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RUE DU ROCHER
VIIIème arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1861. La rue qu'elle étudie
prend racine moins bas depuis que la nouvelle rue de Rome, en poussant
à la même place, lui a coupé l'herbe sous le pied.
Elles ont d'ailleurs pour tige commune un espace laissé libre,
à l'entrée d'une nouvelle gare. Un carrefour s'est formé
plus haut, au point où cette rue du Rocher rencontre celles de
Vienne, de la Bienfaisance et de Stockolm. Plus haut encore, d'autres
démolitions et l'établissement d'un viaduc font passer sous
la même rue celle de Madrid, qu'aborde près du pont celle
Portalis. Et là ne finit pas le réseau des percements de
fraîche date. On a donné sur la gauche un prolongement à
la rue de Naples, naguère de Hambourg ; on a ouvert à droite,
une rue Larribe. Déc. min. du 5 août 1826 réunissant
la rue d'Errancis à la rue du Rocher. Historique : Le Duc de Chartres. – Les Moulins. – Les Cabarets. – Les Petites-Maisons. – La Barrière. – Joseph Bonaparte. – Mlle Laetitia. – Gouvion Saint-Cyr. -– L'Amour à trois – Lucien Bonaparte. – Le Cimetière de la Révolution. – Voyer-d'Argenson. Le duc de Chartres, celui qui prit plus tard le nom de Philippe Egalité, avait sa petite maison rue du Rocher, ou rue des Errancis, dans le faubourg dit de la Petite-Pologne. Le prince transféra rue de Valois-du-Roule (rue de Monceaux) l'hôtellerie de ses plaisirs, pendant que le crayon de Carmontel faisait surgir, comme par enchantement, toutes les merveilles des Folies de Chartres, dont le parc de Monceaux, quoique réduit de beaucoup, donne encore une idée. A cette époque la rue du Rocher allait seulement jusqu'à la rue de la Bienfaisance, et le reste s'appelait des Errancis, des Estropiés en français plus moderne. Les deux rues, en effet, ne répondirent pas au même nom avant l'année 1807. Au commencement du règne de Louis XV, ce n'était encore qu'un chemin, qui serpentait entre les trois moulins Boute-à-Feu, des Prunes et de la Marmite. Le cabaret de la Grande Pinte, aussi nommé de la Petite-Pologne, se trouvait encore à une certaine distance, puisque c'était rue du Roule à Saint Lazare, en regard de la chaussée d'Antin. Mais il ne manquait pas d'autres pintes au cœur de la Petite-Pologne, et des commis ne furent pas plus tôt apostés dans une voiture roulante, au bas de la rue qui nous occupe, que le sobriquet du quartier suburbain passait à la barrière. Sous le même roi, mais plus tard, la barrière de la Petite-Pologne attenait, rue du Rocher, à un demi arpent dont J. Offroy était propriétaire. A. Brulé avait un arpent au-dessus, puis Gabriel François et Gayenne la moitié d'un chacun. Avant la fin du règne suivant, la finance avait à sa disposition dans la rue autant de maisons de plaisance qu'il y avait eu de moulins, et l'une des trois était probablement celle dont le prince avait joui. Le premier de ces petits hôtels, n° 26, appartint certainement aux héritiers du fermier général Varanchon de Saint-Geniès, lequel avait eu pour allié M. de Chalut, son confrère. De la seconde propriété, numérotée 30 quoique pourvue d'une entrée nouvelle par la rue de Vienne, M. Riant est propriétaire, et les tranchées du chemin de fer ont fait de cette maison, vue par-derrière, un belvédère très élevé. La troisième, qui répond au chiffre 69 ou 61, fut la résidence de Joseph Bonaparte et, à un autre moment, celle de sa mère, Mlle De Laetitia. Joseph, bien qu'il eût pour lui-même peu d'ambition, fut deux fois roi, et ne fallut-il pas aussi que Napoléon imposât à Madame-Hère la tyrannie d'une représentation auguste ? Jusque-là Laetitia n'avait consenti à changer que d'appartement tous les honneurs que l'empereur lui fit rendre ne l'empêchaient pas de raisonner en mère prévoyante et de rester amie de la simplicité : – Qui donc, disait-elle, qui donc sait si je ne serai pas obligée de procurer du pain aux rois mes fils ? Le maréchal Gouvion-Saint-Cyr, qui habita plus tard l'hôtel, se rappelait lui-même, étant ministre, l'époque de ses, obscurs débuts, en qualité de comédien amateur, dans la salle que Beaumarchais avait fait construire au Marais. Une des pensions dont les élèves suivent les cours du lycée. Bonaparte, occupe maintenant le local, qui semble expier, en vouant son âge mûr à l'instruction et à la moralisation d'une nouvelle génération, les gaillardises dont s'est rendue complice, en les cachant, sa première jeunesse à lui-même. Cette petite maison d’un financier de l'ancien régime avait commencé par se mettre sur la conscience, pis encore un amour à trois, dans lequel pas un n'était dupe ! Elle avait été bâtie en 1772 aux frais de deux danseuses, pensionnaires du roi, Marie-Marguerite de Libessart et Marie-Anne-Josèphe de Libessart ; sous la conduite de Bandieri de Laval, maître des ballets du roi et maître à danser des enfants de France, qui vivait avec ces deux sœurs, dites Grandis à l'Opéra. Le sieur Fontaine de Tréville tenait une autre pension, dès l'année 1787, dans la rue des Errancis, où s'élevaient encore peu de maisons. La rue du Rocher, plus peuplée, avait déjà vu édifier le n° 28, où une pension encore est installée depuis la Restauration. Ce fut l'hôtel de Lucien Bonaparte, que Mme Laetitia partit souvent préférer à ses frères, et avec lequel, à différentes reprises, elle mena vie commune. Lucien a demeuré toutefois Grande rue Verte, avant de prêter les mains avec tant d'opportunité, comme président du conseil des Cinq-Cents, au coup d'État qui anéantissait la représentation nationale. D'autres vues que celles de Napoléon lui ont fait dire, le lendemain du 8 Brumaire : – La liberté est née dans le jeu de paume de Versailles ; elle vient de se consolider dans l'orangerie de Saint-Cloud. La liberté, la liberté ! Eh ! n'avait-elle pas entassé assez de corps décapités, dans un clos converti en voirie révolutionnaire, au bout de la rue ? Philippe-Egalité y avait été inhumé, à l'extrémité du cimetière qui se trouvait improvisé entre sa petite maison et ses grandes Folies de Chartres. A l'entrée, au contraire, du côté de la rue, étaient enfouis les restes de Maximilien Robespierre, et la mort séparait rarement les suppliciés qui avaient fait partie de la même fournée ; on avait donc creusé deux ou trois fosses pour y jeter, près du fameux tribun : Robespierre le jeune, Couthon et Saint-Just, conventionnels ; Dumas, président du tribunal révolutionnaire, Gombeau, substitut de l'accusateur public ; Payan, agent de la Commune ; Vivier, président des jacobins ; Henriot, chef de la force armée de Paris ; Lavalette, général ; Lescot-Fleuriot, maire de Paris ; Simon, cordonnier, geôlier du Temple, membre de la Commune de Paris, et dix autres membres de ladite Commune, également mis hors la loi par la Convention dans la séance du 9 thermidor. Un an auparavant, le cimetière avait reçu les dépouilles sanglantes de Charlotte Corday ; mais le bourreau, avant de les abandonner au fossoyeur, avait publiquement souffleté le visage encore chaud de l'héroïque victime, qui en avait rougi, pour la dernière fois. Le terrain planté d'arbres qui a si bien servi de déversoir à la guillotine de la place de la Concorde, appartient à M. Anspach et à M. de Cipierre, après avoir été la propriété du marquis d'Aligre. La plus grande portion en est occupée, depuis longtemps déjà, par une guinguette, où l'on danse tout l'été. Seulement l'entrée de ce jardin public n'est plus rue du Rocher : des constructions nouvelles ont supprimé une porte ; il en reste une autre rue de Valois, n° 81. L'orateur libéral, Voyer-d'Argenson était domicilié rue du Rocher sous Louis-Philippe ; il y mourut, quelques années après le républicain Michel Buonarotti, auquel ils avait donné l'hospitalité et qui avait conspiré avec Babeuf contre le Directoire.
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