Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places, quartiers de Paris : comment ils ont évolué, comment ils sont devenus le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places, quartiers de Paris dont un grand nombre existe encore.
magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI

RUE DARU
(DE LA CROIX DU ROULE)
VIIIème arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, par Charles Lefeuve, paru en 1875)

Notice écrite en 1859. Le comte Daru, ministre du premier empire et membre de l'Institut, est mort trente ans plutôt. Son fils, également littérateur et homme d'État, n'a aucun titre de plus, mais aucun de moins, à voir son nom sur l'estampille de l'ancienne rue de la Croix, dans laquelle on ne se souvient d'avoir vu passer ni l'un ni l'autre. Monument classé : Cathédrale Saint-Alexandre Newsky, y compris la crypte. Historique : Elle porta d'abord le nom de rue de la Croix. En 1796, on la nomma rue de Milan. En 1815, rue de la Croix du Roule. Origine. du nom : Le comte Pierre Antoine Noël Bruno Daru (1767-1829), homme d'Etat et historien français.

Le buis du dimanche des Rameaux s'accrochait, par toutes petites palmes, à une croix, dite du Roule ; la croix avait d'abord servi à reconnaître une sente bien modeste, n'ayant pas d'autre signature, qui, une fois nubile, se fit rue, et cette rue, comme bien des jeunes filles, dont la croix d'or devient gage d'amour, changea de vocation peu de temps après. On l'appela rue de Milan, en 1796, à cause de la prise de cette ville. Les mariages au tambour n'étaient alors pas rares pour les rues de Paris ; mais celui-là fut au nombre des mariages pour lesquels ne s'abrogea pas la loi du divorce. La campagne d'Italie finit avec le règne de l'empereur pour cette rue, qui reprit aussitôt son nom de baptême.

Que de jardins la bordent encore ! Il en est un dépendant d'une maison de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, qui rappelle une mésaventure, tempérée il est vrai par de gracieuses réminiscences, à un auteur dramatique bien connu. Pour Eugène Scribe, chaque fois qu'il passe par-là, un souvenir aigre-doux se réveille, qui le reporte au temps où il promettait encore plus qu'il ne donnait, au théâtre comme à la ville.

M. Pauline, des Variétés, que M. Rolet, ci-devant payeur de la garde impériale, avait mise dans cette bonbonnière, pralinée sous l'ancien régime pour les menus plaisirs d'un autre gourmet, s'était pourtant montrée sensible aux propos tendres du jeune auteur. Le livre des amours se trouvait ainsi tenu en partie double, au coin de la rue de la Croix ; mais le comptable, ennemi du report, voulait s'assurer des mécomptes qui figuraient à son passif, et il usa d'un moyen, de comédie qui réussit toujours, même à la ville. On appelle au théâtre cet expédient : une fausse sortie. Bref des chevaux de poste emportent M. Bolet, par un jour sombre du mois de janvier, comme si c'était la saison des voyages.

Pauline et le favorisé, qui croient à une absence de longue haleine, comme leur tendresse réciproque, reviennent ensemble du spectacle, projet caressé dès la veille, et l'actrice sémillante a tout fait disparaître des traces de son protecteur ; un grand bain y a contribué, la preuve s'en analyserait encore dans une baignoire ; qui reste pleine d'une eau parfumée. L'alerte est vive, par conséquent, lorsqu'on entend grincer dans la serrure la clef du payeur de la garde. L'amant de cœur n'a qu'à peine le temps de passer dans la salle de bain ; il s'y plonge dans l'onde refroidie, tout habillé, en ramenant sur la baignoire le couvercle qui témoigne ordinairement du vide. Bolet fait donc de vaines perquisitions, et Pauline le suit de pièce en pièce, sous prétexte de lui faire un crime de ses soupçons, mais en laissant derrière le jaloux une porte entre bâillée sur le jardin.

Après de longs moments d'angoisses, l'infortuné baigneur sort de la cuve, plus glacé qu'elle, et de ses habits transformés en éponge l'eau qui dégoutte fait un bruit dangereux, mais qu'assourdit heureusement une pluie battante au-dehors. Dans cet équipage de Triton, il ne réussit pas sans peine à escalader la muraille ; seulement, quand il met pied à terre, une patrouille de gardes nationaux ; qui le prend pour un malfaiteur, se met en devoir de l'arrêter. Un parfumeur, qui commande la patrouille, reconnaît par bonheur l'essence qu'il a vendue à Mlle Pauline, et dont le fugitif exhale des pieds à la tête l'odeur suave : cette circonstance donne de la vraisemblance à ses explications confidentielles. Le rival de M. Rolet en est donc quitte pour une fluxion de poitrine, qui le force à garder le lit pendant un mois. Ses émules au théâtre, ses collaborateurs, moins heureux que lui en général, se fussent assurément noyés dans cette cuve d'ambroisie !

 


:: HAUT DE PAGE    :: ACCUEIL

magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI