Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DU JOUR
Ier arrondissement de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1860. Commençant : rue Coquillière, 2, et rue Rambuteau. Finissant : rue Montmartre, 9. Historique : elle existait au commencement du XIIIe siècle ; elle a porté les noms de rue Raoul Roissole, rue Jean le Mire, ruelle du Séjour et rue du Séjour. Origine du nom : corruption de rue du Séjour. Là se trouvait, sous Charles V, un séjour du roi qui comprenait un manège et des écuries.

Le collège Fortet avait une petite rente sur une maison de la rue du Jour, en face de l'église Saint-Eustache. Le 3 a pourtant fait partie de l'hôtel Châteauneuf, ouvrant rue Coquillière, donnant aussi rue Platrière (Jean-Jacques-Rousseau) : M. de l'Aubespine, marquis de Châteauneuf, garde des sceaux, en était le propriétaire dans la première moitié du XVIIe siècle. Le marquis de Pourpre ou de Poulprie, en 1167, avec M. Gressu de Saint-Marsault pour tenant, du côté de la rue Coquillière, et Mlle Léger de la Cour sur l'autre flanc.

L'hôtel de Royaumont,se carre, sur le plan de Paris en 1652, auprès de l'église Saint-Eustache ; reconnaissons-le donc n° 4, avec sa grande porte, au couronnement flanqué de deux chiens de faïence : un marchand de faïence et de porcelaine y laisse grimper du lierre sur une des faces de la cour. Philippe Hurault, évêque de Chartrès, abbé de Royaumont, fit construire cet hôtel en 1612. François Montmorency, comte de Bouteville, ne tarda pas à y établir une salle-d'armes, où se réunissaient les raffinés du point-d'honneur, qui s'y entretenaient la main en mettant des fleurets à la disposition de tout bretteur de profession sauf à noyer sa raison dans le vin s'il en avait encore trop pour se faire le second du premier-venu.

Cet illustre duelliste Bouteville, père du maréchal de Luxembourg, affronta jusqu'au bout le édits de Louis XIII contre le duel. Forcé de se réfugier à Bruxelles, après une rencontre, il revint tout à coup, pour se battre en plein jour place Royale, où il avait Croixmart pour second. Arrêté dans sa fuite, il paya de sa tête en Grève cette forfanterie suprême. Mme de Bouteville, qui était huguenote, passa galamment le veuvage : elle couchait dans des draps de lin écru pour paraître plus blanche. Toutefois elle épousa Croixmart, catholique comme son premier mari.

Un grand cabinet littéraire occupait en partie l'hôtel de Royaumont au moment de la Révolution, et l'archevêque de Cambrai, en tant qu'abbé de Royaumont, touchait le prix de cette location.

Mais il y eut du côté opposé un petit hôtel du même nom, qui a donné le change à plus d'un historiographe. Il était contigu à l'habitation de la communauté de Sainte-Agnès, ouvrant surtout rue Plâtrière. On y retrouvait les ruines d'une tour du mur de Paris dû à Philippe-Auguste. Un autre pan de la même enceinte se dressait chez le sieur Legay, alors qu'il disposait de la maison qui venait la cinquième avant la rue Coquillière, et ce tronçon se reliait aux restes d'une autre tour, régnant chez Gilles, rue Plâtrière.

Une tranche de ce gâteau de pierre avait été concédée par la Ville, en l'année 1674, à Jean du Tremblay, dont la propriété appartenait : en 1681 à Martin Ballet, bourgeois ; en 1699 à Philippe de Laporte ; en 1729 à Anjorrant, conseiller au parlement de Paris ; en 1767 à André Dufour, seigneur de la Nau, ou de Lanneau, et à Anjorrant, son beau-frère. Est-ce à un prince de Lambesc ou à la ville de ce nom que ladite propriété devait la qualification d'hôtel de Lambesc ? Elle avait eu deux portes rue du Jour, avec une dans la rue Montmartre et une dans la rue Plâtrière ; mais, Anjorrant et Dufour ayant partagé, la maison du premier donnait rue Montmartre et celle du second, rue du Jour, où il séparait les religieuses de Sainte-Agnés des héritiers Danets, qui avaient l'encoignure.

