Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DE PARADIS
Xe arrondissement de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. L'autonomie de la rue de Paradis-au-Marais n'était pas encore supprimée. Commençant : rue du Faubourg Saint-denis, 95. Finissant : rue du Faubourg Poissonnière, 64. Historique : précédemment rue de Paradis Poissonnière. Elle porte le nom de rue Saint-Lazare sur le plan de Boisseau (1654).
Origine du nom : voisinage de l'ancienne rue d'Enfer, actuellement rue Bleue.

Le Paradis potager. – Les Filles-Dieu. – Le Duc d'Orléans et la Danseuse. –La Capitulation de Paris en 1814. –Les Archives de l'Hôtel des Archives. – Reconnaissance du Mont-de-Piété quant à l'Origine de ses principaux Bâtiments. – Les Blancs-Manteaux. – Autres Élus du Paradis du Marais.

C'est la rue Saint-Lazare qu'il faut chercher sur le plan que Boisseau a donné de Paris en 1643, pour y trouver la rue qui n'était pas encore celle de Paradis-Poissonnière et qui avait même formé un tronçon du grand chemin du Roule-à-Saint-Lazare.

Le paradis n'y tomba pas du ciel ; il y poussa au contraire, comme de l'herbe, en des près qui appartenaient, faute d'anges, à des religieuses. Assez longtemps ce paradis des plus terrestres, demeura potager, en ne prenant ses élus que dans les maraîchers. L'enfer du même quartier, qui était la rue Bleue, n'avait rien encore de commun avec l'azur quand le bourreau y demeurait, entre la caserne de la Nouvelle-France et les guinguettes des Porcherons. D'après un acte de soumission censuelle passé en l'année 1710 par révérendes dames sœur Geneviève Beauvillain, prieure et religieuse du couvent royal de Filles-Dieu, de cette ville, du Saint ordre de Fontevrauld ; sœur Élisabeth Lovy, dépositaire, et sœur Marguerite Guillet, boursière, leur monastère était propriétaire de 13 arpents de marais cultivés hors la porte Saint-Denis, au lieu dit Les Paradis et anciennement Les Prés-des-Filles-Dieu, tenant d'une part au grand chemin des Poissonniers, d'autre part à Michel Naquet, d'un bout à la ruelle de Saint-Lazare, d'autre bout aux égouts de la Ville.

Beaucoup de légumes, s’y récoltaient encore en 1738. On avait alors à main gauche, en entrant dans cette rue, le jardin de Ledru, à qui succéda Jean Fromentin, jardinier de la rue Bergère ; puis venaient des pièces de marais à Mme Pécheur, à Mme de Champeron, audit Ledru, à Michel Naquet et aux filles-Dieu. A main droite, l'enclos Saint-Lazare.

Pourtant le n° 44 de la rue, bâti en 1785 sur un terrain venant des lazaristes, est un ancien pied-à-terre de Philippe d'Orléans, plus tard Égalité, qui y logeait une danseuse. Le prête-nom du prince, comme propriétaire, était le chevalier de Saint-Sault. Néanmoins, il y avait encore dans la rue presque autant de vachers nourrisseurs qu'on y compte aujourd'hui de marchands de porcelaine en gros.

Son n° 51 est l'ancien hôtel de Raguse, où se conclut, dans la nuit du 30 au 31 mars 1814, la capitulation de Paris, signée par les colonels Denys et Fabvier, aides de camp des maréchaux, Mortier et Marmont. La duchesse de Raguse y eut pour successeurs les héritiers Aguado, en 1842, puis le député Jacques Lefebvre, puis M. Legentil, pair de France.

De cette rue est l'antipode, au quartier du Marais, une autre rue de Paradis, déjà tracée au XIIIe siècle, mais bordée alors de façon à en être appelée rue des Jardins.

Le ci-devant hôtel Soubise y est devenu un édifice public à la fin de 1808 un décret impérial le transformait en palais des Archives et plaçait en même temps l'imprimerie du gouvernement dans un grand hôtel de la rue Vieille-du-Temple qui était sorti des flancs de l'autre. La première de ces résidences avait servi d'entrepôt, lors de la prise de la Bastille, à quarante-cinq milliers de poudre trouvés dans cette forteresse, puis d'ateliers à diverses fabrications et de bureau pour les déclarations, lors de l'emprunt forcé, en 1793, comme, aussi de Caserne pour les hussards de Chamborand un détachement de cavalerie prussienne vint encore camper dans ses dépendances après les Cent-Jours. L'historique de ce palais a été présenté par M. Henri Bordier, dans le chapitre II d'un livre très bien fait, les Archives de la France. Mais où trouver un livre sur Paris qui n'ait pas abordé le même sujet d'étude ?

Nous croyons que l'habitation féodale dont il subsiste la porte rue du Chaume, et qui sert d'entrée à l'école des Chartes, dans une aile de l'immense hôtel des Archives, remonte absolument aux templiers, lesquels eurent, en cet endroit, une grande maison, dite du Grand-Chantier. Le connétable Olivier de Clisson s'y établit, à titre de donataire des bourgeois de Paris et du roi, qui avait voulu subvenir pour 4, 000 livres aux frais de l'appropriation.

Toutefois Charles VI, en l'année 1392, y rassembla les francs-bourgeois d'alors, pour leur faire remise de peines qu'ils avaient encourues en prenant part à une émeute populaire, et la maison du Grand-Chantier fut appelée pour ce : hôtel des Grâces. Puis le duc de Bedford, régent du royaume pendant l'occupation anglaise, résida, non seulement a l'hôtel de Clisson, qu'on disait scis en la rue des Bouchiers près de l'hostel de la Rivière , mais encore et en même temps à l'hôtel de la petite Rivière, mitoyen avec celui de Clisson dans la même rue.

