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AVENUE D'ANTIN,
aujourd'hui avenue Franklin D. Roosevelt VIIIe arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Notice écrite en 1856. Le petit Moulin-Rouge : Formosum pastor Corydon ardebat Alexin. Puis il y avait le bal des Nègres, où des quinze-vingts jouaient du violon ; celui d'Idalie, pour le commis et la grisette, et d'autres assemblées dansantes dans des caves, où il fallait descendre par une échelle. Celles-là, dit-on, étaient le repaire de gens qui, dans l'avenue d'Antin, n'auraient pas hésité à demander la bourse ou la vie au préfet de police. C'était un lieu de franchise et d'asile, où le mouchard le mieux payé regrettait son ancien état et fraternisait de nouveau avec ces mêmes voleurs qui ne craignaient d'être arrêtés qu'en plein jour et partout ailleurs. Le bal d'Isis était situé là où se trouve le restaurant du Petit Moulin-Rouge depuis bientôt vingt ans. Bardout, le chef actuel de cet établissement culinaire, a pour ancêtre du côté maternel Amant, qui créa le Moulin-Rouge, à la place qu'occupe le jardin Mabille : le bail du patriarche de cette tribu d'échansons était signé par Mme de Pompadour. Tout est par conséquent de création moderne avenue d'Antin, si ce n'est les arbres et l'établissement Bardout, où la piquette d'abord, puis le bordeaux et le champagne coulent à flots depuis un siècle. Cette maison à deux fins ne convient pas moins à ceux qui aiment la table qu'à ceux qui aiment à table. Il faut voir comme l'on y soupe à la sortie du bal Mabille ! On ne soupe pourtant plus que par anachronisme : le duc d'Antin et ses amis s'y entendaient autrement que nous. A la bonne heure nos dîners ! Encore faut-il convenir qu'en général on mange et on boit mieux dans les grands restaurants que l'on n'y dîne. Les préoccupations de la vie sont infinies depuis que chacun fait comme l'État, qui dépense toujours plus qu'il n'a, et depuis que l'amour de la gloire pour elle-même est de l'histoire ancienne ; les plaisirs de la table en souffrent parce qu'on y apporte souvent des inquiétudes. Sur deux bouteilles de champagne, dans un cabaret de premier ordre, on en boit une pour s'étourdir sur une perte ou sur une chance de perte, quand ce n'est pas sur un remords, dont la carte à payer fait le report. Si le bruit de verres qui se choquent dans un salon particulier arrive, jusqu'à vos oreilles, soyez sûr qu'on y porte une brinde ou à un homme en place, capable d'en donner d'autres, du à un innocent qu'on prédispose une partie de baccarat. Du moins le dîneur solitaire est à l'abri de ces spéculations. J'en admirais un l'autre soir, à une table du jardin ; c'était un beau garçon encore jeune et il paraissait si ravi de la bouteille de chambertin, couchée dans un panier, dont il lampait le dernier verre, que j'en fredonnais à sa place la chanson sur le chambertin du Nouveau Seigneur au Village. Tout à coup il pâlit, ses lèvres s'injectent de sang, les débris du verre mousseline qu'il vient de mordre jonchent sa table, et il laisse échapper ces mots : – Mon père me vole ma part de la fortune de ma mère, et mon frère, qui songe à l'avenir, en est bien aise ! |
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