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RUE COLBERT
IIe arrondissement de Paris (Histoire de Paris
rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve, 1875)
Notice écrite en 1859. L'arcade qui mettait à couvert l'extrémité de la rue n'a disparu que dix ans après. Commençant : rue Vivienne, 11. Finissant : rue de Richelieu, 58. Ouverture : ordonnance du Bureau des Finances du 18 janvier 1683 (larg. : 6,82 m). Monument classé : bibliothèque nationale (façade est de Robert de Cotte sur la cour principale ; galeries Mansart et Mazarine avec leur vestibule ; pièce dite "chambre de Mazarin" ; plafond de la "salle des Vélins" ; salle de travail du département des imprimés dite "salle Labrouste"). Historique : précédemment, rue Mazarin. Elle s'est aussi appelée rue de l'Arcade Colbert. Origine du nom : percée par ordre de Colbert (1619-1683) sur des terrains, provenant de l'ancien palais Mazarin, lui appartenant. La Stainville. – La Ctesse de Stainville. – Les Propriétaires successeurs de Colbert. – Mme de Lambert. – L'Abbé Barthélemy. La Stainville fut connue, elle aussi, des chalands au détail de la galanterie ; mais en qualité d'agent de change. Les comptoirs Stainville et Germancey, quoique en concurrence l'un avec l'autre, faisaient l'escompte de l'amour au même taux sous la Restauration. Le premier opérait dans la rue Colbert et il n'a pas encore changé de place. Une femme Alexandre y remplace la Stainville, et ce n'est pas encore avec les avantages du wagon sur la diligence, qui prenait moins de voyageurs et qui les gardait plus longtemps ; mais elle a obtenu, dit-on, plus de célérité dans l'expédition des affaires : times is money ! Depuis soixante-dix ans, dans cette académie, la pantomime abrège incessamment cette comédie des amours que les tendres coeurs prolongent jusqu'au drame de la séparation, dénouement inévitable. Mais une déplorable confusion a fait que la nommée Stainville passait, aux yeux de sa clientèle, pour une véritable comtesse. Plusieurs Choiseul ont dû a une terre, qui leur appartenait, de s'appeler aussi Stainville, notamment le ministre d'État qui s'est illustré sous Louis XV. Un acteur a porté de nos jours le même nom, dans un théâtre secondaire ou tertiaire, et il pouvait l'avoir puisé à la même source. Mais c'est, tout au plus, l'ancienne maîtresse d'un comte de Stainville qui se livra au genre de commerce encore exploité dans une maison qui ne s'en cache guère : un ou plusieurs oeils-de-boeuf et un joli perron, que surmonte une plate-forme à balustres, y donnent par-derrière, et c'était originairement sur un jardin. Le bâtiment en est visible sur le plan de Paris en 1739 : n'a-t-il même pas compté pour l'une des deux maisons officiellement reconnues dans cette rue un quart de siècle auparavant, avec une fontaine et 4 lanternes ? D'origine révolutionnaire est l'équivoque injurieuse pour les Choiseul, comme la profanation du lieu. La Stainville ne se retira pas des affaires à la rentrée des Bourbons, que leur préfet de police eût odieusement trahis en tolérant qu'une parente de l'ancien ministre et de son neveu, pair-de-France, les déshonorât à ce point, dans le ressort d'une surveillance qui regardait spécialement la police ! Pure plaisanterie, par conséquent, que la couronne de comtesse attribuée à la pourvoyeuse, qu'il convenait de remettre à sa place pour l'honneur d'un nom qui va de pair avec celui que la rue porte ! Il y a pourtant eu un Stainville au nombre des grands seigneurs, mal mariés. Le mémorial de Bachaumont nous en convainc à la date du 27 janvier 1767 : « Clairval, acteur de la Comédie Italienne, vivait depuis longtemps avec Mme de Stainville. Son mari, indigné du goût dépravé de sa femme, a obtenu un ordre du roi et vient de l'enlever et de la conduire lui-même à Nancy. On a fait une descente chez l'histrion pour enlever lettres et portraits, si aucuns y étaient. On assure que la veille de son départ M. de Stainville avait trouvé Mlle de Beaumesnil, de l'Opéra, sa maîtresse, entre les bras d'un jeune Danseur, d'autres disent d'un Officier aux