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RUES TAILLEPAIN ET BRISEMICHE
IVème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. Les deux petites rues qui en sont l'objet ne se ressentent depuis d'aucun changement essentiel à noter, si ce n'est que la grille de la rue Taillepain sur la rue du Cloître Saint-Merri s'entr'ouvre et s'ouvre, au lieu de rester presque, toujours fermée. La partie qui s'étendait entre les rues Saint-Merri et Simon Le Franc a été déclassée par arrêté du 13 août 1971 et supprimée en 1972 pour la réalisation du centre national d'art contemporain, dans le cadre de l'aménagement du secteur des Halles. Cette partie était dénommée rue du Poirier en 1560. La partie restante portait son nom actuel dès le XVe siècle ; au XIIIe siècle, on la nommait rue Bailleheu, Bay le Hœu ou Baillehoe. Vers 1273, elle devint rue de la Bouclerie ou de la Petite Bouclerie et, en 1512, rue de la Baudroierie ou de la Baudrerie. Origine du nom : Cette voie doit sa dénomination aux pains que l'on distribuait aux chanoines de la collégiale de Saint-Merri. La mort de Théodose, au Ve siècle, laissait la princesse Pulchérie, sa sœur, maîtresse de l'empire d'Orient ; celle-ci n'attendit pas le consentement de Valentinien, empereur d'Occident, pour faire élire Marcien, qu'elle épousa, et ce mariage donna plus d'autorité à son règne. Mais la nouvelle impératrice chrétienne avait d'avance fait ses conditions, et Marcien s'était engagé à respecter la ferme résolution qu'elle avait prise de rester vierge. Ce régime, qu'on ne saurait adopter que sur parole, réservait l'innocence dotale, au lieu de la mettre dans la communauté, comme le premier des acquêts ; il fallait bien des conventions spéciales pour que le respect dans l'espèce ne pût pas être taxé de vice rédhibitoire à la première querelle du nouveau ménage. Convenons pourtant que l'âge respectif des conjoints rendait ce mode séparatif moins délicat à proposer ; moins discourtois à accepter et de plus en plus facile à observer pour l'avenir : la mariée était quinquagénaire et l'époux de son choix l'emportait sur elle de quelques lustres. Le pape saint Léon écrivit à l'impératrice, en l'an 452, pour rendre témoignage des services qu'elle avait rendus dans l'ancien monde à l'encontre des hérésies de Nestorius et d'Eutychès. L'année suivante, Pulchérie expirait, après avoir fondé divers églises, monastères et hopitaux. L'Eglise honore la mémoire de cette sainte, dont la fête est au 10 septembre, et la couronne qui lui reste est reconnue dans un monde plus vaste que son empire d'autrefois. Son image a trop voyagé pour que nous soyons étonné de retrouver à Paris une maison qui se mit sous son patronage. C'est le n° 7, dans la ruelle Brisemiche ; mais la petite porte de cette maison haute donne sur la ruelle Taillepain. Sa Sainte-Pulchérie portait le voile et le diadème à l'époque où Corneille fit une tragédie dont la principale héroïne était le même personnage. Nous croyons qu'une arcade attenait à cet angle et servait de fausse-porte à la petite rue y aboutissant. La maison, ruche actuelle de cabinets garnis, était sous la censive des chevecier, chanoines et chapitre de l'église collégiale de Saint-Merri. Les deux ruelles, d'ailleurs, ont fait partie du Cloître même de cette église, pourtour de maisons et de terrains encore plus canoniaux d'origine que les héritages qui se bornaient à relever du fief capitulaire. Celle Taillepain fut tracée à l'équerre ; mais deux grilles en tiennent la moitié en clôture. Ne ferait-on pas mieux d'y supprimer une estampille sur deux et de mettre : Impasse ? Par contre, la rue Brisemiche était d'abord le cul-de-sac Baille-Heu, que le XIVe siècle vit se défoncer, puis se prolonger en ligne plus droite que la rue Taillepain et prendre une dénomination ejusdem farinœ. Sauval rapporte, dans ses Antiquités de Paris, qu'un curé de Besons, mort en 1515, s'appelait Etienne Brisemiche, et il regarde comme possible qu'un des ancêtres, de ce curé ait eu pignon sur la ruelle dont s'agit. Elle comportait, du vivant de Sauval, 5 maisons, chacune d'elles brandissant sa lanterne ; mais, l'importance relative de cette illumination n'a pas éclairé la question étymologique. Nous ne doutons pas que les deux rues donnant l'une dans l'autre aient de leur confraternité d'appellation à une seule et même boulangerie. Le grand-panetier, de France pouvait avoir par-là sa manutention, vers le temps où Robert de Sarmizelles remplissait ces hautes fonctions. Seulement il est plus probable que le chapitre de Saint-Merri y faisait tout bonnement cuire et distribuer le pain qui se consommait dans l'étendue du Cloître. Les habitants de ce quartier, malgré son origine à part, ressemblaient trop à tous les autres pour se contenter du menu de la nourriture spirituelle, qui ne suffit, d'ailleurs, qu'aux anges. Les chanoines se donnaient si peu pour des êtres immatériels qu'ils veillaient eux-mêmes au grain, tout en demandant à Dieu leur pain quotidien ; d'ailleurs, ils n'entraient pas pour grand'chose dans la population de leur Cloître. Déjà l'élément féminin ne s'y produisait que trop en l'année 1387, puisqu'une ordonnance du prévôt de Paris expulsait du Cloître, à cette date, nombre de ribaudes, sur la prière du curé de Saint-Merri ; mais les bourgeois des rues Brisemiche, Taillepain et autres, où le commerce eût souffert de cet éloignement ; formèrent opposition à l'exécution de l'ordonnance, et le parlement se prononça contre le prévôt, par son arrêt du 21 janvier 1388. Sous Louis XI encore la rue Brisemiche, à cause de ses femmes folles ou ivrognesses de leurs corps, comptait parmi les rues prevôtalement soumises à une police, dont les autres étaient exemptes. M. Leroux de Lincy nous blâme de donner à l'occasion des renseignements de cette sorte ; mais la galanterie tient autant de place dans l'histoire de Paris que dans sa vie présente, et nous répondons aux critiques du plus prude ou du plus jaloux de nos confrères par cet apophthegme a de saint Louis : « Les Parisiens sont souvent enclins à paillardise et à baguenauderie, mais le cœur corrige leurs billevesées. » Depuis lors la rue s'est rangée ; mais elle n'a grandi qu'en sagesse, et sur plusieurs points encore elle se contente d'un mètre de largeur. On y compte deux ou trois fois plus de maisons que sous Louis XIV, bien que la plupart, à la division près, soient demeurées ce qu'elles étaient alors. Deux d'entre elles, qui n'en avaient fait qu'une et qui donnaient rue du Cloître-Saint-Merri et rue Brisemiche, appartenaient en 1702 Pline à Héliot de Boissy, écuyer, lieutenant pour le roi au Château-Trompette de Hordeaux ; et l'autre à Pajot d'Ardivilliers. La famille Le Clerc de Lesseville disposait de l'encoignure pareille. |
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