Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE DES CARMES
Vème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1858. Au moment où l'Union (numéro du 24 avril 1858) donnait à ses lecteurs la primeur de cette notice, le vent de la démolition soufflait avec fracas dans la rue des Carmes croisée par la nouvelle rue des Ecoles ; celle-ci, tout en déployant son envergure aux dépens de l'ancienne, daignait y faire entrer dans son plumage, dès le premier duvet, une aile de l'ancienne rue de Judas. Pareillement, au bas de la rue des Carmes, celle des Noyers a mué au profit du boulevard Saint-Germain. Le prolongement de la rue Du Sommerard, ci-devant des Mathuzins-Saint-Jacques, a ouvert plus récemment une autre parenthèse dons l'alinéa des numéros pairs. Tant d'accointances nouvelles imposaient un abaissement de niveau et un élargissement dont les amorces donnent lieu à deux sortes d'inégalités. Ouverte sous le nom de rue du Clos Bruneau, elle a porté plus tard le nom de rue Bruneau, puis celui de rue Saint-Hilaire (1322). Origine du nom : Les Carmes s'y étaient établis en 1318.

Collèges de Laon, de Presles et des Lombards.

Pour faire place à la rue des Écoles, les n°s 7, 9, 11, 13, 15 et 17, 16, 18, 20, 22 et 24 de la rue des Carmes vont disparaître. Les locataires de ces vieux bâtiments ont tous effectué, le 15 du présent mois d'avril 1858, leur déménagement définitif, et la démolition est commencée.

La petite et montueuse rue des Carmes, percée vers 1250, porta d'abord le nom du Clos-Bruneau, sur lequel elle s'était ouverte ; mais, lors de l'avénement des Valois, on l'appelait rue Saint-Hilaire, parce qu'elle aboutissait à l'église placée sous cette invocation. Les grands-carmes, dits aussi les carmes de la place haubert, s'y établirent en 1318, au point où se trouvent aujourd'hui et la rue Basse-des-Carmes et le marché. Ces religieux à manteaux barriolés avaient acheté les bâtiments du collège de Dace, fondé par un Danois sous Philippe-le-Hardi, et ils en revendirent une portion au collège de Laon. Dans la même rue, au surplus, se tinrent plusieurs écoles mémorables.

Les numéros impairs, parmi ceux dont le deuil commencerait pour l'édilité parisienne, si elle en avait moins à porter du même genre, répondent à l'ancien édifice du collège de Laon et à ses dépendances. L'histoire de cet établissement n'est fixée par aucun des livres vieux ou nouveaux ; il nous faut recourir, pour en donner le précis, à ces documents inédits, bonnes fortunes de l'explorateur, qui sont épars dans les archives de l'Empire, de l'Université et de la Ville.

Gui, chanoine de Laon et de Saint-Quentin, trésorier de la Sainte-Chapelle de Paris, applique dès l'an 1303 à des écoliers pauvres, nés à Laon, étudiant à Paris, 22 livres parisis de rente sur la prévôté de Laon ; par cette assignation il remplit, fidèle exécuteur testamentaire, le vœu de Huard de Courtegis : cette rente doit servir de première pierre à l'édifice d'un collège de Laon, que ledit Stuard a eu l'intention de fonder. Un peu avant la fin du règne de Philippe le Bel, Gui s'asso-cie à Raoul de Presles, avocat secrétaire du roi, pour ouvrir à la fois, sur le mont Sainte-Geneviève, deux maisons, fondations distinctes, en dépit de la vie commune des vingt-huit écoliers de Laon et de Soissons qui y sont défrayés : la provision, pour ceux de Laon, consiste en une rente de 100 livres et des maisons rue Saint-Hilaire.

Mais les deux créateurs, qui ont trop présumé de l'amitié qui les unit en voulant qu'elle fût transmissible, séparent les deux collèges, en l'an 1323 ; ils chargent leur ami Thomas de Marfontaine, conseiller de Charles IV, de procéder à un partage, et cet arbitre prend conseil du légiste, Pierre de Cugnières. Les boursiers de Laon en sont réduits d'abord à l'emplacement que plus tard a occupé le collège de Lisieux ; ceux de Presles gardent la chapelle et la plupart des constructions, à condition de servir 24 livres de rente à l'autre communauté.

