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RUE
CHRISTINE
VIe arrondissement de Paris (Histoire de Paris
rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1858. Commençant : rue des Grands Augustins, 12. Finissant : rue Dauphine, 33. Historique : elle était construite en 1607. Origine du nom : bâtie à l'époque de la naissance de Christine de France (1606-1663), seconde fille de Henri I et de Marie de Médicis. Le Collège de Saint-Denis. – La Princesse Christine. – Anachronisme local. – Médecins. – Lauzun. – Mme de Latour-Franqueville. – M. Germer Baillière. – Le n° 9. Rue de Choiseul nous nous sommes flatté de découvrir des maisons plus anciennes que la rue ; rien n'empêche qu'il en soit de même rue Christine. L'année 1667 a taillé cette voie de communication dans le même drap que la rue Dauphine, c'est-à-dire sur les terrains de l'hôtel et collège de Saint-Denis, quoique sous le patronage d'une femme, Christine de France, seconde fille de Henri IV et de Marie de Médicis. Cette princesse épousa le duc de Savoie et refusa, étant duchesse régente, de livrer à son frère, Louis XIII, son propre fils, le jeune Emmanuel-Philibert Richelieu en conçut pour elle de la haine. Ses rares qualités faisaient dire qu'elle était belle sans orgueil, digne avec affabilité ; trois langues, le français, l'italien et l'espagnol, lui étaient familières, et il n'y en avait pas trop pour exprimer tout ce qu'elle éprouvait de sentiments délicats. L'hôtel Saint-Denis appartenait à l'abbaye royale du même nom, avant que la rue Christine coupât en deux ses principales constructions ; il avait été édifié en regard des anciens murs, fossés, remparts et contrescarpes qui allaient de d'ancienne porte de Nesle à celle de Saint-Michel, et ce qu'il y restait des anciens édifices, ajoutait à l'importance de la propriété, quoique ses bâtiments fussent traités de masures dans un arrêt du parlement relatif au percement projeté, et rendu en l'année 1696.
Le 1 et le 2, par exemple, n'ont fait qu'un, dans leur origine. Leur portes sont du XVIIe siècle à son début ; mais deux corps de logis par-derrière y sont, à coup sûr ; plus vieux et de la même venue leur séparation ne peut dater que de l'année 1607. D'estimables rampes de fer garnissent leurs escaliers ; on y remarque, n° 2, un chiffre C. M. que d'aucunes gens prennent à tort pour les initiales de deux noms qu'associa l'un des drames historiques de l'amour Christine de Suède, Monaldeschi. Le portier du n° 3 aura lui-même grande peine à croire que la reine de Suède n'ait jamais résidé dans la maison, où, il tire le cordon et dont il se regarde comme, le cicerone que deviendrait, bon Dieu, le petit fonds d'érudition qui défraie la faconde du brave homme et dont la biographie de cette princesse, morte en 1689, a fait royalement tous les frais. Il montre encore, une lanterne à la main, dans les caves de sa maison, d'anciennes cuisines, qui s'y sont révélées, ainsi que d'Anciennes écuries dans lesquelles assure-t-il, le palefroi de Christine a piaffé. Par malheur cet hôtel, qu'un jardin accompagne encore ne figure que parmi les reliefs du festin de pierre servi, sur un vaste plateau, par des architectes du Moyen-Âge aux seigneurs religieux de Saint-Denis. Un souvenir moins archéologique s'accole à son premier étage, habité vers 1805 par Lanefranqué, médecin de la maison impériale. De même Bouvard, professeur de pathologie, a demeuré en cette rue Christine au milieu du siècle dernier, et Denis-Allain, médecin de Louis XIV, au n° 4, propriété actuelle de M. Huguier, dont le nom s'inscrit à son tour au livre d'or de la pratique médicale. Denis-Allain assistait, le samedi de chaque semaine, à une conférence de mathématiciens, qui se tenait chez M. de Fontenay, en la même rue. Son logis touchait, par le fond, au couvent des Grands-Augustins. La maison avait été faite ou refaite, en 1608, pour Étienne Letellier ; elle appartenait, au milieu du règne de Louis XVI, à Jean-Louis Carnot, écuyer, commissaire des guerres de l'artillerie et de la marine à Toulon. C'était plus tard, avec le 6, un hôtel garni, dit de Christine, que le mouvement industriel, circulairement produit dans les quartiers excentriques par l'ouverture des voies ferrées, a transportée plus près d'une gare. Quand Bouvard donnait des consultations dans la rue qui nous occupe, des voyageurs y débouclaient leur valise à l'hôtel garni de Lauzun, où des logements revenaient jusqu'à 100 livres par mois, prix assez élevé pour l'époque. L'enseigne de cette hôtellerie ne nous porte-t-elle pas à croire que le Lauzun du XVIIe siècle était venu mourir près des Grands-Augustins, et non dans le voisinage des Petits, comme on le dit le plus ordinairement ? L'une des voisines du même médecin était Mme de Latour-Franqueville, correspondante de Jean-Jacques, dont elle a pris la défense contre David Hume. La mort de son ami n'a pas empêché Mme de Latour de parler et d'écrire encore en sa faveur. Elle-même a fermé les yeux à l'hôpital de Saint-Mandé en 1789. Michaud, éditeur de sa Correspondance, est venu en aide à une fille qu'elle avait laissée assez pauvre pour tendre la main aux passants. Le 5 et le 10, l'un comme l'autre percés d'une porte cintrée, ont pu voir passer Henri IV ; l'hôtel du Rhône s'exploite dans celui-ci, et le propriétaire de celui-là est un libraire-éditeur, M. Germer Baillière, qui veut bien adresses à M. Rousseau cette note épistolaire :
En 1728, le chancelier d'Aguesseau et sa famille vendaient 95, 000 livres à Ambroise Gaudin, secrétaire du roi, le n° 9 et deux autres propriétés contiguës, rue Dauphine. M. Gaudin, dix-huit années après, laissait ladite maison à son fils, Clément de Boissi, qui céda à Bunel ; puis vint la famille Des Étangs, qui depuis un siècle a fourni au Palais, de père en fils, un procureur et deux avoués. M. Chevalier, opticien du Pont-Neuf, acquérait l'immeuble dernièrement de MM. Des Etangs. En somme, toutes les maisons de la rue ont
sur la tête plus de deux siècles ; mais à l'échéance
du premier, elles ne comptaient que pour 9, avec un effectif de 3 lanternes. |
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