Gardes. A propos de cette anecdote, on cite un bon mot de Caillaud, camarade de Clairval. Ce dernier, assez inquiet de sa position, consultait l'autre sur ce qu'il devait faire. – M. de Stainville, lui disait-il, me menace de cent coups de bâton, si je vais chez sa femme. Madame m'en offre deux cens, si je ne me rends pas à ses ordres. Que faire ? – Obéir à la femme (répond Caillaud) : il y a cent pour cent à gagner. » Sur requête présentée à Louis XIV par Jean-Baptiste Colbert, marquis de Châteauneuf, secrétaire et ministre d'État, contrôleur général des finances, surintendant général des bâtiments de Sa Majesté, arts et manufactures de France, l'ouverture de la rue en question a été autorisée sur un terrain qui lui appartenait ; une arcade a été percée sous la galerie de l'hôtel du duc de Nevers, un des deux héritiers de Mazarin, et cette arcade avait pour vis-à-vis l'hôtel Louvois, de même qu'à l'autre extrémité la voie nouvelle débouchait en face de l'hôtel de Torcy. Elle a porté moins d'une année la dénomination de rue Mazarin, pour prendre celle de rue de l'Arcade-Colbert immédiatement après la mort de son fondateur. Celui-ci, en sa qualité de propriétaire, a eu Colbert, archevêque de Rouen, pour successeur, à l'angle gauche de la rue Vivienne, et Colbert de Seignelay en face. M. Piffet tenait, en 1710, à M. de Seignelay, et le reste était à M. de Mazarin, duc de Nevers. Ledit duc, héritier de la moitié du palais Mazarin, ne faisait aucun usage de la portion de galerie dominant la nouvelle arcade et reliée à l'hôtel qu'on retrouve de nos jours au n° 12, rue Colbert ; dès 1698, il en avait cédé la jouissance à la marquise de Lambert, par bail viager. Mme de Lambert, élevée par Bachaumont, amie de Fontenelle et estimée par Fénélon, a beaucoup embelli la maison, pour en faire un bureau d'esprit, émargé de l'hôtel Rambouillet. Les mardis et les mercredis, on y dînait ; le premier de ces deux rendez-vous hebdomadaires était le grand jour pour les réputations dont le cours allait à la hausse mais souvent la marquise appelait, au cercle du lendemain, des arrêts prononcés par celui du mardi. Antichambre de l'Académie, son salon était le seul où le jeu n'empiétât pas sur le terrain du bel esprit. Combien de fortunes, en revanche, se faisaient ou se défaisaient, tout près de là, quand le financier Law eut transformé le palais de Son Eminence en hôtel de la Banque royale et de la Compagnie des Indes ! De cette métamorphose, qu'a opérée l'architecte Mollet, date la prolongation de la galerie intérieure dite Mazarine jusqu'à la rue Colbert, ainsi que l'ouverture pratiquée après coup rue Neuve-des-Petits-Champs. La chute du système de Law a permis d'installer enfin, comme sur ses ruines, la Bibliothèque royale ; mais les droits de Mme de Lambert, qui se trouvait en ce temps-là dans sa soixante-quinzième année, continuaient à être respectés. Des procès l'avaient éprouvée cruellement, et les infirmités de l'âge s'étant mises de la partie, péniblement se traînait sa vieillesse. Malgré la marquise, on avait imprimé ses Avis à sa fille et Avis d'une mère à son fils, où elle donnait ce conseil distingué : « Mon fils, ne faites jamais que les sottises qui vous feront beaucoup de plaisir ; » mais elle se mettait au Traité de la Vieillesse avec une douce résignation, car sa plume s'était retrempée au préalable dans un Traité de l'amitié. L'auteur de ces écrits a cessé de vivre le 12 juillet 1733, à l'âge de 86 ans. Le cabinet des Médailles ne s'est transféré de Versailles qu'après huit années d'intervalle, dans la galerie qui le retient toujours ; mais une indemnité avait été payée à la famille, pour les dépenses faites par la défunte dans la galerie et la maison. L'abbé Barthélemy, auteur du Voyage d'Anacharsis, ami fidèle et reconnaissant des Choiseul a occupé, de 1753 à 1795, comme garde du cabinet des Médailles, le logement de Mlle de Lambert. De nos jours encore l'immeuble a pour hôtes des savants ou des littérateurs, employés supérieurs de la Bibliothèque impériale.
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