Aux termes des statuts, mis en vigueur dans celle-ci en 1327, et qu'Albert de Laon déclare d'inspiration divine lorsque deux ans après il les confirme, les écoliers doivent avoir atteint l'âge de puberté, être aptes à prendre les degrés de la faculté des Arts et assez pauvres pour que leur revenu, soit comme patrimoine, soit comme bénéfices, n'excède pas, 8 livres parisis. Seize boursiers, nommés pour sept ans et par l'évêque de Laon, doivent élire leur principal, ainsi que leurs procureurs, qui rendront chaque année des comptes. La nourriture pour chaque élève est évaluée 3 sols parisis par semaine, avec variante facultative, selon la hausse ou la baisse du prix des denrées ; la dépense en est suspendue pendant les vacances, c'est-à-dire de la Saint-Jean à la Saint-Rémy, excepté pour le principal, le chapelain et deux boursiers, commis à surveiller les bien communs.

En mai 1328 meurt Gui de Laon, et des contestations s'élèvent entre le collège et la succession du cardinal de Bruges, dont le défunt a été l'administrateur. Gérard de Montaigu, autre avocat du roi, chanoine de Paris et de Reims, exécuteur des dernières volontés du trésorier de la Sainte-Chapelle, détermine une transaction ; puis il parfait l'œuvre du fondateur, en dotant la communauté de l'hôtel du Lion-d'Or, qu'il habite, rue Saint-Hilaire, près du collège de Dace, dont tout n'est pas cédé par les carmes aux boursiers de Laon. Montaigu donne, en outre, 300 livres aux seigneurs religieux de Sainte-Geneviève, pour permettre le transfert des écoliers à l'hôtel du Lion-d'Or, déplacement qui s'effectue en cérémonie le 8 octobre 1340, avec l'approbation de Roger d'Armagnac, évêque de Laon.

Foulques, évêque de Paris, accorde, le 18 juillet 1342, la permission d'y ouvrir une chapelle. Les bâtiments abandonnés sont dans un si mauvais état que le cardinal de Dormans, fondateur d'un autre collège, en traite pour 14 livres de rente. Eh bien, le Lion d'Or est ce même édifice que rase à l'heure qu'il est la grande rue des Ecoles (rue des Carmes, n° 7, 9 et 11).

L'exemple de Montaigu est suivi par des bienfaiteurs, pieux ou savants, qui successivement dotent le collège de Laon, en y fondant des messes ou des bourses. Parmi ces donateurs nous remarquons :

Ce rappel ne suffit-il pas pour nous initier à la vie et à la raison d'être des petits collèges d'autrefois ? Ne voit-on pas avec plaisir que souvent les boursiers, les officiers d'une pédagogie se gardaient d'oublier, s'ils arrivaient à la fortune, les bancs où ils avaient appris à s'en passer ou à s'en servir noblement ? Outre les principaux du collège de Laon dont les noms figurent ci-dessus, il en est quelques-uns dont l'administration laissait de bons souvenirs à l'université de Paris. Par exemple : Louis Dubois, aumônier de Louis XIV ; son successeur, Philippe Dormay, oncle du capitaine Laffilet susnommé ; Le Comtle, qui gouverna la maison durant la Régence ; David, dont le commencement du règne de Louis XV vit la principalité.

La suppression des petits collèges, ordonnée par le parlement en 1763, n'a renvoyé à Louis-le-Grand, érigé en chef-lieu des bourses de ces collèges, que trente boursiers, dont douze théologiens, pour celui de Laon, principal et chapelains compris, au lieu de quarante-quatre, chiffre où s'élevaient les diverses fondations. Les rentes ayant subi, depuis quatre siècles, plus d'une réduction, des économies sur les charges avaient été indispensables.

Ses vastes bâtiments n'étaient plus occupés, exclusivement par le collège de Laon, au moment de cette réunion ; il y avait aussi pour locataires des particuliers. Les élèves passaient déjà rue de la Montagne-Sainte-Geneviève par une seconde issue, qui faisait presque une rue des cours. Le principal tirait 1,500 livres du corps de logis du milieu, qu'occupait encore il y a quelques jours un barbier qui, tous les dimanches, rasait à peu près mille mentons, et dont le gigantesque lavabo comportait seize cuvettes. Le chef de cette usine jouissait d'un jardin qui avait servi à un pensionnat de jeunes filles. L'occupant des mêmes lieux, sous l'Empire, était un vacher, et la Ville s'en trouvait d'avance propriétaire, comme pour faciliter tôt ou tard l'expropriation.

