Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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Rues/Places
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RUE VAUVILLIERS
(Four Saint Honoré, du Four Saint Germain, du Four Saint Jacques)
Ier arrondissement de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1861 sous ce titre : Les rues du Four. C'est depuis peu que la rue du Four Saint Honoré a pris le nom de l'helléniste Vauvilliers, président de la Commune en 1789, qui sauva Paris d'e la famine. La rue du Four Saint Germain, de son côté, s'est élargie et a prêté ses flancs à l'élargissement du carrefour de la Croix-Rouge et de la rue du Sabot, au prolongement de la rue de Rennes et de la rue de Madame, à la formation de la place Gozlin.

Entre les Rues Saint Honoré et Coquillière. – Entre la Place Sainte Marguerite et le Carrefour de la Croix Rouge. – Entre les Rues des Sept Voies et d’Ecosse.

La rue du Four Saint Honoré rappelle un four épiscopal, qui s'y adossait à l'hôtel du grand-panetier de France. En effet, il y eut jadis dans tous les fiefs des fours banaux, prélevant un droit seigneurial pour la cuisson obligatoire du pain ; Philippe-Auguste porta le premier coup à cette boulangerie féodale, en supprimant pour les habitants de Paris l'obligation d'apporter leur farine toute pétrie dans lesdits fours, qui constituaient un revenu au seigneur, soit ecclésiastique, soit laïque, et depuis lors les boulangers obtenaient, à des conditions plus lucratives pour le roi, la permission de cuire dans leurs propres maisons. Un autre four qui exploitait les Halles en vertu d'un privilège accordé par Louis VII, et qui fut l'objet d'une donation aux religieux de Saint-Martin-des-Champs, sous 1e règne de Louis VIII, successeur de Philippe Auguste était chef-lieu d'un fief de la Rapée et se donna ensuite en location, près le marché aux Poirées et la rue de la Cordonnerie.

Louis XIV fit fermer 28 fours d'un tout autre genre, dans lesquels diverses compagnies de racoleurs et d'entrepreneurs de colonisation lointaine enfermaient les nouvelles recrues destinées à l'émigration ou au service militaire, lorsque ces enrôlés cherchaient à se soustraire aux conséquences d'un engagement signé dans un accès de chagrin ou d'ivresse .
Il n'y avait en ce temps-là de marquant rue du Four Saint Honoré que l'hôtel de la Chesnaye qui devenait ou devint une hôtellerie.

Sous Louis XVI, le bureau de la corporation des Faïenciers, Vitriers, et Potiers, de terre était dans ladite rue du Four, et vers le n° 37 de notre temps. Entre cette maison et la rue de Vannes, tout a été bâti en même temps que la Halle au Blé.

Du 4 était propriétaire, ainsi que du 12 ou du 14, M. Héricart de Thury, dont la famille appartenait à la robe ; il avait donné le jour, en 1776, à l'enfant appelé à devenir un ingénieur et un agronome distingué...

Porte à porte avec le restaurant à l'enseigne du Pied de Mouton, même rue, un hôtel de Cherbourg reçoit des voyageurs, en vue des Halles. Napoléon n'étant encore que lieutenant d'artillerie a occupé la chambre n° 9, au 3me étage de cette hôtellerie, dans laquelle on ne descend ordinairement que s’il on vient à Paris pour affaires. Il avait inscrit son nom sur le livre présenté aux voyageurs, avec cette orthographe : Napolione Buonaparte. N'était-ce pas plus italien que français ? Aussi bien le grand homme en herbe n'écrivait pas encore dans notre langue selon les règles établies par les maîtres en l'art de bien dire, et par l'usage : plus d'une faute d'orthographe aurait pu, par exemple, se relever dans une lettre écrite de sa main, à l'hôtel de Cherbourg, le 9 novembre 1787, et adressée à l'intendant de la Corse.

