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RUE DES POITEVINS
VIème arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1861. Cette rue s'étendait autrefois jusqu'à la rue Serpente ; le tronçon compris entre la rue Serpente et la rue Danton a été supprimé lors de l'ouverture de cette dernière rue (déc. du 6 avril 1895). Elle fut dénommée rue Gui le Queux (1253), Guidonis ad Pictavinas (1288), Grimaud ad Pictavinas (1291), Guiart as Poitevins (1292), Ginart aux Poitevins (1300), Gérard aux Poitevins (1358), grant rue des Poitevins, rue Poitevine (1448). La partie en retour sur la rue Serpente, supprimée par l'ouverture de la rue Danton, avait porté les noms de rue du Pet (1396), rue du Petit Pet (1560) et, d'après Corrozet (1532), rue du Gros Pet. L'Hôtel Panckoucke. – L'ancien Bureau du Moniteur. – La Maison contiguë. – L'Hospice de la Paroisse. – Saint-André-des-Arts. Comme nous dansions chez ce M. Panckouke, et quels grands yeux nous ouvrions sur le musée qu'on appelait son hôtel ! Il avait su y rassembler des souvenirs de tous les âges et de tous les peuples, en travaillant à la gloire de son temps et de son pays, dont il réunissait aussi l'aristocratie politique, littéraire et artistique, sans oublier celle de la jeunesse.
Ce fils avait été secrétaire du Sénat, position qu'il avait quittée pour prendre la direction du Moniteur, après son père, et pour se livrer à son tour aux grandes entreprises d'éditeur qui ne l'empêchaient pas d'être peintre, ainsi que plusieurs membres de sa famille. Le Dictionnaire des Sciences Médicales, les Victoires et Conquêtes des Français, la Description de l'Égypte et la Bibliothèque Latine-Française, à laquelle l'éditeur collabora comme traducteur, ainsi que son fils, M. Ernest Panckoucke, ont soutenu au XIXe siècle la réputation d'une maison qui avait publié au siècle précédent les œuvres de Voltaire et de Buffon et l'Encyclopédie Méthodique : le Souvenir en a été consacré par les illustrations d'un des plafonds de l'hôtel, par des meubles figurant de petits monuments, par une colonne en albâtre sur le fût de laquelle on a gravé, les noms des auteurs et des traducteurs de la Bibliothèque Latine et enfin par quatre médailles. M. Panckoucke, ayant voué un culte particulier à Tacite, donnait ce nom à une salle, et puis il publiait en 1839 une Bibliographie, comprenant 1053 éditions du prince des historiens. La mémoire d'un amour illustre a été honorée pareillement, dans la salle gothique, par un curieux monument : un fragment d'une côte d'Héloïse et un fragment du crâne d'Abélard y sont gardés dans un reliquaire de bronze. Parmi les peintures qui décorent les plafonds de diverses pièces, il en est une attribuée à Rubens et à Jordaens, dans la plus grande pièce du rez-de-chaussée : on y voit représentés un satyre, une nymphe et trois tigres jouant avec des enfants. Une Pallas domine la salle voisine, après avoir été l'un des tableaux de la galerie du cardinal Fesch. D'autres plafonds sont tout à fait modernes ; mais les deux du rez-de-chaussée revêtent surtout des peintures du XVIIIe siècle. L'ancien secrétaire du Sénat n'a personnellement disposé qu'en'1819 de cette belle- propriété, qui appartenait avant lui à M. Agasse, son beau-frère, et qui avait été l'hôtel de Mesgrigny, dans un corps de logis duquel se trouvait déjà installée la librairie Buisson au moment de la Révolution. Sous le règne de Louis XV, on appelait la maison hôtel des Etats-de-Blois. Les députés des États de Blois y avaient à Paris leur lieu de réunion. M. Panckouke, ayant le tort de croire que sa maison avait été construite au milieu dudit règne, a commis la faute d'en convenir dans une brochure publiée en 1841. Mais un escalier magistral à cage carrée et, qui plus est, les balustres de chêne d'un bout d'escalier, au grenier, datent au moins du XVIe siècle, qui assista à plus d'une convocation des Etats de Blois, et