Les trois caduques propriétés qui suivent et dont la dernière heure sonne également, n'ont-elles pas leur pierre à léguer au monument que nous élevons ? Elles figurent au nombre des dix-sept maisons possédées en ville par le collège de Laon à l'époque de sa fermeture. La première, placée sous la censive des chanoines de Saint-Benoît, avait pour enseigne la Corne-de-Cerf ; la confrérie de Saint-Yves en disposait sous Charles VII ; elle produisait 716 livres en 1763.

La seconde, grevée d'un cens au profit de Sainte-Geneviève, répondit à l'image de Saint-Marc et au Nom-de-Jésus ; construite, comme la précédente, sur les dépendances du Lion-d'Or, elle était divisée en deux avant 1731, époques où ses loyers montaient à 688 livres ; en dépit de la décrépitude de ses murs, qui était avérée déjà en 1763, elle rapportait encore 663. livres, exploitée en hôtellerie de bas étage ; l'abbé Fourneau, comme administrateur des bourses des collées supprimés, en passait bail à un relieur six ans plus tard.

A la porte de la troisième desdites maisons, laquelle fait le coin de la sinistre rue du Clos-Bruneau, dite précédemment de Judas, pendait jadis une Epée-de-Bois, que remplaça une Sainte-Catherine ; ce n'était le 17 décembre 1519, jour où le collège de Laon, en donnait 100 pistoles, ce n'était qu'une étable, avec un lopin de terre par-derrière, en la censive de Saint-Marcel du côté de la rue des Carmes et de Sainte-Geneviève sur la rue de Judas.

Quant au collège de Presles, frère jumeau de celui de Laon, nous retrouvons ne 6, 8, 18, 12 et 14 ses bâtiments, dont la plupart, composent une caserne, en face du marché établi en 1813. Raoul de Presles fut arrêté par l'ordre de Louis-le-Hutin, comme complice de Latilly, chancelier de France ; on ne le reconnut que plus tard innocent de l'empoisonnement de Philippe-le-Bel, et Philippe-le-Long l'anoblit, le chargea d'affaires, en montrant plus de confiance encore à Jeanne de Presles, sa parente, dont les royales amours contribuaient du moins à réhabiliter une famille taxée injustement de régicide.

Laon avait vu naître Raoul, Jeanne de Chastel, sa femme, coopéra avec lui à la fondation du collège, qui fut aussi dit de Soissons, et les boursiers lui durent une maison, placée sous la censive de l'évêque, et qui n'est plus, de nos jours enclavée dans la même propriété : Chaulet, marchand de vin de la rue Saint-Jean-de-Beauvais, père de Mme Tardu, propriétaire actuelle, acheta de la Nation en l'an VI cet immeuble, maintenant le n° 6. Raoul de Presles, sieur de Lisy, personnellement donna, entre autres choses, à sa communauté de treize boursiers, plus deux chapelains : 1 le bois de Lisy, près Château-Thierry, dont les héritiers d'Enguerrand de Couci, lui avaient fait hommage ; 2°, trois maisons, rue des Carmes. Ce roi lui-même dont Raoul fut le secrétaire gratifia le collège de 24 arpens de bois. Nous posons donc les jalons de l'histoire d'un établissement de fondation royale.

Bernard Hémard, principal de presles au commencement du XVe siècle, acquiert de Raoul Maquerel la terre d'Amigny, tenue en foi et hommage du sire de Couci ; surintendant des finances de Charles VI, et puis le fief du Mets, relevant du duc d'Orléans, dont Couci est aussi le chambellan. De ces biens sont dotés le collège ; mais le bienfaiteur ne veut pas y créer de nourses nouvelles ; il se borne à ordonner qu'on prenne à l'avenir quatre boursiers dans sa famille, ou dans celle de Godefroid Bouillé, ancien principal du collège, ou bien natifs de Saint-Pierre-de-Vitry, et il impose à ces quatre étudiants le culte particulier de la Sainte-Vierge, à laquelle n'est pas moins dévot Louis XI, qui règne alors.

Jean Pinchard succède à Hémard, lorsque l'occupation anglaise a diminué les revenus de la maison et par suite le nombre des boursiers, lacunes qu'il prend à cœur de remplir ; il meurt le 28 octobre 1470, léguant à la communauté ses meubles, sa bibliothèque, et des biens-fonds, dont sept maisons dans la rue du collège. Au nombre de celles-ci figurent les n°s 16, 18, 22 et 24, que les pioches ont déjà décapités de leur toiture au moment où j'écris.

A la mort de Pinchard, on a laissé la jouissance viagère de deux de ces corps de bâtiment, où pendait un Sauvage, à son neveu, Pierre Pinchard, chanoine de Saint-Cloud ; puis le médecin Jean Le Reuil les a pris à loyer. Les deux autres numéros cités ont répondu à l'image de la Bouteille, puis à celle de l'Etoile ; affermés de même à Le Reuil, ils n'ont plus fait dès lors qu'une propriété avec les précédents, en arborant de concert le Croissant-d'Argent. Le tout a été loué plus tard par un tailleur, qu'y a trouvé le bureau d'administration des petits collèges, lors de leur réunion, sous la grand'maîtrise de Fourneau, en 1763.

Du 26 au 38, toutes les propriétés ont fait partie du même legs et seigneurialement relevé de Saint-Marcel. On y a remarqué, presque en face du 23, la Petite-Caille, baillée à rente en l'année 1608 à Desjardins, sous la condition de la rebâtir ; ce tenancier y a établi par-derrière un jeu de paume, que le collège a repris à fin de bail. Un autre principal, Nicole Le Sage, assure qu'il lui est dû par la maison, en 1553, la somme de 2,099 livres ; mais il en fait l'abandon par testament, à la condition que son âme participera aux prières de ses obligés.

En ce temps-là le collège de Presles et celui de Beauvais, qui ne sont séparés que par un mur, se rapprochent encore plus l'un de l'autre par fine amitié réciproque dont sont animés leurs élèves ; si bien que le principal de Presles Pierre Laramée, célèbre sous le nom de Ramus, s'entend avec Orner Talon, principal de Beauvais, pour qu'une porte soit ouverte entre les deux cours respectives. Ramus, ancien élève de Navarre, puis maître de logique à l'Ave-Maria, a commencé par démontrer qu'Aristote n'est pas infaillible, mais en affichant la même indépendance au point de vue religieux de la Réforme ; aussi Antoine de Gouvéa, barbiste de cette époque, a-t-il dénoncé les tendances impies et séditieuses des écrits et des leçons de ce maître, auquel Henri II a interdit l'enseignement de la philosophie.

Ramus donne des leçons de dialectique aux étudiants de Presles, et ceux de Beauvais en profitent. La Sorbonne, qui s'émeut du succès de son cours, travaille à l'expulsion du principal de Presles ; mais le cardinal de Lorraine fait rapporter l'arrêt prohibitif, et Ramus est nommé professeur de philosophie et d'éloquence au collège de France, en dépit de l'université, qu'il menace elle-même d'idées rénovatrices. Charles IX, qui a reçu directement la communication d'un plan à cet égard, ne craint pas de donner, à Fontainebleau, un asile sûr au maître incriminé d'avoir enlevé de la chapelle de Presles toutes les images des saints ; cependant les gouvéistes forcent la porte du principal, qui n'est pas à son poste, s'en prennent à ses livres, n'épargnent même pas ses meubles.

Avec la bibliothèque particulière de Ramus, disparaît celle que Jean Péna, son élève, a léguée au collège , en 1550 avec une somme de 600 livres pour la fondation d'une bourse. Tantôt il revient, reprend ses cours ; tantôt il se réfugie au camp de Condé, ou bien à Heidelberg, selon que la politique de Catherine de Médicis élargit ou restreint la tolérance religieuse. Par malheur, il est rue des Carmes la nuit de la Saint-Barthélemy, et il se cache dans les caves du collège ; on l'y poursuit, il veut racheter sa vie ; rançon est acceptée, payée, et néanmoins le poignard fait son œuvre ; le corps de l'illustre pédagogue est ensuite traîné dans la boue, et par qui ? par des écoliers.

