Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
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RUE MONSIEUR LE PRINCE
VIème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1861, avant que le nouveau boulevard Saint-Michel eût rogné des immeubles à l'extrémité de la rue Monsieur-le-Prince. Monument classé au n° 10 : appartement d'Auguste Comte, situé au 1er étage. A l'origine c'était un chemin longeant les fossés de l'enceinte. La partie comprise entre le carrefour de l'Odéon et la rue de Vaugirard a successivement porté les noms de : chemin de Dessus les Fossés (1419) ; chemin allant à la Porte Saint-Michel (1510) ; rue des Fossés Saint-Germain (1559 à 1582) ; rue des Fossés Monsieur le Prince et rue de la Liberté (1793 à 1805). La partie M était, avant 1851, la rue des Francs Bourgeois Saint-Michel. Origine du nom : L'hôtel du prince de Condé s'étendait jusque là vers les fossés.

N°s 4, 12, 22, 23, 37, 49, 58, 60.

En l'année 1670, Bouvard, conseiller du roi, se rendait acquéreur d'un jeu de longue-paume dit de Plaisance, qui longeait la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince et comportait une maison, le tout situé à Saint-Germain-des-Prés, dans la censive de cette abbaye. La rue devait la moitié de son nom aux fossés de l'enceinte parisienne du XIIe siècle, entre les portes Saint-Germain et Saint-Michel ; l'autre moitié à l'hôtel du prince de Condé, sur l'emplacement duquel fut bâti, l'Odéon sous le règne de Louis XVI. D'après un plan particulier, dressé en 1753, des dépendances de l'hôtel se projetaient au-delà de cette rue, ou il en doit survivre des bâtiments accessoires, comme dans la rue de Condé. La propriété de Bouvard se trouvait contiguë au manège du prince, dont l'hôtel avait une sortie rue des Fossés ; un passage frayé plus bas conduisait à la rue de Condé.

Le n° 23 faisait partie des Cordeliers ; plusieurs autres liaisons sur la même ligne n'avaient pas d'autre propriétaire que ce couvent. Au collège d'Harcourt, que remplace le lycée Saint-Louis, il y avait passage par le n° 49, comme en ce temps-ci.

Plus haut la rue s'appelait, à l'origine, rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel. Cette dénomination remontait à l'époque où le Parloir-aux-Bourgeois s'adossait à une tour de l'enceinte de Philippe-Auguste, construction semi-circulaire qui subsiste encore par miracle entre la rue des Grès (cette relique si digne du respect de l'édilité parisienne, a été sacrifiée depuis, et la rue des Grès dite Cujas) et le nouveau boulevard. Les deux siècles antérieurs au nôtre ont rarement distingué la rue des Francs-Bourgeois de l'autre, que la République a nommée rue de la Liberté, et le premier empire rue Monsieur-le-Prince ; on est revenu ensuite à la division primitive, annulée officiellement le 9 avril 1851.

La maison dont le péristyle forme l'angle de la rue Voltaire, fut construite avant la Révolution par Vauthier, marchand de tableaux, qui en fit disposer richement l'intérieur pour un musée particulier, avec des pièces recevant d'en haut la lumière favorable aux exhibitions de la peinture. Le célèbre Antoine Dubois, acquéreur de l'immeuble en 1816, a laissé son nom à la rue en escalier qui le menait à l'Ecole-de-Médecine, où il faisait son cours depuis l'an 1790 : cette rue s'appelait auparavant de l'Observance, comme une ci-devant maison religieuse qui s'était rattachée à celle des cordeliers. M. Paul Dubois, doyen de la Faculté de Médecine, tient la place de son père dans la maison au péristyle.

Un buste de Jean Goujon, flanqué de bas-reliefs où la sculpture et la peinture sont personnifiées, illustre un autre seuil, à l'encoignure de la rue Racine : est-ce à dire que le grand artiste du XVIe siècle ait personnellement franchi cette porte ? malheureusement non. Le marbrier nommé Sellier n'a pas édifié cette maison avant 1821 ; mais il y voulait réunir des ateliers d'artistes ; il a pris une enseigne pour en donner avis, et comme pour éloigner à tout jamais ces Philistins de bourgeois, qui feraient d'une pièce tout un appartement.

Dernièrement encore nos livraisons y avaient pour lecteur un maître, élève des grands maîtres, le classique Aligny, dont l'atelier vient de se transporter au palais Saint-Pierre, à Lyon. Depuis longtemps Aligny sait par cœur l'Italie et surtout la Grèce, qu'il, retrouvera en Provence, à quelques heures de la place des Terreaux.

De l'art pur à la cote des contributions il y a plus près encore, du moment que l'artiste s'est mis tout à fait dans ses meubles. Hélas ! la seule consolation que nous puissions donner aux contribuables de notre époque consiste à leur montrer où fonctionnait le bureau général des impositions de Paris vers la fin de l'ancien régime : rue Monsieur le Prince, 58 et 60.

Le vingtième a passé par là, encaissé par un roturier de receveur, aux appointements de la Ville, qui signait pourtant : Le Seigneur. Pour que des fonctions anoblissent, il fallait qu'elle fussent gratuites en ce temps-là : âge mesquin ! Les titres d'écuyer, péniblement acquis dans l'échevinage, avaient-ils la valeur de ces brevets de comte distribués d'un seul coup plus tard aux membres du Sénat et du Conseil d'Etat, en bloc, par-dessus le marché de tous leurs gros traitements ? Étonnez-vous, après cela, qu'on veuille savoir quelque chose de ce qu'un titre de noblesse a coûté, et à qui, dans la crainte souvent fondée qu'il y ait lieu d'en rire.

Un des appartements de la maison du receveur était occupé au même temps par le comédien Dazincourt, qui jouait les valets de bonne compagnie, et que la reine avait choisi pour lui donner des leçons de déclamation. Le voisinage du Théâtre-Français, ouvert le 9 avril 1782 dans la salle actuelle de l'Odéon, attirait rue Monsieur le Prince bien des acteurs de l'excellente troupe qui donna, après deux années d'installation, le Mariage de Figaro. Le marquis de l'École des Bourgeois, qui reproduisait dans ce rôle les airs de tête et les inflexions de voix du maréchal de Richelieu, dont il avait reçu les conseils, Fleury habitait la maison attenante au collège d'Harcourt.

Mlle Dugazon, actrice du même théâtre, n'en perdait pas de vue la façade à colonnes pour peu qu'elle se mît à sa croisée, n° 37. Larochelle, cet autre valet de comédie, demeurait au n° 4 ; son camarade Courville, également.

 


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