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RUE CASSETTE
VIème arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1858. La rue de Rennes n'allait alors que de la rue de Vaugirard au boulevard Mont-Parnasse ; son prolongement est venu écharper la rue Cassette, au point de faire sauter ses n°s 1, 2, 8, 4, 6, 7, 8, 10, 12, 14, 16 et 18. Seulement on retrouve dans le 76 actuel de la rue de Rennes presque tout l'ancien 8 de l'autre, où sont rebâtis l'ancien 16 et l'ancien 18, appelés à porter les chiffres 2 et 4. Anciennement, ruelle de Cassel (1412), chemin de Poulignis (1523), rue de Cassel (1547), grant rue de Cassel (1561), puis, par corruption, rue Cassette (1570). Avant le percement de la rue de Rennes, la rue Cassette s'étendait jusqu'à la rue du Vieux Colombier. Origine du nom : L'Hôtel de Cassel y était situé. MM. Gaume. – M. Barthe. – M. Froelicher. – Mme Guyon. – Les Finances d'un Couvent en 1709, puis en 1790. – Les Peintres. – Les Libraires. – M. Arachequesne. – M. et Mme de Salvandy. – Le troisième Consul. – Le Maréchal de Brissac. – Le Concert. – Les d'Hinnisdal. – Le Rapt sans Ravisseur. Les héritiers de la marquise de Flers ont vendu, vers 1844, l'immeuble n° 4, datant d'un autre siècle, à M. Gaume, qui a maintenant son fils pour successeur comme libraire-éditeur. Le moyen que ce nom ne rappelle pas l'anathème lancé par l'abbé Gaume, frère de Gaume père, sur la littérature païenne ! Mais l'école romantique en avait déjà fait autant à un point d'e vue différent, et le Dictionnaire de la Fable n'est pas le vade-mecum, que nous sachions, de l'école réaliste, qui l'emporte aujourd'hui en fait de littérature, d'art ; de mœurs et de gouvernement. Quoi de plus réel que l'argent ! Que voyez-vous de fabuleux dans le culte de la cassette ? Tout le paganisme de nos jours est là. Mais jamais temple n'a desservi cette idolâtrie dans la rue qu'un hôtel de Cassel, connu sous François Ier, a fait nommer par corruption Cassette. La bicoque du n° 3 n'a jamais eu pour coffre-fort qu'une tirelire, et que de fois encore n'a-t-il pas fallu la casser ! Le 7, hôtel de M. Barthe, ancien ministre, président de la cour des comptes, a été pendant tout un siècle, ainsi que le 5, aux Rocher de Bazancourt, y succédant eux-mêmes à des religieuses. De quel couvent ? M. Barthe l'ignore. Avant la Révolution, une maison qui changeait de maître apportait toujours au nouveau des parchemins, établissant comment et à quelles dates l'avait prise et quittée chacun, de ses anciens maîtres ; mais les nombreux immeubles qui ont fait retour à l'Etat, pendant le grand interrègne, en ont reçu des livrets tout neufs, quelque curieuse que pût être leur histoire, lettre close pour les ayant-droits de cet auteur hors ligne. Là en est le n° 8, dont la grande cour, ombragée de tilleuls, dessert divers corps de logis. N'était-ce pas le couvent des religieux de Notre-Dame-de-Saint-Joseph, qui, pour sûr, habitèrent la rue avant qu'une portion du 8 fût occupée, au milieu du XVIIe siècle, par Marie Zoccoli, sous-gouvernante des enfants de France, veuve de Robiecq, baron de Palier, étant venu lui-même après les auteurs de ses jours ? Un escalier convenablement ferré tournoie entre les murs du local actuel d'une imprimerie, le n° 9, qui appartenait sous Louis XV à Rissoan, un pharmacien. Le censier de Saint-Germain-dés-Prés mettait, d'ailleurs, au XVIIe siècle encore plus de fournisseurs que plus tard, et jusqu'à des valets de chambre de grande maison, au hombre des propriétaires de la rue Cassette. Après la rue Carpentier venait l'hôtel de Soullé, marquis, de Grunenaux et de Martangis, acquéreur du marquis de Birague. Cette propriété a vu naître en 1735 Convers-Désormeaux, qui a cessé de vivre à quatre-vingt-cinq ans, doyen des