l'hôtel des États fut aussi un hôtel de Thou à cette époque. Il avait même pour origine probable le logis des parrains de la rue Gui-le-Queux, ainsi dite du temps de saint Louis, appelée au siècle suivant la rue Guillard-aux-Poitevins et longtemps distincte de la ruelle du Pet, qui la prolonge de nos jours par un crochet jusqu'à la rue Serpente. L'immeuble qui appartient encore à la famille Panckoucke, n'est-ce pas tout à fait la seule maison de la rue qu'ait pu habiter Christophe de Thou, père de l'historien, grande père du conjuré que le cardinal de Richelieu fit périr avec Cinq-Mars ? Ce premier président ne poussait pas l'austérité trop loin ; il fut le premier Parisien qui se donna le luxe d'un carrosse. Nous n'ignorons cependant pas qu'en échange d'une autre maison, assez spacieuse, Christophe de Thou donna au collège de Boissi, qui la tenait d'Étienne Vidé, une rente de 153 livres 13 sols 8 deniers sur l'Hôtel-de-Ville, le 4 mars 1559 ; nous savons même, que ce magistrat, pour parfaire la constitution de cette rente, avait sacrifié sa vaisselle d'argent au mois de mai 1554. La famille de Thou résidait certainement rue des Poitevins avant la mort de l'historien qui avait joué un grand rôle dans les événements du règne de Henri IV, et la bibliothèque de Thou y fut fondée ; celle-ci fut vendue en 1680 et réunie dans la suite à la bibliothèque du roi, de laquelle messire de Thou avait été nommé grand-maître en 1593. Sylvie de Pierrevive ; chancelier de l'église et de l'université de Paris, et frère Adam Ogier, humble prieur de la Chartreuse de Paris, donnèrent leur autorisation, comme supérieurs nés du collège de Boissi, à la vente de 16 toises de terrain, prises sur le jardin du collège, qui coûtèrent aux De Thou, le 27 août 1613, 480 livres, plus une nouvelle rente de 50 livres sur l'Hôtel-de-Ville. Cette rente fut rétrocédée en 1654 à Jacques-Auguste de Thou, comte de Meslay, président au parlement, ambassadeur près des Etats-généraux, et ledit frère cadet de la victime du cardinal constitua en échange une rente sur son hôtel, rachetable au principal de 800 livres. Mais cette rente ne reposait en aucune sorte sur l'hôtel des États-de-Blois, elle était assise sur la propriété que la famille avait acquise du collège de Boissi, et divisée en grand et petit hôtel de Thou, les n°s 6 et 8 d'à présent. Gervais Lenoir, principal de Boissi, exerça des poursuites en 1669 ; il réclamait des arrérages, il se portait même opposant à la vente dudit hôtel de Thou, par suite d'une contestation relative à un jour de mitoyenneté. Ces deux maisons appartenaient, un siècle après, l'une à Guillaume de Panthon, ancien capitaine au régiment de Piémont, et l'autre au président de Cotte. Les héritiers Jamard en avaient trois autres dans la rue à la même époque, et ils tenaient du Levant au sieur Le Juge, du Couchant au collège Louis-le-Grand. Dans celle du président de Cotte se trouvaient réunis, en 1787, les bureaux de la Gazette de France, du Mercure de France, du Journal de Genève et de l'Encyclopédie Méthodique : le libraire Panckouke y était établi. Il y vendait à 50,000, tirage fait en quinze jours et qui semblait alors prodigieux, le fameux compte-rendu de Necker, dit conte bleu à cause de sa couverture. Il fut également l'éditeur du Moniteur, et la signature du journal est revenue sous Louis-Philippe à son petit-fils, neveu et successeur de Mme Agasse. Les bureaux et l'imprimerie du Moniteur ont occupé un demi-siècle cette maison de la rue des Poitevins, vendue il y a six ans par les Panckoucke à M. Capiomont, constructeur de machines typographiques. Dans la même rue avait été fondé par Desbois de Rochefort, dernier curé de Saint-André-des-Arts, un hospice pour huit malades, desservi par quatre sœurs, avec une salle d'asile pour des petites filles, qu'on y nourrissait en leur apprenant à filer.
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