|
|
|
||||||||||||
RUE DES CANETTES
VIème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison
par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)
Notice écrite en 1858. Elle existait au XIIIe siècle sous le nom de rue Saint-Soulpice ; dénommée plus tard rue Neuve Saint-Sulpice, puis rue des Canettes (1636). Elle aurait été appelée rue de Viracoublé et rue du Trou Punais. Origine du nom : Ancienne enseigne existant encore au n° 18 de la rue. Que si nous procédons à un nouvel appel, il y aura déclaration d'absence pour au moins une des deux propriétés Le Rebours. En effet, depuis que la rue du Four a pris du ventre, s'est élargie sur un seul point, notre rue des Canettes boite de la jambe droite, dont le pied laisse le pied gauche en arrière. Le n° 19 d'à présent appartenait, ainsi qu'une maison contiguë, à la succession Prévost lorsqu'en 1716 Jean Barbet dit Saint-George, sergent aux gardes-françaises, en fit l'acquisition, pour le laisser après lui à sa veuve. Le 16 et le 18 furent bâtis vers la fin de la Régence par Phelippon, sur l'emplacement d'un hôtel dont l'enseigne y est conservée : ce bas-relief en pierre, qui représente des canes nageant sur un étang, a valu à la rue Neuve-Saint-Sulpice de passer définitivement en 1661 rue des Canettes. Le maître-maçon spéculateur n'avait épargné ni la pierre de taille, ni le bois, ces matières premières déjà chères, ni la serrurerie pour garniture, ni la sculpture, faite pour engager des gens de qualité à se rendre ses locataires ; mais il fut obligé de vendre à Moreau la plus petite de ses propriétés, pour jouir fort peu d'années de la plus grande : l'argent qu'il avait emprunté pour bâtir, grâce à des arrérages montait toujours, et avait engagé d'avance l'une et l'autre. Dans une des boutiques qu'on y trouve, Mme Cardinal a fondé en 1818 un cabinet de lecture fort digne d'être promu au rang de bibliothèque des romans ; tous les ouvrages de ce genre, après avoir fourni inégalement leur carrière locative, survivent à leur succès, comme objets de curiosité, dans la collection-Cardinal, au lieu d'être mis au pilon : le chef de cet établissement se regarde comme le sacristain commis à la garde d'Un trésor qui embarrasserait fort dans une église : le nombre des reliques y va toujours croissant, en raison inverse des fidèles ! L'hôtel garni qui fait son profit de l'enseigne patronymique de la rue, est aussi l'ancienne maison Ferret, possédée en 1788 par Goguier de Chaligny de Pleine, docteur en Sorbonne. Egalement susnommés sont les héritiers
Le Couvreur, et néanmoins la mense abbatiale de Saint-Germain-des-Prés
était propriétaire de l'immeuble n° 20, qui tenait aux
religieuses de la Miséricorde par-derrière : les Le Couvreur
n'en avaient que l'usufruit, par emphytéose. Les leçons y étaient données, en 1760 : par M. de Jouan, écuyer du roi, pour la voltige ; par M. de Ménil-Hury, maître de mathématiques, demeurant aux écuries d'Orléans, rue Vivienne ; par M. Motet, maître en fait d'armes, logé à l'académie ; par M. Chartier, maître à danser, habitant la rue de la Comédie-Française (rue de l'Ancienae-Comédie), et par M. de Aval, qui venait de la rue Saint-Honoré, près le Palais-Royal, pour faire faire aux élève l'exercice militaire. L'aumônier de la maison était l'abbé de Lacour. On y prenait des jeunes gens en demi-pension ; on recevait même des externes, qui ne venaient qu'à l'heure des leçons. La pension entière était de 1500 livres par an, et si l'élève avait avec lui un gouverneur, c'était 700 livres de plus ; un valet de chambre, 500 livres ; un laquais, 400. Il se payait, en outre, 200 livres de bienvenue, qu'on appelait les entrées. Un gentilhomme qui n'avait pas passé par une école de ce genre n'était, toute sa vie, qu'un hobereau de campagne. La même académie avait fleuri sous la direction de Vendeuil, au beau milieu du règne de Louis XIV, et François-Anne de Vendeuil, chevalier, seigneur de Courbevoie et de Stelfaye, écuyer