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RUE DE BUFFAULT
IXème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. Le prolongement de la rue Lafayette et celui de la rue olivier, dite après coup du Cardinal-Fesch, ont fait depuis deux larges trouées à travers la rue de Buffault. Origine du nom : Jean Baptiste Buffault était échevin lorsque cette voie fut ouverte (1782). M. Lenoir. – M. Buffault. – M. Lejeune. –
Castil-Blaze. – Charles Maurice. M. Mosselmann. – Saintine.
– Adolphe Adam. – Par un bail emphytéotique de 99 années, signé le 1er octobre 1775, Samson-Nicolas Lenoir prend un vaste terrain, à la condition d'y bâtir, des religieuses de l'hospice Sainte-Catherine, dont le fondé de pouvoir est Antoine-François Rossignol, prêtre et administrateur de l'hospice. L'archevêque de Paris contresigne au contrat, sans doute comme titulaire des droits de cens grevant le sol et pour entérinement seigneurial de la mutation. Du chapitre de Sainte-Opportune relève toutefois, dix ans plus tard, une autre suite de places à bâtir, adjacentes au lot de Lenoir et successivement adjugées à Pigeot de Carey, un avocat au parlement, et à sa femme, née Boullée. Les deux spéculateurs de demander ensuite la permission d'ouvrir une voie nouvelle, en prenant à leur charge la dépense du premier pavé ; le congé leur en est donné la seconde année du règne de Louis XVI, et ils obtiennent que la dédicace de la rue ait lieu au titre de Buffault, par gratitude d'avoir mené l'affaire à bien par le crédit de l'échevin de ce nom, chevalier de l'ordre du roi et son conseiller en l'Hôtel-de-Ville. Le percement de la voie isole l'une de l'autre les deux propriétés ; la rive gauche est à l'avocat, la rive droite au concessionnaire des hospitalières de Sainte-Catherine. Présentez-vous maintenant, bourgeois friands de parts toutes faites au gâteau ! Buffault, qui n'y gagne que la fève, doit mieux que cela à Mme Dubarry, dont le crédit lui a valu de bonnes positions : elle s'est généreusement souvenue, quoique favorite royale, d'avoir fait son apprentissage de modiste aux Traits-Galants, magasin tenu par la femme de Buffault dans la rue Saint-Honoré. Le protégé de Mme Dubarry est devenu directeur de l'Académie royale de musique, receveur-général des Domaines et même prévôt des marchands : sous sa prévôté ont été échevins Jacques Chauchat et Charles Richer, parrains aussi de deux rues du quartier. Les héritiers de Carey font crier au Châtelet, en 1791, les deux maisons n°ss 3 et 5, qu'il a fait construire et qui tiennent au terrain d'encoignure loué à M. de Cossé à cette époque ; dans l'adjudication sont réservés le cens et les droits seigneuriaux. Mais la propriété dont il s'agit ne se divise en deux que l'année 1844. Celles qui suivent sont, en général, un terrain encore vague à la mort de Pigeot de Carey. Le 7 n'a de, particulier que de servir d'habitation actuelle à M. Lejeune, rusé chasseur qui, pour son propre compte et comme prête-nom, poursuit avec passion son gibier favori : le débiteur solvable. Fossé, barrière, irrigation, aucun obstacle ne l'arrête dans sa course, et il met ses chiens sur les dents. Aussi que de malédictions sur la tête de ce braconnier, qui se passe de port-d'arme sans être garde-chasse ! Pourtant il a si peu la réputation de tirer sa poudre aux moineaux que chaque papier timbré qui se signifie à sa requête relève quelque peu le crédit aux abois du débiteur. Rarement on a mis le flair de Lejeune en défaut. Une fois néanmoins un de ses débiteurs avait si mal tourné qu'à l'échéance il fallait protester les billets de son bordereau au bagne. Le créancier n'était pas homme à reculer devant le supplément de frais occasionné par la complication du parlant à : le nouveau galérien lui paraissait de ceux que l'objet de leur condamnation à temps avait pu enrichir pour l'avenir. Mais, à l'expiration de sa peine, le maladroit escalada bientôt le mur d'un paysan, qui le tua d'un coup de fourche. Le journal raconta le fait, et Mme Lejeune en pleura ; heureusement Lejeune vint essuyer ses larmes en s'écriant : – Nous sommes sauvés ! L'homme a si mal fini parcequ'il avait manqué de toute prévoyance ; mais, pendant qu'il était galérien, sa femme légitime a fait fortune, grâce aux libéralités d'un sénateur dont elle est la maîtresse, et comme son mariage, faute de contrat, lui impose le régime de la