architectes de Paris, et dont la petite-fille a épousé elle-même un architecte recommandable, M. Froelicher. Etonnez-vous encore, après cela de l'excellent état de conservation d'une maison qui, depuis plus d'un siècle, appartient à des architectes I Parfaitement clos et couverts y ont été, comme de juste, le fameux archevêque de Pradt, le géographe Barbié du Bocage, le baron Feutrier, pair de France, et Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, représentant du peuple, membre de l'Académie-Française. Autre hôtel, n° 17, duquel ont disposé, depuis le règne de Louis XVI jusqu'à celui de Charles X, MM. de Langlard, médecins. Le 23, construction récente, a remplacé la maison de Le Comte de la Chaussée, capitaine, sous Louis XV au Royal-Bombardiers. Passons maintenant, si vous voulez, chez les dames de l'Adoration-Perpétuelle-du-Saint-Sacrement, transférées de la rue Férou à la rue Cassette en 1654, sous les auspices d'Anne d'Autriche, et dont les chroniqueurs qui nous ont précédé disent fort peu de chose. Ces religieuses bénédictines avaient acquis des pères de Saint-Joseph l'ancien hôtel de Chemilly, petit édifice fort à l'aise dans ses deux arpens de jardin ; elles achetèrent ensuite des créanciers de Gohtier de Longeville, président de la cour des comptes, mais avec le consentement du débiteur, un autre hôtel considérable, qui touchait au premier et aux propriétés de M. de Bezemaux, le gouverneur de la Bastille, de M. Ledoux de Milleville, conseiller, et de M. de Bourgneuf. Leur domaine agrandi bordait la rue Cassette, vis-à-vis des rues Mézières et Honoré-Chevalier. Leur chapelle, décorée par l'Espingola et Plate-Montaigne, se voyait dès qu'on franchissait la grande porte ; elle s'ouvrait au fond d'une cour carrée, où s'élevaient trois corps de logis, sans compter d'autres bâtiments venant par-derrière. Dans ce couvent, dans cette chapelle, Bossuet confessa madame Guyon, la quiétiste, en 1696, après avoir été l'un des juges provisoires chargés de la faire revenir de ses subtilités théologiques. Élève de Fénélon et belle-mère du comte de Vaux, elle était persécutée comme hérésiarque et traquée de couvent en bastille depuis huit années ; on venait de la mettre dans une maison de la rue Vaugirard, sous la direction de M. de la Chétardié, curé de Saint-Sulpice, et son procès pendait en cour de Rome : les dames du Saint-Sacrement donnaient des soins à cette pénitente, en prêtant leur monastère a ses dernières entrevues avec l'évêque de Meaux, qui fit même un séjour à cette occasion dans les dépendances du couvent. Pourtant ni l'évêque de Cambrai, ni les ducs de Chevreuse et de Beauvillier, ni le comte de Vaux n'abandonnaient Mme Guyon, ce qui embarrassa Mme de Maintenon, portée à se repentir de l'avoir reçue à Saint-Cyr. Le fils du surintendant Fouquet, dont la disgrâce rappelle aussi bien des rigueurs, constitua une petite rente aux religieuses, pour reconnaître les services qu'elles avaient rendus à sa belle-mère, depuis que le curé de Saint-Sulpice était chargé de veiller sur sa personne. Cette rente figure aux comptes établis en 1709 pour Mme Radegonde de Beauvais (en religion, de la Présentation), prieure du Saint-Sacrement : le comte de Vaux, le marquis d'O, M. de Moussy, le marquis de la Trémoille, la marquise de Bressieux, M. de Lancy, le président, Lessaulle et M. Rolland doivent alors au couvent 3,817 livres de rente. Son revenu se compose, en outre, de 2,393 livres sur la Ville et de 4,660, produit de cinq maisons dans le voisinage. Quelques pensions viagères sont payées, en sus, par des sœurs qui les ont apportées en dot ; elles s'élèvent à 2,400 livres et sont servies par les personnes suivantes : Bose, conseiller d'Etat ; Mme Meusnier ; le père de sœur Sainte-Ide, qu'on