En ce temps-là M. Mariette, contrôleur général en la grande-chancellerie, était propriétaire sur la même ligne, entre l'abbé de Royaumont et les héritiers de Bèze ; mais il touchait aussi d'une part et dans le fond à la succession du président Mallet, propriétaire d'un cul-de-sac par-derrière. Sa maison était grande ; le tailleur Bucy n'en était pas le seul locataire ; elle avait porté l'image du Cormier et plus anciennement la dénomination du Séjour. Jean Mariette, libraire, et sa femme, née Coignard, en avaient été possesseurs antérieurement ; le pâtissier Coring, sous Louis XIII, et Pierre de Caen, sous Henri III. Le Séjour, qui plus est, avait valu à la rue Raoul-Roissolles du siècle XIII le nom de Séjour, dont Jour n'est que la corruption.

Je te salue encore, logis du roi, inauguré par Charles V sur la lisière du Paris de Philippe-Auguste, et que les historiographes, à l'unanimité, se sont plu à jeter par terre, sans jamais donner une date à cette prétendue démolition !

Le royal pied-à-terre du XIVe siècle n'est pas aussi rasé qu'on le croit : un escalier, bordé de pilastres en bois, et les beaux dessus-de-porte des paliers, à tous les étagés, confirment au n° 25 un droit d'aînesse incontestable sur l'hôtel des abbés, avec un air d'autorité que ne sapent pas entièrement les disgrâces d'une si longue occupation populaire. ! Que sera-ce donc si vous vous arrêtez à deux fines colonnes, dont les chapiteaux forment des têtes de béliers, dans la cour ? Cela indique le style de la chapelle, qui était, en effet, contemporaine du palais Saint-Paul et de l'hôtel de Sens. Des mascarons et des dorures intérieures, qui ne remontent qu'au siècle de Louis XIV, sont un fard déjà pâle et n'en dissimulant que plus mal un âge beaucoup plus avancé.

La propriété de M. Mariette était encore à ses hoirs en 1784, et les deux latérales, aux hoirs de Bèze, à l'abbé de Royaumont. Mais le comte de Montmort et le marquis de Coursillon, un peu plus tard, avaient l'intermédiaire, si ce n'était pas le 29. Le 10 appartenait alors à M. de Voypierre.

Au reste, plus d'une maison s'était bâtie sur les dépendances du Séjour, notamment celle où Mallet, président en la cour des Comptes, avait pour successeur le chevalier Mallet de Chanleloup, qui résidait rue Plâtrière. Propriétaires avant eux, même endroit : le bourgeois Maupin, en l'an 1581, et dame Jeanne Sanguin, veuve de Jean Goret, en 1574.

Les filles de Sainte-Agnès avaient aussi, en quelque chose, Charles V pour prédécesseur indirect. La porte d'une crèche, en notre rue Jean-Jacques Rousseau, a été l'entrée principale de ces religieuses, tenant une école de filles pauvres et une pension de jeunes demoiselles, qui était séparée de l'école. Léonard de Lamet, curé de Saint-Eustache, avait institué leur communauté en 1678, et les titulaires de la cure, depuis lors, avaient continué à veiller sur sa bonne tenue. La grande révolution a supprimé cette communauté, que Colbert avait gratifiée d'une rente de 500 livres, dont elle avait mis en gage le contrat, pendant l'hiver rigoureux de 1709, afin d'être plus secourable aux enfants confiés à sa garde.

Le dernier curé qui l'ait assistée de ses conseils était l'abbé Poupart. Il habitait, n° 2, une maison appartenant à la fabrique de Saint-Eustache.

Chaque fois que les membres du comité révolutionnaire de la section du Contrat-Social vinrent y voir le citoyen Poupart, c'était pour le conduire à la Râpée ou à la Courtille et y déjeuner copieusement à ses frais. Si le pauvre homme avait résisté, c'en était fait de sa liberté et de sa vie.



 

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