communauté, la succession du mari est ouverte. En 1792, Délaissement, menuisier, s'est rendu adjudicataire d'un compartiment pour élever le n° 9, où a cessé de vivre l'an dernier Castil-Blaze, musicien, auteur dramatique et journaliste. L'entresol du 19 est à jours d'ouverture cintrée, et des balustres de pierre garnissent les croisées du premier ; c'est là que Charles Maurice, homme de lettres plus érudit que ses écrits ne l'ont fait paraître, a rédigé son Courrier des Théâtres au commencement du règne de Louis-Philippe. Vers le même temps a été édifiée ou refaite la maison qui suit, pour Mosselmann ; or cet ancien épicier, plusieurs fois millionnaire, n'a pas craint de servir lui-même ses maçons, afin que l'œil du maître fût d'accord avec ses épaules pour se rendre compte du choix des matériaux, avant que la main-d'œuvre en eût fait l'assimiliation. Susse, marchand de bois, acquéreur de Pigeot de Carey ou de ses hoirs, a cédé en 1808 à un entrepreneur, appelé Molloy, de quoi mettre debout le 23, dont un petit jardin sépare encore à notre époque les deux corps de bâtiment : Saintine, l'auteur de Picciola, y demeurait en 1845. Le 25, nain, passé géant, s'est d'abord contenté d'un seul étage, qui depuis treize ans ne lui vient plus qu'aux genoux. De l'autre côté de la rue, les propriétaires sont enclins beaucoup moins aux réparations ; chaque fois qu'ils vont porter la redevance emphytéotique semestrielle au bureau de l'Assistance publique, administration subrogée dans tous les droits de l'ancien hospice Sainte-Catherine, ils ont encore six mois de moins à demeurer propriétaires. Le bail n'expire-t-il pas en 1874 ? Les Hospices reprendront, au jour et à l'heure dits, les constructions et le terrain, tel que l'a mesuré un procès-verbal de bornage, dressé. en 1770 par Persard et Payen, architecte-experts, en présence de Rossignol, pour le côté appartenant à Sainte-Catherine, et de Pigeot de Carey, pour le côté où se suivent nos chiffres impairs. La toute-propriété à gauche, l'emphytéose près de son terme à droite : cette inégalité de conditions n'explique-t-elle pas assez que les frais d'entretien soient plus épargnés ici que là ? Voyez déjà une masure qu'on a absolument abandonnée, le n° 18 ; quoique ce fût l'objet d'un procès entamé ! Un petit hôtel garni, portant le même nom que la rue, donne aussi la mesure d'un triste laissez-aller : Lasciate ogni sperania. Le 30 et le 32, maison meublée plus consolante, n'ont comme le précédent, qu'une moitié d'étage ordinaire et un bout de jardin : ah ! comme on se dépêcherait de bâtir au fond et de surélever la façade, si ce n'était pas travailler pour le roi de Prusse ! Le 6 bis, logis d'ouvriers, ne compte pas pour se relever sur son principal locataire, qui est la matrone de la maison de tolérance voisine. La propriété dans laquelle Adolphe Adam, que nous avions pour ami, a récemment rendu le dernier soupir, fait exception : elle porte le deuil en blanc. On en a même récrépit tous les murs, redressé les planchers et repavé la cour oblongue, au moment où le musicien y arrêtait un appartement sur le derrière, et l'on eût dit que c'était pour lui faire honneur : ! Ce n° 24 n'est pas le seul qui ragoûte encore la vue ; mais la majorité des autres fait le contraire. Le 2, que Lenoir a fait bâtir, garde un premier étage qui se respecte. Les êtres et le balcon du 22 trahissent l'ancien hôtel particulier. C'est, je crois, la maison qu'occupait en l'an VII Rœderer, qui avait provoqué aux Etats-Généraux l'abolition des ordres monastiques. Il y a de cela trop longtemps pour que, le numérotage soit encore le même : Rœderer donnait son adresse n° 13. Le général Gérard a résidé au 26, après avoir épousé Mlle de Valence, la petite-fille de Mme de Genlis. C'était sous la seconde restauration. Gérard se trouvait sans emploi, bien qu'il eût été l'un des généraux chargés de présenter au roi la soumission de l'armée en 1815. On sait que Louis-Philippe lui a donné depuis le bâton de maréchal ; mais il n'habitait plus alors l'hôtel, où l'avait remplacé comme locataire le coulissier Saucède, patron du passage de ce nom, et qui a mangé 6 millions dans différentes entreprises. Cet immeuble, au surplus, n'est jamais sorti de la famille de son artisan, c'est-à-dire de David, entrepreneur des bâtiments de l'hospice Beaujon.
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