Dans la rue du Four Saint Germain, à l'angle de la rue Neuve Guillemin (de cette rue Neuve-Guillemin la rue de Rennes n'a rien laissé debout), avait été, le four banal de l'abbé de Saint-Germain-des-Prés. Le commencement du XVIIe siècle y vit fleurir l'hôtel de Roussillon, en la possession de Louis, bâtard de Bourbon, comte de Roussillon, petit pays en Dauphiné ; ce n'était qu'un démembrement d'un ancien séjour de Navarre, inauguré au siècle XIII, puis remplacé dans tout le reste par la foire Saint-Germain.

En 1690, nouveau morcellement. Tous les historiographes de dire, depuis lors, que rien absolument ne survit de ces deux manoirs de même souche. Néanmoins l'hôtel de la Guette pourrait être légitimé, en quelque sorte, comme enfant naturel, reconnu de l'hôtel dans lequel le comte de Roussillon était déjà venu après la princesse Jeanne 1er, qui avait apporté la Navarre, à la France en épousant Philippe-le-Bel.

Un seigneur de la Guette s'établit, en effet, à la place qu'avait occupée la princesse, et c'est encore en plein Saint Germain des Près, avant qu'en un quartier de Paris se convertisse la ville de ce nom, et l'hôtel de la Guette n'est vendu qu'en 1784 par le Marquis de Brulart, seigneur de Beaubourg, à Boudet, maître maçon, qui l'arrange à son gré.

De là date, ce que nous voyons dans la rue au n° 15. Boudet a acheté en même temps, que la maison, non seulement un passage contigu qui conduit au préau de la foire Saint-Germain, et qui sert de troisième entrée à ce marché, mais encore une échoppe adossée au gros mur de l'hôtel et donnant en foire. Le marquis a vendu précédemment une autre maison à Doré et d'eux au menuisier Chardin, qui tient le coin de la rue Princesse.

Mais nous voici trop près nous-même de la foire Saint-Germain pour n'y pas faire un tour. Le cul-de-jatte Scarron, qui a été le poète de cette kermesse parisienne, dont une exposition annuelle est le prétexte, ne s'y rendait-il pas en chaise, de plus loin ?

Sangle au dos, baston à la main,
Portes-chaise que l'on s'ajuste.
C'est pour la foire Saint-Germain,
Prenez garde à marcher bien juste.

Dame ! il n'y a que deux foires à Paris ; une pour finir l'hiver, une pour finir l'été. Celle de Saint-Germain commence le lendemain de la Chandeleur, et ne dure que quinze jours pour les marchands forains ; heureusement elle se continue jusqu'à la veille du dimanche de la Passion, en vertu d'une permission, que le roi ne refuse jamais aux autres intéressés et qui rapporte une gratification à ses valets de pied.

On vend un peu de tout dans les galeries bijoux, mercerie, drap, tabletterie, faïences, lingerie et jusqu'à des livres nouveaux, jusqu'à des tableaux d'anciens maîtres ! Lieu de franchise pour les ouvriers, insoumis aux jurandes, l'enceinte n'attire pas que des chalands ; elle est aussi lieu de fête, surtout le soir. Le spectacle se donne toujours dans deux loges, quand ce n'est pas dans quatre, et l'opéra-comique, ce genre national, y débute. La Poire sert aussi de berceau aux théâtres de l'Ambigu, de la Gaîté, des Variétés, bien que les montreurs d'animaux, les gymnastes, les escamoteurs n'y aient jamais manqué de public.

Mais on ne danse pas que sur la corde, dans cette saison de plaisirs pris en commun qui relie le carnaval au carême. Chacun peut danser avec sa chacune, quand les ménétriers sont à leur poste. Pour les cabarets, ils foisonnent, et déjà sous Louis XIII celui que la Du Ryer tenait à Saint-Cloud, avait une succursale à la foire Saint-Germain. Il faut, même être un garçon sage pour n'y donner dans aucun genre de débauche. En revanche, tous les matins, on dit la messe dans une chapelle, depuis le jour de l'ouverture jusqu'à celui de la clôture. Donc on ne fait pas que se damner en Foire, on y fait aussi son salut.

Quel grand seigneur dédaigne de s'y populariser ! Quel pauvre diable ne s'y invite pas, faute de mieux, au plaisir de frôler une foule qui, en général, est bien mise ; au fumet aussi d'une cuisine que les cabarets font de bric et de broc, et qui lui semble meilleure que s'il y goûtait autrement ; aux parades enfin des bateleurs, qui ont cela de commun avec Pamour qu'ils donnent toujours gratis ce qu'ils ont de mieux ! Les plus petits ménages ne font-ils pas d'avance la part de ces jours de gala annuels, dans une tirelire ? Est-il une bourgeoise, pourvu qu'elle ait renouvelé à cette occasion sa toilette, qui ne se montre plus souriante, plus alerte, plus curieuse, plus affriandée, plus printanière, par conséquent plus jeune, à la foire Saint-Germain qu'au logis ? Mais il suffit, hélas ! d'une rencontre, quelquefois souhaitée, plus souvent imprévue, pour que cette transfuge du foyer domestique, prête l'oreille tout de suite à des conseils, donnés aussi par le printemps !

Ah ! si d'autres dangers ne menaçaient pas, vous n'auriez encore que faire des conseils donnés, pour vous en prémunir, par le sieur C.N. Nemectz, dans le Séjour de Paris, volume paru en 1727. Homme de précaution, il recommande et qu'on se tienne en garde contre, les nombreux voleurs qui éixploitent les poches, d'ans cette cohue de badauds, et qu'on évite d'entrer dans les cafés des petites allées latérales de la Foire, qui franchement sont des mauvais lieux. Malgré cela, le moralisateur ne demande pas l'impossible, il sait son monde et ne se pique pas d'un rigorisme hors de saison. Voici quelle est sa conclusion :

Telle est la foire Saint-Germain, de par Louis XI, qui l'a établie et donnée, à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Les 140 loges qu'elle comportait depuis l'an 1486 ont été remplacées depuis par un échafaudage, qui laisse pénétrer l'air dans toutes les galeries, bien qu'elles soient couvertes, et multiplie les loges reliées par une même enceinte. Un incendie détruit ces admirables halles dans la nuit du 16 au 17 février 1762, et elles s'ont rebâties dans la même année, mais avec plus d'économie. Les rues des Merciers, des Orfèvres, etc., n'y sont plus à l'abri de la pluie. Marchands, comédiens et bateleurs ont retrouvé leurs places ; mais le nombre des cafés s'est accru en raison de la diminution du nombre des cabarets, et l'on à réservé au Vauxhall de la Foire deux loges pour le prince, de Conti et pour le duc de Chartres.

C'est alors que font rage, dans les théâtres forains, des pièces, croustillantes et pleines d'allusions, s'appliquant à des contemporains faciles à reconnaître. Les auteurs dramatiques y prennent plus de licences qu'à la Comédie ; Italienne, mais ne sont le plus souvent pas autres. Les comédiens de Monsieur et ceux de la Comédie-Italienne finissent même par donner leurs représentations ordinaires dans une des salles de la foire Saint-Germain, depuis le mois d'octobre 1789 jusqu'à la fin de l'année suivante. Puis des apprentis comédiens jouent dans les deux loges foraines des Variétés et de la Liberté. Il ne suffit même pas de1793 pour reléguer dans les us et coutumes du passé cette fête annuelle ; il reste quelque chose, comme pour en sauvegarder le principe, bien que les privilèges et franchises du vieux temps fassent litière aux libertés nouvelles.

On ne s'y montrerait sans-culotte sous la Terreur, tout comme on y était guisard au temps de la Ligue, que si les affaires marchaient bien. Mais loin de là ! L'institution foraine de royale origine se soutient avec peine depuis que ses jours se comptent dans le calendrier républicain, et Marinier, médecin, demeure alors au ci-devant hôtel de la Guette ; mais elle ne tombe tout à fait que vers la fin du Consulat. Le marché Saint-Germain et d'autres constructions remplissent plus tard la place vacante, et le passage que nous avons trouvé près ledit hôtel devient rue Mabillon. De ce dernier immeuble, en 1850, M. Ledru-Rollin est le vendeur.

