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RUE DU CHEMIN-VERT
XIe arrondissement de Paris (Histoire de Paris
rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1858. La rue du Chemin-Vert, à laquelle maintenant sert de rallonge toute l'ancienne rue des Amandiers-Popincourt, n'allait encore que jusqu'à la rue Popincourt. Commençant : boulevard Beaumarchais, 46. Finissant : avenue de la République, 132, et boulevard de Ménilmontant, 67. Dénomination : Arr. du 2 avril 1868, réunissant la rue des Amandiers à la rue du Chemin Vert. Historique. Précédemment, rue du Chemin Vert entre le boulevard Beaumarchais et la rue Popincourt, et rue des Amandiers entre la rue Popincourt et le boulevard de Ménilmontant. Chemin se dirigeant vers Belleville et Ménilmontant dit "chemin des Carrières" en 1627 (arpentage des biens des religieuses hospitalières de Saint-Gervais dans le Faubourg Saint-Antoine) ; "Chemin Verd" entre la contrescarpe du fossé et la rue Popincourt, et "rue des Amandiers" à partir de la rue Popincourt, sur le plan de Jouvin de Rochefort (1672-1675) ; idem "rue du Chemin Vert" entre la rue de la Contrescarpe et la rue Popincourt et "rue des Amandiers" à partir de la rue Popincourt et jusqu'à la "rue des Murs de la Roquette" (rue de la Folie-Regnault), au-delà la rue se poursuit en chemin (1725, Travail des limites) ; "rue du Chemin Vert" de la rue Amelot à la rue Popincourt, et "rue des Amandiers" de la rue Popincourt à la barrière des Amandiers (place Auguste Métivier) sur le plan de Verniquet (1785-1791) ; ruelle des Neuf Arpents et rue Verte (1777), puis rue du Chemin Vert, entre le boulevard Beaumarchais et la rue Popincourt, et Chemin Vert, puis rue des Amandiers, entre la rue Popincourt et le boulevard de Ménilmontant. Cette voie existait en 1650 à l'état de chemin sinueux conduisant de la Bastille à Ménilmontant ; des lettres patentes du 2 mai 1780 ordonnèrent son prolongement jusqu'au rempart. Origine du nom : traversait des jardins maraîchers. La Dlle Desjardins. – Levé, Échevin. – Dizaine de Propriétaires. En l'année de grâce 1714, pas du tout d'habitations ; vingt-cinq ans plus tard, une chaumière isolée de maraîcher, au milieu de la rue, à gauche, et une couplé de constructions, se faisant vis-à-vis au bout. Ainsi trois toits, à cette dernière époque, servaient d'abri à tous les habitants de la rue du Chemin-Vert, et nous retrouvons au moins deux de ceux-là parmi les toits qui, maintenant y couvrent une population assez nombreuse. Le premier se reconnaît à droite, en face de la rue des Amandiers-Popincourt ; il garde de la pluie, quand il en tombe, les cabinets et les chambrées d'un garni, dont la petite porte, annoncé la modestie. Demandez donc l'histoire de leur hôtel, ou même de leur alcôve, à des gens qui couchent à la nuit ! Le culte du passé n'y est pas en honneur ; les recherches archéologiques s'y concentrent sur la paillasse, cachette de secrets faciles à découvrir. Evoquons un ressouvenir moins frais encore que cet amas de paille entoilé. Une bière, portée à bras, contait de cette maison d'encoignure, dans la première journée du mois d'août 1778 ; pas un être vivant ne suivait la bière, dans laquelle était cahoté le corps d'une feuille, morte depuis la veille, nommée la fille Desjardins. Le mobilier de la chambre qu'elle occupait avait été enlevé dans une voiture, avant le corps de la défunte, par un marchand de meubles du faubourg Saint-Antoine, qui l'avait gardé à son nom, comme n'en étant pas payé. La Dlle Desjardins, qui cessait de vivre à l'âge de 36 ans, avait pourtant joué son bout de rôle sur la scène des galanteries en vue, et son nom avait figuré, pour le moins une fois, au répertoire des anecdotes racontées à Louis XV par les soins de M. de Sartines. Ne refusons donc pas à cette jolie femme de l'autre siècle, dont l'inhumation d'office n'a empêché que peu de temps les cendres d'être jetées à tous les vents, le terrain à perpétuité que la chronique concède gratuitement à la mauvaise comme à la bonne renommée. Sa mère avait été mercière dans l'une des maisons qui limitaient le jardin du Palais-Royal, puis s'était retirée à Belleville avec 4 ou 5, 000 livres de rente. Un projet de mariage y fut mis sur le tapis pour la fille, âgée de dix-huit ans, qui en goûta si peu les avantages que, pas un seul instant, ses beaux yeux noirs ne cessaient de chercher mieux. Poussée à bout, la promise malgré elle se sauva chez on frère, qui était marié et directeur de théâtre à Rochefort. C'était un ménage fort honnête, bien que les deux époux jouassent la comédie ; la nouvelle venue entra dans la troupe. Le plus brillant et le mieux fait pour plaire des habitués de la comédie s'éprit de Mlle Desjardins, qui toutefois lui résista, parce qu'il était grand seigneur ; il ne craignit pas de recourir à un enlèvement, qui ne réussit même pas à la réduire, car elle put s'échapper et rentra chez son frère. Néanmoins elle aimait en secret son ravisseur, qui n'était autre que le duc de Montmorency. Aussi bien ce que ne lui avait pas arraché la surprise, l'ingénue revint spontanément l'offrir à l'amoureux, qui en désespérait et qu'elle suivit à Paris. Le duc la mit, rue des Martyrs, dans une maison où Labatte, tapissier, qui avait la spécialité de ces garnitures impromptues, apporta tout ce qu'il fallait. Pour que rien ne s'en ébruitât, l'amant imposa à Labatte de ne pas mettre en circulation et même de conserver sous pli, jusqu'à l'échéance ; une lettre de change de 5, 000 livres sur la conservation de Lyon, dont il payait ses fournitures. Mais les indiscrétions de Labatte, qui prenait d'habitude à contre-pied la recommandation de rester bouche close sur les galantes équipées de sa clientèle, édifièrent un agent de la police qui en fit son rapport, le 4 juillet 1760, et alors la fille Desjardins était lancée, bien que M. de Montmorency l'aimât encore, sans le crier par-dessus les toits. « Ce seigneur est marié, disait l'argus de la chronique scandaleuse ; son épouse est extrêmement aimable et l'adore. Il est pour elle d'une indifférence qui approché même de la dureté. Toutes les fois qu'elle le voyait sortir de chez lui, elle passait les journées à le pleurer ; et enfin elle l'a guetté pendant quinze jours, avant son départ, passant les nuits sur son balcon, pour l'embrasser avant qu'il partît. Elle lui sauta au col, ce jour-là, et lorsqu'il fut monté en chaise, elle rentra dans son appartement à lui, qu'elle n'a pas quitté depuis ; pleurant jour et nuit. J'ai su ces particularités par des gens attachés à son service. Il est naturel d'imaginer, d'après tous ces torts, que ce seigneur serait très fâché qu'on sût ses engagements secrets avec la demoiselle Desjardins. Cette demoiselle est la même que j'arrêtai
à la foire Saint-Germain, travestie en homme, le 26 mars dernier,
et qui fut relaxée le même jour, suivant les ordres du magistrat.
Elle est connue sous le nom de la baronne de Fraqueville. » Lorsque la fille Desjardins, déchue de toutes les manières, finissait misérablement à une portée de mousquet de cette maison de campagne, Jean-Denis Levé, échevin, en jouissait ; la rue s'appelait alors rue Verte et chemin Vert, ad libitum, après avoir porté un siècle auparavant la dénomination de ruelle qui-va-à-Popincourt, et dans le principe celle de ruelle des Neuf-Arpens, provenant de ce qu'elle s'était ouverte sur un terrain de cette contenance, dit la culture de Saint-Éloi. Messire Levé, par son crédit, fit prolonger la voie jusqu'au Rempart, en correspondance avec celle du Pas-de-la-Mule, et servit de parrain au nouveau bout de rue, de son vivant. De son hôtel était propriétaire, sous Charles X, un autre magistrat municipal, M. Mouille, maire du VIIIe arrondissement. Sur la même ligne, à partir du Boulevard, champs ou maisons étaient, en 1782, à des particuliers nommés Corps, Chaise, de Monthodouin, de Moulin, de Baudin, veuve de Monfils, veuve Joyeux, Guichard, Bahoinet Fréret d'Héricourt.
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