Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI

GALERIE COLBERT
IIe arrondissement de Paris

(Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)

Notice écrite en 1859. Située rue des Petits Champs, 6. Finissant : en impasse. Créée en 1826 : Origine du nom. Voisinage de l'ancien hôtel Colbert.

L'Hôtel Colbert. – Mlle Labsolu.

M. Adam, du Comptoir national d'escompte, doit le jour au fondateur de la galerie Colbert, ouverte en. 1826 entre les divers corps de bâtiment d'un hôtel, et non pas sur ses ruines, comme l'ont dit plusieurs écrivains qui ne prenaient pas la peine d'y aller voir. Ancien hôtel Bautru-Serrant, il a été aussi la résidence de Colbert, puis au marquis de Seignelay, son fils. Une belle gravure de l'époque où Guillaume Bautru, comte de Serrant, l'occupait, en représente la façade. Ce membre de l'Académie Française, qui n'avait rien écrit, mais qui avait égayé de ses bons mots la Flandre, l'Espagne et l'Angleterre, dans ses ambassades, devait sa fortune à un duc d'Orléans ; un prince de la même famille fit établir ses écuries, dès 1720, dans cette ancienne demeure du bel esprit, que les réparations de Levau avaient enrichie pour le premier ministre.

On y avait remarqué, comme oeuvre d'art, jusqu'à la porte de ces écuries : elle jouait sur ses gonds, rue Vivienne, et l'envergure en est présentement absorbée par les magasins de musique d'Heugel. Mais contigu au grand hôtel Colbert était le petit du même nom, habité après la famille du ministre par Paulin Fondre, receveur des finances de la généralité de Lyon, puis président a la chambre des comptes. On vantait de ce financier le cabinet, décoré de glaces, de Anneaux et de marbres rares, dont la cheminée, était aussi un précieux modèle.

Les dépendances de l'hôtel Colbert comportaient, outre les jardins, d'autres constructions sur la rue Vivienne.

Du côté de la rue Neuve-des-Petits-Champs, dans le petit passage en équerre ajouté à la galerie deux ans après sa formation, est l'entrée du café Colbert, qui du rez-de-chaussée a gagné le premier étage de cet ancien corps de l'hôtel. Les élèves de l'école Polytechnique ont adopté pour lieu de rendez-vous cette portion de résidence historique rendue publique par un Géorama, avant que ce fût par un café ; l'uniforme élégant et martial de l'École apparaît donc à chaque instant, le mercredi et le dimanche, à cette extrémité de la galerie. Un magasin de nouveautés occupe de même, mais d'une rue à l'autre en empiétant sur la galerie, l'ex-hôtel de l'homme d'État dont le grand nom couvre, comme pavillon, la marchandise que fait voguer la mode sur cette embarcation affrétée à l'époque de l'ouverture de la galerie.

Que d'officiers en herbe projetèrent des regards d'envie sur les montres de ce magasin, au temps où Casimir Périer présidait à son tour aux destinées d'un règne ! Plus d'un élève de l'École, avant de se rendre au café, allait et venait, plein d'une curiosité qu'il croyait presque de l'amour, devant une porte vitrée de la galerie, au n° 26. Là, sous l'apparence d'une gantière, brillait une beauté accessible, mais qui ne tenait compte, en fait de jeunesse, que de la sienne ; elle imposait aux mieux favorisés de pourvoir aux atours dont elle espérait une fortune, qu'en réalité lui ont faite les galants qui cherchaient à s'impatroniser, notamment le frère d'un inimitié. Cette jeune et belle femme sous verre, on l'appelait Labsolu ; mais à sa recherche là philosophie aurait perdu tout son temps à courir.

C'est sa bonne qui vendait les gants ; elle en demandait. Bref, à l'époque dont nous parlons, et en dépit de la belle rotonde Colbert, le point important de la galerie était le n° 26, que Mlle Labsolu n'a quitté que pour prendre un appartement, avec voiture et rentes sur le grand-livre, dans la rue Ollivier-Saint-Georges. A la bonne heure ! S’écrièrent sur le coup plusieurs mères et beaucoup de portiers de filles moins bien partagées ; parlez-moi d'avoir un nez grec et de se coiffer à la chinoise, quand cela sert à quelque chose ! La belle a tant fait parler d'elle que l'ombre de son frais visage, aux lignes pures, aux souris plus souples que ses gants, plane encore sur la galerie qui, depuis son départ, est déserte !



 

:: HAUT DE PAGE    :: ACCUEIL

magazine d'histoire, chroniques anciennes, le Paris d'antan, périodiques du passé
de la rubrique
Rues/Places
CLIQUEZ ICI