Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI

RUE DES MOULINS
IIe arrondissement de Paris
(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. Commençant : rue Thérèse, 18. Finissant : rue des Petits Champs, 49. Historique : précédemment rue Royale, antérieurement rue Neuve de Richelieu. En 1793, elle fut réunie à l'ancienne rue des Moulins qui, située entre la rue des Orties (sup.) et la rue Thérèse, a été supprimée par l'ouverture de l'avenue de l'Opéra. Cette voie existait dès 1624 et s'étendait alors des rues l'Evèque (sup.) et des Orties (sup.) à la butte des Moulins et enfin à la rue Thérèse lors de son ouverture. Origine du nom : cette voie doit son nom aux moulins de la butte qui existaient encore au XVIIe siècle.

– La Butte. – Jeanne d'Arc. – L'Abbé de l'Epée. – L'Avocat de Louis XVI. – Le Baron d'Holbach. – L'Inventeur des Chapeaux de Soie. – Les Salons où l'on entre sans ôter son Chapeau.

La rue dont nous allons parler, déjà bordée de constructions en l'année 1624, n'allait que de la rue de l'Evêque à la rue Thérèse ; elle n'a absorbé qu'en 1793 la rue Royale, dite d'abord rue Neuve-de-Richelieu, qui la fait déboucher rue Neuve-des-Petits-Champs. La butte des Moulins, qui a donné son nom à une section, royaliste au 13 vendémiaire, passe pour avoir été produite par les déblais des fossés du Rempart. Tous les ouvrages sur Paris vous diront que des moulins ont fait tourner leurs ailes au-dessus de ce monticule artificiel ; néanmoins le plan de Gomboust, loin de nous montrer ces moulins au poing culminant de la butte, les place sur le territoire qu'a abaissé la rue Neuve-des-Petits-Champs. A vrai dire, cette élévation a surtout cessé de paraître grâce à celle du sol dans les nouveaux quartiers environnants : les jardins du Palais-Royal et des Tuileries nous en donnent encore le niveau antérieur.

Lorsqu'elle servait de marché aux Pourceaux, c'était à peine une colline, mais elle tenait plus de place un Montmartre en diminutif et sous la main, dont les moulins éventaient le dimanche des badauds prenant leurs ébats, et d'où la vue s'étendait librement sur un horizon de collines plus élevées, plus verdoyantes. Jeanne d'Arc, s'y est postée courageusement en 1429, quand les Anglais tenaient encore Paris ; les ducs d'Alençon, de Vendôme et tant d'autres, ses compagnons d'armes, revoyaient de là les tours du Louvre, et l'envie leur y vint, le 8 septembre, de pardonner au nom du roi, si la ville leur ouvrait la porte Saint-Honoré. Mais un trait d'arbalète blessa Jeanne d'Arc, et les soldats de Charles VII allèrent en rejoindre d'autres près de la Loire.

Sous Louis XV, la rue des Moulins. n'était, pas dépourvue de boutiques, mais il en manquait rue Royale.

Durant le règne suivant, le chevalier de Saint-Lambert avait ce même n° 4 qui fait le coin de la rue des Moineaux, et dont les œils-de-bœuf restent braqués sur les maisons d'en face à petites portes, ou bien ce grand n° 44 qui se replie jusque sur la rue Ventadour.

Le n° 44 appartenait à l'abbé de l'Épée, et il y commença à étendre le bienfait de l'instruction aux sourds-muets. Un nommé Péreire, il est vrai, avait déjà imaginé un moyen d'enseignement spécial mais il avait le tort de n'en rien faire et de vouloir que l'abbé de l'Épée négligeât d'expérimenter des découvertes analogues au profit de l'humanité. Les ressources pécuniaires de l'illustre instituteur se bornant à 7, 000 livres de rente, le duc de Penthièvre et d'autres amis de l'humanité l'aidèrent à instituer non seulement un établissement, mais encore une science d'utilité publique. L'empereur Joseph II, pendant son séjour à Paris, assista plusieurs fois, dans la rue des Moulins, aux leçons que l'abbé de l'Épée y donnait.

Mme Marguerite Hébert, épouse séparée de biens du sieur Dufour, disposait du n° 45, dont la cour magistrale mène à un escalier à rampe de fer. Cet hôtel est sans doute le doyen de la rue. Le père de Mme Dufour s'en était rendu adjudicataire en 1758, sur licitation poursuivie entre les héritiers et représentants de Marie-Jeanne Varlet, épouse en secondes noces de Louis Gluck d'Epreville. Valleton en fut l'acquéreur en 1790, et Jumel deux années après ; celui-ci vendit, dès l'an III, à Mme veuve Raymond de Saint-Sauveur, qu'un sentiment de gratitude a portée, comme royaliste, à léguer son immeuble à l'avocat Desèze, défenseur de Louis XVI, et à M. de Belletrux, plus tard garde du corps de Louis XVIII. D'anciens ministres y ont l'un après l'autre occupé des appartements MM. Mérilhou, Corvetto, et il y reste encore M. Sénard.

Le 17 n'est qu'une des façades d'un ancien hôtel de Bazilière, donnant aussi rue Thérèse et rue Ventadour, qui appartenait à Laideguive d'une famille de notaires. La rue Thérèse, de ce côté, et l'autre, dans sa totalité, ne forment à elles deux qu'un bras de rue. Le garde-notes y avait des voisins porteurs de noms appétissants, pour leur contemporain d'Hozier, le généalogiste de la cour le marquis Brunet d'Evry, la baronne de Montmorency, le marquis de Ferrand, M. de Saint-Wast, M. de Mesgrigny. Dans notre rue, la maison qui suivait avait pour détenteur M. d'Embrun, et celle d'après, le comte de Gouy-d'Arcy 19 et 21 à l'heure qu'il est.

Vous lisez : vis-à-vis Hôtel de la Côte-d'Or, sur la porte d'une maison qui communiquait avec une de la rue Sainte-Anne ; elles furent toutes les deux habitées par le fameux baron d'Holbach. On sait que cet amphitryon de la philosophie recevait à sa table les convives que Mme Geoffrin trouvait avancés pour la sienne. D'Holbach passe encore pour l'auteur d'un grand nombre d'écrits ultra philosophiques, publiés sous le voile de l'anonyme, ou du pseudonyme. Aurait-il toujours joui de plus le liberté, pour ses publications, à Genève qu'à Paris ? Parfois le roi, plus souvent ses ministres faisaient mieux que de tolérer ce genre de libertinage ; ils l'encourageaient tacitement, en de certaines circonstances, pour qu'il servît de contrepoids à l'influence prépondérante du clergé.

Le n° 24, où demeurait la présidente de Bussy, jouait le rôle de trait d’union entre la salle à manger de l'Encyclopédie et une maison infiniment moins raisonneuse.

Déjà, quelques années avant, Mlle Daigremont y avait mené le train de maison irrégulier qui sied aux femmes galantes : tous les frais en étaient-ils faits par Prévost, inventeur des chapeaux de soie, qu'elle avait pour ami intime ? La propriétaire actuelle de l'immeuble exerce plus en grand la même hospitalité, par l'entremise d'un petit corps de jeunes femmes sous ses ordres. Elle succède à Mme Guérin, dont les salons venaient en première ligne parmi ceux où un homme du monde entrait sans ôter son chapeau.

 


 

:: HAUT DE PAGE    :: ACCUEIL

magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI