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RUE DE BRETONVILLIERS
IV ème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. La Belle-mère de Fronsac. – Le Baigneur. – L'Arcade. – Les Bretonvilliers. – Le Bal masqué. – M. de Montmirail. – Le Bureau des Privilégiés. – Les Hydrothermes. – La Basse-Cour. Au milieu du XVIIe siècle ce que nous appelons le n° 1 dépendait de l'hôtel d'Astry, d'après une carte qui n'en montrait pas moins à proximité, les hôtels Bretonvilliers et Lambert, en regard l'un de l'autre dans la rue Saint-Louis-enl'Ilé. Astrée fut, une déesse qui n'habita la terre qu'en l'âge d'or, et l'Astrée un roman fameux. Mais Astry ? Faut-il lire Astrie ? Les noms propres n'ont jamais moins de deux orthographes. Damoiselle Marie Coomans d'Astry, ou Commans d'Astric, épousa Jean Rouillé, comte de Meslay, après avoir acquis, tant des créanciers de Louis Levau, premier architecte du roi, auteur des pavillons de Flore et de Marsan aux Tuileries, que de la famille Bretonvilliers, de quoi former l'hôtel d'Astry. Rouillé de Meslay mourut en léguant 125,000 livres à l'Académie des sciences, pour encourager la recherche de la quadrature du cercle ; son fils, introducteur des ambassadeurs, ne laissa pas de postérité, et sa fille Marguerite-Thérèse fut d'abord marquise de Noailles, puis duchesse de Richelieu. Le duc, déjà marié deux fois, ne donnait pas son nom à une troisième compagne sans que l'hôtel en prit sa part. L'escalier à balustrade en chêne du n° 1 y faisait dès-lors son service ; mais pour que le n° 3, dont le mur extérieur supporte un balcon de même âge, ait dépendu de la même propriété, il faut que peu de temps après il soit rentré dans la possession des Bretonvilliers, quant aux n°s 16 et 18 du quai des Balcons, ou du Dauphin, autrement dit de Béthune, ils étaient indubitablement de l'hôtel Richelieu. Le duc et le comte de Noailles héritèrent de la duchesse de Richelieu, née Rouillé ; mais elle eut pour légataire Fronsac, fils de son second mari. Aussi les trois soeurs consanguines et utérines du futur maréchal de Richelieu, dont l'une était à Port-Royal, n'avaient-elles rien à prétendre dans la propriété de l'ancien hôtel d'Astry, qui lui appartenait à titre de legs, et dont nous avons déjà eu à nous entretenir quai de Béthune. Nous avons vu sur le même quai, pour la première fois, le baigneur Turquin, qui se trouvait lui-même locataire du côté que nous tenons de la rue Bretonvilliers. Il n'était pas le patron que de l'école de natation qui flottait à la pointe de l'île ; il avait sous sa direction, outre cela, à l'autre bout du quai de Béthune, des Bains Chinois, où l'eau chauffée coulait dans chaque baignoire au prix de 36 sols pour trois personnes, et de 24 sols pour une seule. A distance à-peu-près égale entre ces deux établissements de température différente, le domicile du baigneur qui soufflait le froid et le chaud attenait au bureau des coches d'Auxerre, dont le service par eau n'a cessé de se faire qu'après l'avènement de Napoléon III. Des partages de famille n'avaient pas entraîné la démolition de l'arcade originairement jetée sur la rue de Bretonvilliers. Le 3, malgré cette accolade, appartenait isolément à Françoise Le Ragois de Bretonvilliers, qui s'était retirée chez les filles de la Croix, rue de Charonne, depuis la mort de son mari, Anne d'Héruard, chevalier, conseiller du roi, maître des requêtes. M. de la Mouche, auditeur en la chambre des comptes, occupait cette propriété, que l'arcade reliait à celle de Jean-Baptiste Le Ragois de Saint-Dié, lieutenant-général au gouvernement de Paris, frère de ladite Mme d'Héruard. Cette autre maison à trois corps était ensuite donnée en location à Joly de Menneville, ancien maître des comptes. Il n'y a même entre les deux immeubles aucune séparation plus apparente, aujourd'hui que leur communauté d'origine est loin de s'étendre à leurs détenteurs. On a pourtant parlé en ce temps-ci de supprimer l'arcade Bretonvilliers, et, comme on s'est gardé de dire pourquoi, il faut qu'il y ait en jeu quelque intérêt qui n'est pas celui du public : Cet oracle est plus sûr que celui de Calchas. La principale porte par laquelle on entrait à l'hôtel Bretonvilliers, avant même qu'il y eût