufruitier. Que si nous mettons le plan de Gomboust sur le tapis, nous y remarquons rue Bourtibourg un autre hôtel (actuellement n°s l6, 17 et 19) qui avait, lui aussi, une porte rue de Moussy. De prime-abord ce fut le séjour des Nicolaï, plusieurs fois présidents de la chambre des comptes de père en fils depuis le règne de Louis XII, et Colletet ne connaissait encore en 1664 ce logis magistral que sous leur nom. Ils eurent pour successeurs, dans la rue, Nicolas d'Argouges, lieutenant-général des armées du roi, colonel-général des dragons, en faveur duquel les baronnies d'Arnbec et de Rannes furent érigées en marquisat, et père de Louis d'Argouges, maréchal-de-camp. Ce dernier eut lui-même un de ses fils lieutenant-colonel des dragons de Chapt et une fille, Marie-Thérèse, abbesse de Chaillot. Un lieutenant-civil fut aussi membre de cette famille, dont la sépulture décorait l'église Saint-Paul d'une des plus belles œuvres de Coyzevox. Toutefois, en l'année 1780, une portion de l'hôtel d'Argouges était louée à M. d'Outremont, conseiller au parlement. Vers le milieu de la rue, sur la même ligne, quatre maisons appartenaient alors au sieur Masson. C'est encore une porte magistrale qui se ferme sur le 14, qu'on a refait il n'y a pas longtemps, et que, l'avocat Pauly, conseiller du duc de Bouillon, habitait du temps d'Outremont et de Masson. Le 16, le 18 et le 20, sénile construction à trois corps, dont deux sur la rue, nous représentent un hôtel sans notoriété historique, bien qu'il remonte au règne des Valois, Nous y remarquons, en passant outre à une vénérable porte cintrée, un escalier à rampe de chêne, penché sous le poids des années encore moins que par l'inquiétude, et reculant devant maintes cheminées qui menacent ses débris futurs : il périra, en effet, par le feu, et chaque pas des générations qui se sont succédé depuis trois siècles sur ses marches, l'a rapproché, mais avec une lenteur qui a pu faire des jaloux, des chenets où luira sa tombe. La division de cette propriété date des dernières années du roi Louis XV. En 1764, Guyot en acquérait de Bachelier une part ; à quatre années de là, Blanquier, baron de Trélan, prenait des arrangements pour succéder, dans un autre corps de bâtiment, à Charron de Liancourt, son beau-frère, et la même famille y payait encore l'impôt foncier sous Louis XVIII. C'est vraiment la rue aux grandes portes ; j'en atteste, à son tour le n° 22, ancien logis de magistrat, que desservent deux escaliers à belle ferrure. Propriété plus vaste, le 21 a eu pour fondateur un négociant en produits coloniaux, quand Lafayette était en Amérique ; un appartement principal avec balcon donnait sur un jardin, supprimé depuis vingt années. Rien à vous dire des numéros suivants, en dépit du temps reculé où fut posée leur première pierre.
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