En face de la rue Princesse, maison adjugée vers 1691 à Lefébure, conseiller au Châtelet, après avoir été saisie sur, Catherine Bonenfant, veuve de Régnier ; elle a passé en 1747 du sieur Lalouette, y étant établi mercier à Plé, autre mercier. N° 12 bureau de confiance, de M. Rapin, pour le placement des intendants et domestiques, sous Louis XVI.

N° 26 : hôtel dit Impérial à la même époque.
N° 25 : hôtel du président Molé de Champlâtreux ; précédemment au sire de Montbrison, acquis en 1793 par le citoyen, Vaquez, plus tard trésorier de la cour de cassation, grand-père du médecin qui est propriétaire actuel.
N°32 : Tardif, potier d'étain, adjudicataire en 1762.
N° : 34 les héritiers Champiat, même date.
N° 33 : a été occupé par unc communauté religieuse.
N° 39 : propriété vendue en 1733 par Hugo, marchand, et sa ferme, née de Hansy, au séminaire Anglais elle est restée en ce temps-ci à la disposition des administrateurs des fondations catholiques anglaises et écossaises en France.
N°41 : même origine, confirmée par un h figurant sur un écusson.
N° 70, ou peu s'en faut : Chevillard, épicier, acquéreur en1668, tenant d'une part à Philippe, d'autre part à Lemausne, et une maison par-derrière, avec l'enseigne
de la Chasse, appartient aux Incurables.
N° 72 ou 74 : Guillotin, sellier, rue de Sèvres, achètent 1749.
N° 73 approximativement : les Morel vendent à Donneau, année 1723.

En ce temps-là les images du Soleil-d'Or, des Trois-Rois, de la Nativité, du Pavé-Rompu et du Roi-François pendent encore à d'autres portes de la rue du Four Saint Germain.

Quant au n° 43, il dépend du couvent des filles de la Miséricorde, que remplaceront plus tard des francs-maçons en loge. Par-là, dans le principe, s'est ébaudie la Courtille de l'abbaye.

Le 63 a conservé pour ornement extérieur un bas-relief en pierre, qui représentait autrefois plus clairement la Chaste Suzanne. Une tradition locale fait de l'immeuble un des anciens logis de la reine Blanche ; mais on a regardé aussi Gabrielle d'Estrées comme y ayant demeuré. C'était, dans tous les cas, au milieu du XVIIe siècle, une académie d'équitation sous la direction du sieur Del Capo, avec des bâtiments et une porte sur la rue du Vieux Colombier. Je ne serais pas étonné qu'on y eût caserné de véritables mousquetaires, comme un roman d'Alexandre Dumas en a placé, rue du Vieux Colombier, dans une maison du XIIIe siècle qui n'est pas de son invention, puisque vous la voyez encore derrière notre 63, dont elle a fait partie.

Un pharmacien, bon professeur, a laissé le nom de Boudet, enseigne recommandable, à l'établissement dans lequel il avait succédé à son père. Mais, cette rue du Four-Saint-Germain, d'où vient qu'elle est fertile depuis longtemps en notabilités pharmaceutiques ? Bayen, apothicaire major des camps et armées nationales, y demeurait sous la Constituante et sous la Convention. Habert, syndic en charge des apothicaires des maisons royales, y faisait des cours, de chimie dans son laboratoire, sous Louis XIV.

La petite rue du Four Saint Jacques ou Saint-Hilaire, dite aussi rue du Petit Four et rue Guillard, devait sa principale qualification au four du curé de l'église Saint-Hilaire. La plupart des maisons qui la composent appartinrent au collège de Reims et au collège Saint Barbe, avant de faire retour à l'État ; l'institution Sainte-Barbe en a repris la moitié en location depuis.



 

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