division, la voici au n° 2 ! Le financier Le Ragois, intéressé dans les fermes sous Louis XIII, et seigneur de Bretonvilliers, commanda cette demeure princière à Ducerceau. Sa femme, née Acarie, fut longtemps belle et remarquable par la fraîcheur du teint ; il n'en eut pas tout le profit, s'y contentant d'une part d'intérêt, comme dans les affaires du roi ; ses richesses lui faisaient, d'ailleurs, assez de jaloux sans que les rigueurs de Madame s'en mêlassent. Le premier des Bretonvilliers rendit gorge de la vie en 1645. Deux ou trois des Bretonvilliers qu'il eut pour successeurs présidèrent en cour des comptes. Leur hôtel fut pour le moins prêté au prince Emmanuel de Portugal, qui y donna un bal masqué dans le cours de l'année où mourut Louis XIV. Le même soir, une flottille de bateaux tirait un feu d'artifice de gala, et il en retombait une pluie d'étincelles, qui avait l'air de propager l'embrasement dans l'onde frémissante ; mais les gouttes de l'eau n'étaient pas fécondées par ces larmes de feu, dans le lit froid du fleuve, que les étoiles elles-mêmes clairsemaient aussi de vains reflets. La superbe terrasse qui encadrait le jardin mettait les invités du prince aux premières loges pour se régaler du spectacle, et le public en profitait dehors. N'y avait-il pas, au besoin, de quoi mettre à couvert tous les habitants de l'île Saint-Louis dans les bâtiments qui régnaient sur les trois grandes cours de l'hôtel ? Une galerie s'y remarquait, que Bourdon avait décorée de ses peintures et que Monoyer avait festonnée de fleurs, de fruits et de corniches à médaillons en porcelaine historiée. Le tableau de la Continence de Scipion, par Bourdon, des copies de Raphaël, faites par Mignard, et des ouvrages du Poussin, de Vouet et de Silvestre paraient encore d'autres pièces. Le président Bénigne Le Ragois de Bretonvilliers épousa une d'Albon, mais postérieurement au mariage. d'un autre président du même nom avec une Perrault. Or il y eut aussi quai des Balcons un hôtel Perrault. On ne dédaignait pas en ce temps-là de se marier porte à porte : cinquante pas ne suffisent plus, de nos jours, que pour une rencontre au pistolet. Le président Perrault, neveu de l'architecte de la colonnade du Louvre, acquit de La Baume, comte de Saint-Amour, la baronnie de Montmirail, près Chartres, qu'il transféra plus tard avec d'autres biens au prince de Conti, dont la veuve, fille légitimée de France, le revendit en 1729 à Havet de Neuilly, un conseiller aù parlement. Mais est-ce bien du pays chartrain que venait féodalement la famille Montmirail qui succéda à celle Bretonvilliers, comme propriétaire de l'hôtel ? Un marquisat de Montmirail fut érigé ailleurs par Mistrail, conseiller au parlement de Dauphiné, et il y eut un marquis de Montmirail, colonel des cent-suisses, président de l'Académie des sciences, admirateur passionné de Polybe et de Tacite, qui fit parler de lui sous Louis XV. Ce roi était encore mineur quand on installait à l'hôtel Bretonvilliers le bureau des aides, puis celui, dépendant des Fermes, où s'encaissaient les droits d'entrée, ci-devant à l'hôtel Charny. On y appliquait en l'année 1775 cette indication officielle : Bureau général pour la distribution des Papiers et Parchemins timbrés, appelés Formules, à l'hôtel Bretonvilliers, où il y a un garde-magasin et un garde-général de cette Formule. Même hôtel, recette pour les Papiers et Parchemins timbrés à l'extraordinaire, pour la Généralité de Paris et celle d'Orléans. Le bureau des Privilégiés y prenait le dessus peu de temps après, et la propriété n'appartenait pas moins à M. de Montmi'rail. L'émigration de ce dernier entraîna le retour de l'immeuble à l'Etat, et la Convention, pour répondre favorablement à une demande faite par des ouvriers, permit d'y établir une manufacture d'armes à feu. Toutefois la vente eut lieu, au profit de la Nation, le 29 fructidor an III, et le morcellement en résulta plus que jamais. L'administration des Hydrothermes s'installa, après la révolution de Juillet, au n° 2 de la rue Bretonvilliers, qui fut, depuis exhaussé de deux étages. Le 4, où l'hôtel eut en ses plus beaux jours sa basse-cour, est devenu un atelier de teinture.
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