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RUE DES DEUX-ÉCUS
Ier arrondissement de Paris (Histoire de Paris
rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1859. La rue des Deux Ecus, qui
ne commence plus aujourd'hui qu’à la rue de Vauvilliers,
naguère du Four Saint Honoré, compte une douzaine de maisons
de moins. Située à la rencontre de la rue du Louvre, 13,
et de la rue Jean-Jacques Rousseau, 22. Précédemment, partie
de la rue des Deux Ecus, antérieurement rue aux Ecus. La plus grande
partie de l'ancienne rue des Deux Ecus a été absorbée
par la rue Berger. La partie restante provient de la voie créée
par Catherine de Médicis en 1577 et qui porta les noms de rue Neuve
de la Reine et de rue d'Anjou avant d'être réunie à
la rue des Deux Ecus. Origine du nom : Grandeur et Décadence d'un vilain Commerce. – Ce qu'on appelait Femme du Monde au XVIIIe siècle. – Comment la Fille Satin se mit dans ses Meubles. – La Succession Rouillé. – L'Enfant de la Terreur. – Origines. – Lettre de Catherine de Médicis. – Les Carignan. – Le Marchand de Fromages. – Propriétaires sous Louis XVI. – Hôtel de Brissac. – 1705. Après avoir dressé en raccourci le bilan des amours de la Dlle Aubin, ne nous étonnons pas de trouver rue des Deux Ecus, où demeura sa contemporaine, Françoise Brard, dite Satin, de quoi faire pendant au tableau. On s'était habitué à voir ce côté riant des fredaines de cette autre courtisane, dont le nom d'emprunt chatoyait luxe et gaieté de ces parages, qu'elle habita presque toujours ! Puis le quartier Bréda de ce temps-là descendit, lorsque fut construite la Halle au Blé, à un degré inférieur de l'échelle de la galanterie. La rue où nous entrons, comme chroniqueur, en a gardé une notoriété de bas étage, qui fait regretter l'élégance, les nuances et les demi-mot dont s'y habillait le vice, avant qu'il eût baissé son prix. Ah ! comme ils sont rognés, les deux écus dont le vulgaire ose rapporter l'accouplement légendaire à l'âge d'or d'un vilain, commerce, dont la rue s'expurge si lentement ! Exagérer les vices de l'autre siècle, c'est fournir un mauvais exemple à nos neveux, qui n'en donneront que plus librement à leurs fautes les nôtres pour excuse ; mais ne tenir aucun compte des impuretés, dans le passé, serait l'éloigner trop du présent et ne voir que le toit des maisons, au lieu de faire comme le Diable boiteux, qui l'enlevait comme un couvercle. De cette Satin, fille de fortune, qui n'a pas écrit ses mémoires, mais dont Louise XV a reçu plusieurs fois des nouvelles, dans le journal galant que rédigeait sa police particulière, quelle est en peu de mots l'histoire ? Elle naît en 1735, fille d'un fermier ; l'abbé Meusnier, chanoine de la cathédrale du Mans, la débauche à l'âge de quinze ans. Adressée à Paris, deux ans après, elle entre chez le sous-fermier Coupart, rue Caillou, en qualité de femme de chambre ; mais elle en est chassée par Mme Coupart, qui prodigue à cette servante, en la congédiant, une épithète faite pour rimer richement avec le voluptueux surnom qu'elle n'a pas encore pris, et qui ne doit même lui être donné que bien après sa première robe de soie. La nommée Perrault, femme du monde, à une époque où l'on appelle ainsi, celles qui reçoivent beaucoup de monde, initie Françoise à un art qui consiste à s'en faire des moyens d'existence. Au bout de trois semaines, on arrête l'une, et l'autre, par égard pour presque tout l'état-major des Suisses, et, la fille Brard passe dix-sept mois à l'hôpital. D'autres femmes du monde là recueillent ensuite, et chez l'une d'elles, rue de Grenelle Saint Honoré (ajoutée à la rue Jean Jacques-Rousseau), elle lie connaissance avec un commis aux fermes, portant vraiment le nom de Satin, qui, à les croquer avec elle, rend ses appointement insuffisants ! Les consignataires du prêt sur gage reçoivent plus que jamais les visites de Françoise, et le crédit la déshabille pour plus longtemps qu'à l'ordinaire. Elle ne cesse de vivre avec son commis que sur la rencontre de