Jamais château donna-t-il plus envie de voir la galerie de ses châtelains ? Presque tous les portraits de celle-ci se retrouveraient dans les musées ; continuons-en du moins le catalogue.

Le comte de Penthièvre, en 1407 ; le roi d'Angleterre, propriétaire par voie de confiscation, en 1423 ; les Babou de la Bourdaisière, qui passèrent contrat de vente à Anne d'Est, femme de François de Lorraine, duc de Guise, le 14 janvier 1533 ; le cardinal de Lorraine, frère de François ; Henri-le-Balafré, fils de François, qui fit précipiter du haut d'une fenêtre, au coin de la rue du Chaume, Saint-Mégrin, surpris chez sa femme. Les Guise achetèrent, il est vrai, un hôtel de la Rocheguyon et un de Laval, pour s'agrandir ; mais ce dernier ne pouvait être situé, comme on l'a dit, au coin de la rue de Paradis, car le plan de Gomboust y marquait très distinctement un jardin avant que l'ancien manoir d'Olivier de Clisson eût cessé d'être Guise. Le dernier duc de cette race le laissa à sa veuve, Elisabeth d'Orléans, morte en 1696 ; François de Rohan, prince de Soubise, le prit des héritiers de cette princesse, et il ajouta aux constructions des Guise, du connétable, etc., le magnifique hôtel dont la cour d'honneur ouvre sur la rue de Paradis, pendant que le cardinal de Rohan édifiait, du côté de la rue Vieille-du-Temple, son palais contigu : l'un et l'autre établis sur les dessins de La Maire, dit Lemaire.

C'est seulement en l'année 1842 qu'une maison voisine, l'hôtel d'Assy, s'est encore agrégée au domaine des Archives : on y installait des bureaux et la demeuré du chef de l'établissement. Or M. de Miromesnil avait précédé, comme propriétaire, le président Chavaudon à l'hôtel d'Assy, et leurs titres de propriété remontaient même aux noms et millésimes qui suivent : Amelot, conseiller, 1606 ; dame Séguier, veuve de Bérulle, conseiller, 1595 ; Christophe de Refuge, 1555 ; Regnault-Boileau, écuyer, 1445.

Une autre institution publique a été fondée par Louis XVI dans un hôtel particulier, dont l'origine est l'une de nos découvertes. Les premiers directeurs du Mont-de-Piété n'ont fait qu'ajouter une façade à deux maisons acquises de Joseph Lelièvre, marquis de Lagrange, et de son beau-frère Louis Joli de Fleury, procureur général. Lesdites maisons n'en avaient peut-être formé qu'une à l'époque où Claude Blondeau, abbé d'Oigny, les tenait de M. de Villezain et de sa femme, née Blondeau. En tout cas le Mont-de-Piété ne doit quoi que ce soit au couvent dont il nous reste l'église des Blancs-Manteaux. Au jardin de ce monastère avaient tenu et la maison et le jardin de l'abbé de Rancé, poussé par un amour malheureux à la Trappe, dont il a été le réformateur. Faire se peut que cette maison se retrouve rue des Blancs-Manteaux, entre l'église et le Mont-de-Piété. Le cessionnaire du pénitent célèbre, en 1653, était Longuet de Vernaullet, grand audiencier, qui a vendu à Deschamps de Courgy, payeur de rentes.

Nous savons aussi de bonne part que Luillier, maître des compte était propriétaire, en 1632, d'une maison après laquelle il n'en venait plus que deux dans la rue de Paradis avant celle du Chaume, et qu'il y avait eu pour devancier, en 1554, Simon Rennequin, greffier aux présentations du parlement.

Des religieux de la congrégation des guillemites, instituée en Italie au siècle XII, avaient fusionné sous, Philippe le Bel, avec les frères mendiants que les premiers, on appelait blancs-manteaux ; ils ont laissé le nom de leur ordre à une rue que borde leur ancien couvent : un corps du logis monastique longe la cour étroite et profonde du 3 de la rue de Paradis. Les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur ont, à leur tour, dominé les guillemites dans ce couvent, où leur introduction était due au crédit du cardinal de Retz.

Du côté des Archivés, que va nous rapporter le 6 ? – J'ai bien eu, pourra-t-il nous dire, pour maître et seigneur Jean Régnier, maître des comptes, sous Charles VIII, et un siècle après Jean Huguet, président au grand-conseil ; mais le marquis de Canillac m'a fait réparer en l'année 1707 par Boffrand, lequel a relié mes deux ailes au moyen d'une galerie, avec salon circulaire au milieu, portant sur une trompe ou tour ronde. Et du tout a pris soin Jean de Flesselles, président à la cour des comptes, puis François Dodun, correcteur, puis un autre Dodun, conseiller maître en la même cour les passants peuvent juger de ce qui en reste. L'immeuble qui vient après moi n'est moderne que par-devant : je l'ai eu pour second, pour petit hôtel Canillac ; néanmoins Pierre Le Tourneur, mestre-de-camp de cavalerie, y commandait seul sous Louis XVI.

La moitié du n° 10 pourrait se flatter également d’avoir logé M. Pâris de la Brosse, que le second Dodun avait pour président. La comtesse de Jaucourt tenait des Nicolaï, ses ancêtres, une propriété dont vous voyez ensuite la cour carrée prendre ses aises. Un des MM. Le Tonnellier de Breteuil, du haut du balcon du 14, ainsi que des fenêtres du 16, a vu passer les hardes empaquetées qui ont porté les premiers numéros au Mont-de-Piété, et il avait pour locataire l'un des premiers chefs de cet établissement.

Peu distant du prince de Rohan-Soubise du temps de Louis XIV, M. le lieutenant civil avait résidé sur la même ligne.



 

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