La principalité de Presles passe de Médard Bourgeotte à Quentin Hoyau, qui cède en 1616 à Jean Granger, principal de Beauvais, la direction de l'exercice des classes pendant sa vie, et le mur de séparation est jeté bas entre les deux collèges : leur temporel n'en reste pas moins distinct. L'an 1640, Granger résigne les honneurs de la supériorité générale entre les mains d'Antoine Moreau, principal de Presles, successeur de Charles Morel ; à la mort de Moreau, en 1679, il s'élève des contestations, à l'issue desquelles nos boursiers cèdent à l'autre communauté une portion de leur cour et deux corps de logis, où se, trouve leur chapelle, moyennant 2,000 livres, et cette somme s'ajoute à celle de 4,000, qui a été léguée par le chanoine Hannecaut, ainsi que ses livres, pour relever ladite chapelle, avec bibliothèque à l'étage supérieur ; aux termes du même acte, Beauvais se charge seul, pour l'avenir, de l'exercice des classes. C'est ainsi que l'institution de Raoul de Presles tombe à l'état de collège dépourvu de plein exercice ; mais le mur de séparation est relevé par la sollicitude du célèbre Rollin.

Les derniers principaux de Presles que nous connaissions sont : Louis Levasseur (1693) ; Pierre Raboeuf (1703) ; Millet (1713) ; Simon Derveau, docteur en Sorbonne (1720). Leurs élèves non boursiers payent 3 livres par semaine en temps ordinaire, et 4 pendant le carême ; mais la fourniture du vin, du pain, du bois, de la chandelle, etc., n'est pas comprise, dans le prix de la pension.

Un peu avant la suppression de son autonomie (1763), cette, pédagogie, dont le domaine demeurait réduit de ce qu'en avait acheté Beauvais, n'avait plus que 1300 livres de revenu fondamental ; mais il y restait, dans la censive de l'archevêque, de quoi loger boursiers et chapelain, réfectoire, cuisine, etc. En 1781, il y avait à Louis-le-Grand dix-huit boursiers de Presles, les biens de cet ancien collège rapportant alors 11,169 francs. Enfin la Nation vendait aux enchères, le 3 thermidor an IV, les bâtiments de l'établissement supprimé.

Autre collège, celui des Lombards, vers le haut de la rue, à gauche ; 1334, date de sa fondation, due au cardinal André de Chini. Son édifice tombait en ruine lorsque deux prêtres irlandais, sous Louis XIV, le firent reconstruire toutefois ses bâtiments et sa chapelle, que nous laisse voir la porte cintrée du 23, furent de nouveau rétablis sur les dessins de Boscry, vers, 1760. Ordre corinthien, portail, porche elliptique, colonnes et pilastres ioniques, entablement, fronton brisé, rien ne manque encore à l'extérieur de cette chapelle, que les armes de l'abbé de Vaubrun, qui figuraient dans le tympan. Lorsque l'on eut gratté cet écusson, les bâtiments furent confisqués sur le collège des Irlandais, qui en avait fait son annexe. La restitution de Louis XVIII permet qu'ils appartiennent à la maison des Irlandais, Anglais et Ecossais réunis ; mais le tout en est transformé en magasins pour des libraires-éditeurs.

Livres en feuilles tenus au frais, à l'ombre de souvenirs scolastiques, vous gardez un parfum modeste, mystérieux, que l'assemblage et la reliure vous feront perdre sous la poussière dissolvante des rayons de bibliothèque ! Pourquoi faut-il qu'il se mêle, rue des Carmes, à cette senteur de passé et d'avenir, l'arôme trop présent du vieux linge et des habits en loques, pendus à maintes portes de marchands de chiffons ? Le vestiaire, lui aussi, se tire à plus d'une édition, tant que l'étoffe ne fait pas défaut : tel pan de redingote usée deviendra casquette des dimanches, et telle chemise hors d'usage, insuffisante pour un suaire, sauvera encore plusieurs blessés, une fois effilée en charpie ; tel morceau de peau fait pitié, qui a déjà servi de selle, de tablier ou de plastron ; et qui passera gaine ou gant de gendarme, avec une souplesse qu'envient les immuables clichés de la typographie.



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