Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI

RUE DES DEUX-ERMITES
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1859. On a postérieurement fait disparaître de la Cité ce qui restait de la rue des Deux-Ermites.

Ouverte au XIIe siècle, on la trouve citée successivement sous des noms différents rue de la Confrérie Notre Dame, en 1300 rue des Deux Serviteurs, en 1640 ; rue des Deux Ermites, après cela. Or la grande conférence de Notre-Dame fut une pieuse association, dont les bourgeois de Paris formaient le principal élément, et à laquelle appartenait le fief de la Grande Confrérie aux Bourgeois, au faubourg Saint-Michel ; les membres s'en qualifiaient serviteurs et serfs de la Vierge. Pourquoi ne pas croire que deux de ces serviteurs avaient vécu comme des ermites, bien qu'au milieu de la Cité, soit dans la susdite petite rue, soit dans une rue où elle débouchait, et que le premier siège de la confrérie de Nôtre-Dame s'y était trouvé avant eux ? Sur les places, dans les rues passantes, ne trouvait-on pas, sous Louis XI, tantôt un reclus, tantôt une recluse, qui avait fait murer sa porte, pour s'encager derrière une grille ?

Raccourcie de nos jours par le percement de la rue Constantine, celle des Deux Ermites a gardé deux réduits du Moyen-Âge, sur les trois ou quatre maisons qui la maintiennent au rang de rue.

Le rez-de-chaussée de son n° 1, opère un léger retrait, sous un premier étage qui surplombe. Cela rendait autrefois moins fâcheuse la manutention des vases pleins, qui des fenêtres à coulisses de l'endroit étaient vidés près du passant, lequel en était quitte pour des éclaboussures à la condition de serrer le mur. En face, la rue entaille d'un petit carré son vénérable n° 2, qu'illustre encore dans sa niche une image de Notre-Dame, et devant laquelle un vide respectueux fait rentrer l'angle qui lui est commun avec la rue perpendiculaire des Marmousets.

Dans le bas de la boutique d’un marchand de bric-à-brac, étalant aux pieds de la madone, est réellement scellée à l'extérieur une pierre abrupte ; mais il est devenu difficile d'y reconnaître, dans un relief qui paraît tailladé, un chien, qu'on y avait sculpté à la place d'un chien de faïence, mis en pièces la nuit par une main inconnue. Cet emblème de l'instinct et de la fidélité rappelait un crime, expié devant les hommes depuis le règne de Henri II, mais dont la purification s'est poursuivie plus longtemps devant Dieu, sous les auspices de Notre-Dame.

Un barbier, dont la main passait du rasoir à la lancette pour le service de ses pratiques, tenait jadis boutique n° 2. On remarqua, un jour, un étranger y entrant et se faisant raser ; mais, nul ne l'ayant vu sortir, on se trouva dans l'impossibilité d'indiquer à un ami, qui l'attendait près de là et qui avait fini par perdre patience, le chemin qu'avait pris l'étranger pour s'en aller. Comme ce dernier ne rentra à l'hôtellerie ni le même jour, ni le lendemain, sa disparition fut annoncée par lettre à ses héritiers, qui n'hésitèrent pas à le tenir pour mort. Mais l'ami, qui doutait encore, voulut en avoir le cœur net. Il entreprit de fouiller tout Paris, accompagné par le chien du défunt, qui, en passant dans cette rue étroite, sauta d'un bond chez le barbier, l'oeil en feu, les flancs haletants. La persistance avec laquelle l'animal grattait le plancher y fit découvrir une trappe, et sous la trappe une double cave, qui existe encore de nos jours, où fut retrouvé, en petits morceaux, le corps du malheureux, dont le chien lui-même était le plus en peine. Non content de pratiquer la chirurgie, le maudit barbier s'était fait assassin ; il avait passé un marché avec un pâtissier du voisinage, dont les pâtés en grande réputation contenaient un hachis de chair humaine. On roua vifs les deux scélérats.

Cette histoire à faire peur, mesdames et messieurs. n'est qu'une tradition, dont la véracité peut se contester ; mais de père en fils, dans la Cité, beaucoup de gens y croient, depuis deux siècles.

Une maison, faisant le coin de la rue des Marmousets dans celle des Deux Ermites, appartenait au comte de Brisset vers la fin du règne de Louis XV, et l'adjacente à la marquise de Séreste.

 


 

:: HAUT DE PAGE    :: ACCUEIL

magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI