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PLACE GERSON
(Histoire de Paris
rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1859, avant que la place reçût le nom d'un ancien chancelier de l'université de Paris. Substituée en 1839 à la rue des Poirées, cette place méritait à double titre de porter le nom du collège dont elle a dégagé les abords et qui a contribué aux frais de son établissement. Le bouquiniste Loisel y a sa boutique n° 3, après avoir été rue Saint-Jacques et rue des Grès, il achète et vend des livres d'occasion depuis un demi-siècle pour le moins. Chaque édition de la grammaire grecque de Burnouf, en dépréciant la précédente, a. fait perdre quelque argent audit revendeur, que pourtant cet helléniste, son client, honorait autrefois d'une protection familière. La boutique de Loisel était occupée, avant lui, par un gargotier plus heureux, en ce qu'il regrattait à coup sûr, servant le matin en ragoût les rôtis rebutés la veille, et ne mettant rien au pilon, ainsi que le fait un libraire des ouvrages classiques répudiés par les programmes de l'Université. A la maison du bouquiniste est contiguë une maison du même âge, mais d'une importance augmentée par douze marchands d'habits ambulants qui se cotisèrent il y a quinze ans pour en devenir propriétaires. De l'autre côté de la place, voici le 4, qu'on a refait également ; le 6, où bruissaient autrefois les ateliers d'un Serrurier ; le 8 enfin, devenu l'hôtel du Lot. Cette hôtellerie, qui a beaucoup gagné en vieillissant, servit longtemps d'abri aux petits métiers ; le saltimbanque y descendait. En l'année 1711, quelques petites filles de la Savoie y furent casées par une commère, dans un grenier plus que modeste : elles allaient chanter par la ville. Celle qui accompagnait du cliquetis de son triangle les glapissements des autres enfants, changea de position à tout prix ; mais les gens qui l'avaient connue à ses débuts, l'appelèrent toujours la Savoyarde. Son véritable nom était Beaumier ; son pseudonyme, Mlle de Ville. Elle avait quitté son galetas, prête à ruiner toute la terre, et son train de vie coûta cher à Kulan, chevalier de Malte ; à Varenne, avocat en parlement, ancien élève de Louis-le-Grand ; à Robinet, entrepreneur des hôpitaux de l'armée ; à Villarceau, conseiller au-Châtelet ; à Roland de Trémeville, fils du receveur-général des finances de la généralité de Riom ; mais elle n'en sut mettre de côté que 8,000 pauvres livres de rente, tant il fallait tenir son nouveau rang ! La différence entre les recettes brutes et le produit aurait permis à cette parvenue des amours d'acheter et de rebâtir toute la rue des Poirées.
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