Bertrand, receveur des domaines à Sens, qui a épousé sa cousine et qui resserre ce lien de parenté, en dégageant ses effets et en la remettant sur pied. Elle s'installe avec le nom de l'un, avec le mobilier de l'autre, n°1, rue des Vieux Augustins, avant de s'établir plus grandement rue des Deux Écus, au coin de la rue du Four (rue Vauvilliers), grâce à une aventure de carnaval, qui livre à son appétition de courtisane un aliment plus substantiel. Enfin la belle est richement entretenue par le comte d'Elva, brigadier des armées du roi, qui demeure à l'hôtel Carignan, chez la princesse de Carignan. L'ancien boudoir de la Satin se retrouverait au n°13. Cette propriété avait été l'objet d'un litige, qui avait cessé de pendre en 16, 61, entre les héritiers de la famille Chananon, ainsi qu'une plus grande propriété, qui y touchait et qui est le n°15. Le nom de Louis-François Rouillé, seigneur de Plaisance, figure Mans l'état-civil de ce dernier immeuble pour l'année 1754 soir vendeur, qui a dû remplir bien des formalités légales, agissait en qualité de curateur à la succession vacante de Henry-Gabriel Boutet de Montlhéry, conseiller au Châtelet, payeur de rentes de l'Hôtel de Ville. Ce Rouillé a légué en 1715 une portion de ses biens aux cinq on six enfants de son neveu, Pellé de Montaleau, sieur du Plessis Saint Antoine, maître des comptes ; une portion aussi à Louis Rolland, seigneur du comté de Malleloy. Mais un autre Rouillé, intendant des turcies-et-levées, tuteur honoraire des mineurs Pellé, a hérité des biens nobles du défunt, son frère. Parmi ces fiefs était le château de Plaisance, sur la paroisse de Nogent-sur-Marne, donné par Charles V à Jeanne de Bourbon, sa femme, passé ensuite à divers personnages connus, tels que Philibert Delorme, Renée de Bourbon, abbesse de Chelles, et le financier Deschiens ; puis ayant fait retour au roi, avec lequel Rouillé d'Orgemont en avait traité. La maison de la rue des Deux Écus est échue, dans les partages de ladite succession, à Rolland de Malleloy. Après cet héritier s'inscrit, dans les titres de propriété, M Girardin, avocat aux conseils du roi, lequel est encore sur les lieux au moment de la Révolution. Il ne cesse de s'y croire en sûreté, pour son propre compte, qu'à force de se voir enlever par la justice du peuple ses plus chers parents et amis ; un soir même, en rentrant chez lui, il se croit poursuivi par une bande armée de piques, et redoutant qu'on s'empare de sa personne pendant la nuit, il dépasse à tâtons le premier étage, où se trouve son appartement, et il va frapper, sous les combles, à la porte de sa cuisinière, qu'il tire d'un sommeil assez dur. L'appréhension que le maître a conçue disparaît, mais elle y met le temps, en laissant derrière elle une autre conception. Puis l'enfant de la Terreur grandit, élevé, sous le nom de sa mère, par les soins de M. Girardin, qui lui lègue en mourant sa bibliothèque. L'immeuble appartient aujourd'hui à un architecte estimé, M. Deschamps ; on y peint, au fond de la cour, force vitraux pour les églises. N° 17 : porte cintrée, mansardes, antérieures à la Fronde. Bonne occasion, n'est-il pas vrai ? pour nous rappeler que la rue où nous passons a commencé de bonne heure à compter ses écus, qui pouvaient être des boucliers de chevaliers ! Guillot la qualifiait, vers l'an 1300, rue des Écus ; elle fut aussi appelée Traversine au XVe siècle, et de la Hache, entre la rue des Etuves (cette petite rue des Étuves, puis des Vieilles Étuves Saint Honoré, se nomme actuellement Sauval) et celle d'Orléans. En 1577, s'ouvrit la section de cette rue qui aboutit à celle de Grenelle. La petite maison de cette reine avait été et fut encore un grand hôtel ; nous donnons l'épitome de son histoire à l'article de la rue Coquillière. Il ne s'intitula de Soissons qu'au XVIIe siècle. Le prince et la princesse de Carignan, qui en disposaient sous la Régence, y firent jouer à leur profit le pharaon et le lansquenet ; puis le marché aux actions de Law y fut parqué, dans le