appelle M. le président, mais qui n'a pas donné son nom ; M. de Séchelle ; Robin ; Camuset, avocat ; Fournit, auditeur des comptes ; et M. de Lessaulle (deux autres noms sont peu lisibles). Puis 3,460 livres sont payées annuellement par quelques pensionnaires : Mme Dartigues et sa femme de chambre, 4,300 livres, outre le loyer (mais on est obligé de la nourrir matin et soir de volailles, de petits pieds et de desserts) ; Mlle de Thionville, 400 livres trois autres à 300 pour chacune ; une autre, 250 livres, puis deux autres à raison de 150. Total du revenu brut, 16,420 livres, et cette somme, qui paraît modeste, est importante pour qui se rend compte de la valeur qu'avait alors l'argent. Toutefois considérons les charges de la maison, en cette même année. Tant religieuses, professes et novices, que pensionnaires, tourières et domestiques : 56 personnes à nourrir. Aussi figure-t-il au passif 4,275 livres dues à un seul boucher, 788 au rôtisseur, 2,425 à l'épicier, 972 au pâtissier, sans compter les autres fournisseurs. On ne donne rien au chirurgien, parce qu'il a mis sa fille depuis l'âge de sept ans dans la maison, et elle en a dix-neuf ; mais on compte les visites du médecin Collot. Bref, de toutes les dépenses forcées il résulte, pour les religieuses, un état de gêne assez sensible. Le couvent, outre ses dettes courantes, a signé des obligations ou des billets aux religieux de Fontevrault, à Caboust, à Maitret, intendant de la marquise de Lamberty, à Mme Du Mesnil et à trois pensionnaires, Mlle Dartigues, de Vieuxville et de Bécourt : en tout, 94,446 livres. Ces dames du Saint-Sacrement n'en pensionnent pas moins sur le pied de 250 livres trois religieuses qu'elles ont exilées. Nous n'avons dressé ce bilan que pour faire connaître de la vie monastique sous Louis XIV le côté réaliste, qu'on a généralement laissé dans l'ombre. M. Lambert de Sainte-Croix, ancien notaire, a la bonté de nous communiquer des notes sur l'état de la fortune immobilière de cet établissement religieux lors de sa suppression. Ce sont deux bordereaux de pièces reçues à titre officiel le 12 avril 1717 par le citoyen Balduc, au nom de la Nation :
De ce couvent il reste en grande partie, aux n°s 18, 20, 22 et 24 de la rue Cassette, les bâtiments et les jardins, qui furent adjugés aux enchères du 14 fructidor et du 27 prairial an VI. La comtesse de Bury jouissait du 18, et la marquise de Chauvallon du 20, comme locataires des religieuses, au commencement du XVIIIe siècle. L'aéronaute Mlle Blanchard, qui périt en 1820 dans l'exercice de son art, habita au n° 20 l'ancienne galerie de la chapelle. Nous revoyons son appartement quand nous rendons visite au docteur Cattois, l’archéologue. Le détenteur actuel du 22 est M. Hersent, de l'Institut. Ce peintre de l'école classique, pouf faire le portrait de Louis-Philippe et de plusieurs membres de sa royale famille, a reçu plusieurs visites de ses modèles. Mme Hersent, qui a ouvert elle-même un atelier pour enseigner aux dames la peinture, en a confié la direction à Mme Dénos, une de ses meilleures élèves, et M. Galimard y succède à Mme Dénos. L'atelier de cet auteur d'une Léda célèbre domine la place qu'occupait la chapelle. Maintenant, qu'est-ce que le 27, de l'autre côté de la rue ? Il ne faisait qu'un autrefois avec le numéro suivant, où M. Le Clère, éditeur, n'a aucun loyer à payer. Un autre grand libraire, M. Toulouse, tient de M. Dufougerais, qui a été rédacteur de la Mode, représentant du peuple et avocat, le n° 33, qui, ainsi que le 31, dépendait de l'ancien Noviciat des Jésuites, dont nous avons parlé rue Bonaparte. Lors de la suppression de l'ordre, en 1763, M. Alaume de Tril fit l'acquisition de la propriété, puis il la légua à sa cousine. Un des hôtels Molé se retrouve