du roi, succédait lui-même à Desroches. Roquefort et d'Auricour y étaient écuyers avec Vendeuil, qui payait le loyer de son académie de manège aux moines de Saint-Germain-des-Prés. Les dames de la Miséricorde avaient mis cette abbaye en possession des lieux à leur place, pour se libérer de leurs dettes, déjà payées par lesdits religieux, mais au moyen d'un prêt de 62,835 livres fait par François d'Argouges. A cette créance s'ajoutaient 3,000 livres, prêtées par les bernardines du Précieux-Sang de la rue de Vaugirard à la mense abbatiale, en 1687, pour réparer et augmenter les bâtiments de l'académie, qui n'en occupa la totalité que pendant un temps. Après M. de Jouan, M. de Nesmond, frère de l'évêque de ce nom, et qui avait servi avec honneur dans la marine, eut pour hôtel l'ancienne académie, qui ne tarda pas beaucoup à menacer ruine. L'abbaye, voulant amortir des rentes constituées sur la mense et dont le capital excédait 300,000 livres, entra à son tour dans la voie des aliénations et céda la propriété dont nous parlons, moyennant 160,000 livres, à Jacques Herbert, fermier des coches d'Orléans, qui la vendit ensuite à Dulau, curé de Saint-Sulpice, pour la formation de la place. Revenons maintenant à l'aile gauche. Les façades y sont encore moins changées que sur l'autre aile et retrouvent respectivement d'anciens maîtres dans le tableau produit au début. Celle qui suit l'hôtel des Canettes a supplanté l'habitation de Jacques Caffiéri, sculpteur du roi, et de ses fils, Philippe et Jean-Jacques, qui ont aussi illustré le nom l'aïeul de ces derniers, Philippe Caffiéri, avait lui-même initié leur père aux secrets de leur art, s'était allié aux grandes familles de Rome, et Mazarin l'avait appelé eu France, Colbert l'avait logé aux Gobelins. Leur propriété de la rue des Canettes venait aux Caffiéri de Mme Rousseau, fille d'un marchand de vin de la cour et femme de Caffiéri II ; bâtie pour Barre, maître-brodeur, elle avait fait partie, comme sol, d'un grand terrain, acheté du prince de Tournon, comte de Roussillon, grand-sénéchal d'Auvergne, par les frères Saulier. Jean-Jacques Caffiéri est l'auteur des bustes de Corneille et de Piron (au foyer de la Comédie Française,) de Quinault et de Lulli (à l'Opéra) ; ses élèves n'étaient pas seuls à reconnaître le caractère misanthropique du maître ; ses collègues de l'Académie avaient appris à ne compter que sur sa mauvaise humeur, et chaque fois qu'il y avait dans l'urne une seule boule noire, tous les autres votants de dire : — C'est le jeton de présence de Caffiéri. A la porte du 11, du temps de l'abbé Huerne, il pendait encore Deux-Épées, et au 19, maison de Mme Seigneur, un Dauphin ; du 15 avaient fait bail les religieuses du Précieux-Sang à Miot, chirurgien, et Charlier disposait de la construction qui vient après, refaite depuis sans perdre sa petite niche. Du 19, avant une épicière, avait été propriétaire Liennard, brodeur. L'autre coin de la rue Guisarde avait déjà ses cinq étages sous Louis XIV ; Dufresne, valet de chambre du duc d'Orléans, époux d'Elisabeth Branchu, y avait précédé la même dame Le Couvreur, propriétaire du premier coin et épicière. Or il existe encore dans la maison un magasin d'épiceries. Regnaud-l'Oficial, autre brodeur, avait vendu l'an 1668 au Grand-Bureau des Pauvres, prédécesseur des Petites-Maisons de la rues de la Chaise, l'immeuble 23. Quant aux propriétés de Rémy et de la veuve Brossard, dont le mur tout nu faisait angle où se trouve maintenant la place, elles furent acquises par Languet deGergy et Dulau, successivement curés de Saint-Sulpice. Le commerce au XVIIe siècle était prospère dans la rue des Canettes, à cause du voisinage de la foire Saint-Germain : on y trouvait des boulangers, des ébénistes, des vinaigriers, des traiteurs, des fourbisseurs d'armes, aussi bien que des gentilshommes, beaux cavaliers, des procureurs, des artistes, des abbés.
|
|
|||||||||||||
:: HAUT DE PAGE :: ACCUEIL |
|