jardin, après avoir quitté la place Vendôme et la rue Quincampoix. Malgré les avantages qu'en tirèrent les Carignan, maison princière qui règne de nos jours en Italie, leurs créanciers ne furent désintéressés que sur la vente et la démolition de l'hôtel de Soissons par autorité de justice et autorisation royale. La Ville de Paris en acheta le terrain, plusieurs années avant d'y mettre les ouvriers pour la construction de la Halle au Blé. Donc la princesse de Carignan pouvait encore y être en quelque chose usufruitière au moment où le comte d'Elva habitait, soit là, soit ailleurs, l'hôtel de Carignan. Vers la fin du règne de Louis XV, se formèrent à la place de l'ancien hôtel de Soissons, en ce qui regarde la rue des Deux Écus, les immeubles frappés des chiffres 12, 14, 16, 18, 20 22, 26, 28, 30, 32, 34, 36, 38, arc du pourtour de la Halle. Or le 24 fait exception, dans cette exécution du plan de Lecamus de Mézières, et comme il avance sur la rue, en y rappelant l'alignement d'un côté du quadrilatère de constructions qui formait le palais, et à l'un des angles duquel se dressait la colonne, observatoire de la reine mère, maintenant adossée à la rotonde de la Halle, nous pouvons en conclure que ce 24 est un autre reste de l'hôtel de Soissons. Le 36 sort lui-même de la règle commune par son balcon et ses sculptures, par une forte odeur de fromage, qui forme un nuage d'exhalaisons putrides ; ce n'en est pas moins la maison-princeps de la galerie de propriétés remplaçant le mur du jardin du palais. L'enseigne de la Providence, qui surmonte la seule porte cochère de ce segment de cercle d'habitations, laquelle a été confisquée par le commerce du brie et du marolles, cette image, disons-nous, est d'origine caséeuse ; elle remonte au commencement de la fortune commerciale des propriétaires de l'immeuble. Le 23 est hôtel de Rennes, depuis plus d'un demi-siècle, à la place du roulage Bourget un bureau de diligences pour beaucoup de pays s'y desservait, avant l'omnipotence des chemins de fer, qui n'y a épargné qu'un petit nombre de services pour les environs de Paris. Unis, puis séparés, puis réunis, ont été les 27, 29 et 31. Le 33, pour finir, est d'une apparence excellente ; son escalier à ferrure ouvragée a pour pendant une autre suite de degrés, bordés de la même manière, qui fait partie de l'hôtel des Empereurs, rue de Grenelle la moitié de cette propriété extérieure appartient encore à M. Goiset, ancien avoué, seigneur et maître aussi dudit 33. Rien d'impossible à ce qu'y ait siégé la chancellerie de Henri IV, comme la tradition le rapporte. Mais il n'en est pas soufflé mot dans un jugement d'adjudication, en date du 27 mai 1803, qui relate une sentence du Châtelet du 8 janvier 1783, en reconnaissant MM. Boscheron et de Thieulloy comme héritiers des droits de Pierre-Joseph Bauvin sur l'immeuble. C'est aussi sous le règne de Louis XVI que l'encoignure de la rue de Grenelle, côté des numéros impairs, appartenait à M. Arnaud, la maison d'avant à M. Boucheron et l'autre encoignure d'extrémité à M. Babille. Le chevalier Desforges était propriétaire, au même temps, de l'ancien hôtel de Brissac, fort en vue au temps de la Fronde, qui se trouvait embrassé par les rues d'Orléans et des Vieilles Etuves, et il disposait pareillement de l'un des côtés de la rue Devarentie (cette petite rue Deyarenne est à présent Sauval, comme celle des Vieilles Étuves Saint Honoré, à laquelle elle faisait suite. Le parrain de cette dernière rue avait près d'elle une maison rue des Deux Écus, et les héritiers de la marquise d'Aligre un des angles de la rue Babille. A la place dudit Desforges, sur un plan sans date on indique le sieur Boivin comme propriétaire de l'un des deux hôtels Brissac, le petit ou le grand, et une tour de l'ancienne enceinte de Philippe-Auguste est encore marquée dans sa propriété, aussi bien que dans celle du sieur Mouton, rue d'Orléans. D'après un autre plan de notre rue, à la date de 1705 :
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