ensuite, occupé par M. Dodun, qui y conserve le magnifique portrait de Dodun, marquis d'Herbault, contrôleur des finances, peint par Rigault ; toutefois, en 1677, Antoinette Dollebeau, veuve de Raoul Le Boutin de Bellevue, donnait ce bâtiment, dont l'escalier et la rampe sont superbes, à l'hôpital de Sainte-Reine, en Bourgogne. Immédiatement après, un chef d'institution tient ses élèves dans le petit hôtel Cossé-Brissac, Où sont reproduits encore, dans un cabinet, les traits de plusieurs maîtres du logis. Et le 41, sur quelle résidence se repliaient les battants de sa large porte ? Sur une propriété conventuelle, dit la tradition orale. Mais M. Arachequesne, maire de Compiègne, veut bien nous adresser la liste des locataires notables qu'elle a comptés depuis la Révolution : Lebrun, consul ; M. le comte de Montalivet, M. de Vergès, Mme de Rostopchin, enfin Mlle Corneille, qui a dû à ce glorieux nom d'être assistée par le Théâtre-Français et par la reine Amélie. Que si de gauche nous revenons à droite pour tout à fait, nous en étions au n° 26, où commençait le vaste territoire des carmes de la rue de Vaugirard. Ces pères, lorsqu'on défendit aux grandes communautés d'acquérir de nouveaux terrains, pouvaient se contenter de la place qu'ils avaient déjà au soleil ; ils en prirent de quoi faire bâtir l'un après l'autre des hôtels sur la rue Cassette. Nous allons donc en rencontrer qui ont une origine commune. Le marquis de Contades a succédé à des carmélites, sous la Restauration, au n° 26. Encore un éditeur notable, M. Parent Desbarres, au n° 28, propriété adjugée sous la première république à la famille de Dubois, préfet de police ! Par-derrière c'est une villa, où une pelouse, des fleurs et des arbres rafraîchissent agréablement la vue du citadin. Un académicien, ancien, ministre, le comte de Salvandy, est mort l'année dernière dans la maison d'après, qui était déjà sienne avant 1830 : L'immeuble en formait alors deux. Dans les appartements miroitent des glaces sur un fond de papier peint, qu'il suffira d'enlever pour qu'elles s'encadrent de belles arabesques. Mme de Salvandy, en faisant recouvrir avec précaution cette décoration, passée de mode sous le dernier règne, a donné une nouvelle preuve de bon goût et de prévoyance : le temps est déjà venu de relever le rideau. M. de Salvandy avait eu pour prédécesseur un autre homme littéraire qui, comme lui, avait joué un rôle politique et participé au pouvoir : c'était Lebrun, duc de Plaisance. Tendons même une chaîne à la porte, si vous voulez, comme on fait en Espagne quand le souverain est entré quelque part ! Napoléon a dîné chez Lebrun. Seulement le troisième consul était encore le collègue du premier, et, en sa qualité de traducteur d'Homère, il tenait de longs discours, comme les héros de ce poète, au lieu de venir, de voir et de vaincre à la fois comme le César des temps modernes. Il s'agissait rue Cassette, ce jour-là, d'une mesure à prendre rapidement, au sujet de laquelle l'éloquence de l'amphitryon s'était exercée sans conclure. — On, voit bien, dit Napoléon, que le consul Lebrun a été de la Constituante ; il en garde l'idéologie. Ici commence sur le plan de Paris en 1652, un mur, qui ne finit qu'avec la rue. Mais la spéculation immobilière des carmes est encore loin de toucher à son terme, et trois hôtels de plus surgissent bientôt sur la lisière de leur domaine : de beaux jardins les accompagnent toujours. Plaise à l'ami lecteur d'en reconnaître un dans le n° 38, qui a plus d'une fois changé de nom. Ah ! comme l'on vantait, sous Louis XIV, l'entablement dorique qui couronnait son édifice, et la commodité de l'habitation, et ses marronniers, jeunes alors, et la belle grille en fer séparant la cour du jardin ! Germain Brice, dans sa Description de Paris, dit la date de la construction : 1704. Mais, les dispositions architecturales ont été modifiées par le dernier gouverneur de Paris, M. de Brissac, auteur du pavillon de gauche, dont le perron a disparu, et qui menait à la salle des gardes payée en marbre : de chaque côté, à la porte de cette salle, il y avait un grand éteignoir, qui servait à éteindre les torches que les valets de pied tenaient, le soir, derrière les voitures. Dans de Nouveaux Essais sur Paris, mis au jour en 1781 par Chevalier, dit Du Coudray, je lis que l'hôtel du maréchal de Brissac avait été habité par le marquis de Sachet et qu'il y donnait des concerts superbes, vers 1740. Il semblerait que des musiciens, ainsi placés entre des carmes et des bénédictines, devaient rarement sortir des oratorio ; mais la musique profane avait aussi ses entrées chez les sœurs : une de leurs pensionnaires chantait alors mieux qu'on ne chantait à l'Opéra, ce qui ne l'empêchait pas de payer le maximum de la pension, 500 livres, plus 300 pour sa fille de chambre. Il paraît même que l'on a fait longtemps de la musique chez le marquis. Un Tableau de Paris publié sans nom d'auteur en 1763 cite encore le marquis de Saché de la rue Cassette parmi les amateurs qui donnent à Paris des concerts réglés. Lors des massacres de Septembre, le jardin du ci-devant hôtel du gouverneur a servi de refuge à l'abbé Potel, vicaire de Saint-Sulpice, échappé de la prison des Carmes ; mais cet ecclésiastique, en escaladant la muraille, s'est fait une blessure au pied, qui l'a estropié pour la vie. Vers 1808 M. d'Hinnisdal a acheté la propriété ; mais M. de Frémilly, pair de France, en a occupé depuis une portion, et il y a donné l'hospitalité à un poète, Cordellier-Delanoue. C'est encore le nom de l'hôtel d'Hinnisdal qui brille au-dessus de la porte. Des ancêtres de François d'Hinnisdal, fait comte le 10 février 1723 par l'empereur Charles VI, avaient figuré aux Croisades ; le baron Jean-Herman d'Hinnisdal, seigneur de Ferfay en Artois, brigadier des armées de Louis XIV, avait épousé en 1714 la fille du marquis de Lillers. L'un des petits hôtels de cette rue a porté le n° de section 914 et eu pour locataire, depuis l'année 1797 jusqu'à l'année 1806 au moins, une dame dont la vie avait été tissue de malheurs romanesques. Elle était née en 1762, fille naturelle du prince de Conti et d'une duchesse aussi riche que belle ; Versailles et Fontainebleau l'avaient vue descendre, à l'âge de huit ans, d'une voiture à la livrée de son père, ami de Jean-Jacques Rousseau, et elle devait être légitimée, pourvue d'un apanage. Mais une institutrice, Mme de Lorme, d'accord avec la mère, dont la réputation aurait souffert d'une réparation si éclatante, avait enlevé la petite fille à onze ans et l'avait cachée à Lonsle-Saulnier, en faisant croire au prince qu'une maladie d'enfant lui avait été mortelle. Mme Delorme, qui se disait sa mère, avait amené sa victime à Châlon-sur-Saone, pour la marier, nubile à peine ; mais la jeune fille s'y était refusée, en essayant inutilement de fuir. On l'avait laissée porter le deuil de Louis XV et puis du prince de Conti, à l'abbaye Saint-Antoine, en la gardant toujours à vue ; et en interceptant ses lettres au nouveau roi, à Mme Elisabeth. Son mariage avec un fermier s'était enfin conclu, et à cette occasion la pension de 12,000 francs, qu'on lui servait, avait été portée à 25,000. Toutefois, Mme Delorme ayant cessé de vivre, sa prétendue fille avait aussitôt demandé, mais sans succès, que le mariage fût cassé. Réduite à la misère par la Révolution, elle avait donné pour vivre jusqu'à des leçons de mathématiques, avant d'obtenir du Directoire une pension de 200 francs par mois.
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