Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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RUE DU BAC,
VIIe arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1857. Primitivement, elle fut appelée grand chemin du Bac puis, ruelle du Bac et grande rue du Bac. Origine du nom : Bac établi sur la rivière, en 1550, avant la construction du pont Royal.

Café d'Orsay :
La Babylone moderne n'a pas de rue plus intéressante, au point de vue des maisons particulières léguées au nôtre par d'autres siècles, que celle dont nous allons vous faire les honneurs. Un bac fut établi en 1550 sur le quai des Théatins, plus tard quai Voltaire ; telle est la racine du nom. En 1632 le sieur Barbier fit construire le pont Rouge, que remplaça sous Louis XIV le pont Royal, posé un peu plus bas.

En 1714, un chantier marquait l'angle de la rue du Bac et du quai, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le café d'Orsay. Cet établissement de premier ordre remonte lui-même assez loin, et si c'est un café pour des officiers de cavalerie et pour ces commis de nouveautés, c'est un restaurant également, fréquenté par les membres du Corps législatif, qu'y relancent des électeurs pour leur faire apostiller des placets ; on y rencontre aussi des fonctionnaires des départements en congé, qui cherchent à se faire bonne bouche par une halte, avant de porter de vive voix leur demande d'avancement dans l'un des ministères de la rive gauche. George Sand, le 15. mai 1848, déjeunait dans un cabinet de l'entresol, et puis se mettait à la fenêtre pour juger de l'effet de sa prose officielle sur les masses. Autre titre de gloire pour le café d'Orsay que de figurer dans la chanson de Nadaud sur les reines de Mabille et leurs parages ! Nous n'en dirions que grand bien, quant à nous, sans un certain chateaubriand qui nous y a été servi avec des pommes de terre frites de la veille. A tout péché miséricorde, constatons donc, de préférence, que les soles normandes y sont assez bien préparées pour qu'un jour ce poisson de mer remonte lui-même la Seine jusqu'aux savantes casseroles du chef de ce café riverain, et que les vins y sont quelquefois de la bonne année.

Mme de Mailly :
L'ancien chantier avait pour vis-à-vis l'hôtel de Mailly, décoré alors de mascarons et de cariatides du grand siècle ; il en subsiste la partie solide ; seulement ses jardins ont été submergés, non vraiment par le fleuve, mais bien par un torrent de maisons neuves. Les Mailly et les Nesles étaient, pour ainsi dire la même famille.

Beaucoup de monde sait que la fille ainée de M. de Nesle-Mailly, premier marquis de France, épousa son cousin, M. de Mailly, avant de captiver le cœur du jeune roi à qui une série de ricochets donna aussi pour maîtresses la duchesse de Lauragais, la comtesse de Vintimille et la marquise de la Tournelle, duchesse de Chateauroux, toutes les trois nées aussi de Nesles. Le n°1 de notre rue avait été vendu en l'année 1733 par Modeux au comte de Mailly, déjà propriétaire de l'hôtel de Nesles y attenant et ouvrant rue de Beaune. C'était l'entrée particulière du royal amant, qui racheta et donna le tout à Mme de Chateauroux, pour éloigner sans retour Mme de Mailly. Celle-ci en devint dévote et eut soif d'expiations pour le mauvais exemple qu'elle avait donné à la cour. C'était déjà une punition pour elle que le ton cavalier des compliments qui la poursuivaient dans la disgrâce, et il lui semblait dur de ne pouvoir éconduire le plus petit galant sans qu'il se crût le droit de la persifler d'importance ; mais les justiciers à l'eau rose, brandissant leur déclaration d'amour comme une discipline à pénitence, gardaient encore les gants d'une politesse qui couvrait les sous-entendus, et la jolie duchesse de Mailly, tombée de si haut, n'avait pas seulement à souffrir d'allusions injurieuses. Un jour qu'elle entrait à Saint-Roch, dont elle avait déjà franchi les marches, précédée par un suisse qui lui faisait livrer passage, un homme grossier s'écria : Voilà beaucoup du bruit pour une p... ! Mme de Mailly se retourna et dit d'une voix douce à ce manant : Puisque vous la connaissez si bien, priez pour elle.

Le vieux maréchal comte de Mailly paya plus tard pour les quatre grandes pécheresses de sa famille. Il n'avait échappé que par miracle aux envahisseurs des Tuileries, le 10 août 1792 ; il fut repris avec la maréchale et son jeune enfant au berceau ; mais il s'évada de nouveau. Ressaisi une fois de plus, on craignit de le perdre encore : c'est pourquoi on le décapita à 86 ans dans la ville, d'Arras, patrie de Robespierre.

Petit Hôtel du Bac :
Un bijoutier a passé trente-cinq années dans une boutique de la première maison de la rue, où lui succède le pâtissier Tempier depuis 1825. Le commerce y fait donc sans bruit des baux autrement longs que l'amour ! On assure qu'au n° 4 a demeuré l'immortel Jean Goujon. En face, n° 9, est le petit hôtel du Bac, maison garnie ; or il y en a peu dans la rue. Nous tenons toutefois de l'Almanach des Arts et Métiers de 1769 qu'il y avait dans ce temps-là un hôtel de Nevers, où le logement coûtait de 15 à 100 livres par mois. Dans le petit hôtel du Bac ont demeuré : la comtesse Dudognon, dame d'honneur de la duchesse d'Angoulême ; l'abbé Poirier, un des chapelains de Charles X ; la maîtresse de l'ambassadeur de Naples, sous le même règne ; prince de Castel-Siccàla ; le maréchal Saint-Arnaud, n'étant encore que sergent-major, et enfin la famille du petit comte de Clercy, page du petit duc de Bordeaux, que ce prince venait souvent prendre pour jouer avec lui au jardin des Tuileries. On avait estimé digne de l'attention des amateurs, dans les premières années de l'Empire, le cabinet de Janisson, littérateur, près la rue de Lille.

Les Mousquetaires-Gris. Maison du Président Hénault et de M Habert :
Après cette rue, à gauche, était l'hôtel des Mousquetaires-Gris, qui tenait à la rue de Bourbon (Lille) et à celle de Verneuil, mais qui, dès l'an 1780, a été remplacé par le marché Boulainvilliers, supprimé treize années après la chute de Charles X. Sorbet, un des médecins du roi, logeait il y a un siècle en face de l'hôtel de ses mousquetaires. Le 10 est une maison également ancienne, qui appartient à un peintre éminent de l'école classique, M. Hersent. Du 12 était propriétaire, après vingt autres, feu M. Sédillot, président du tribunal de commerce. Avant la rue de l'Université mais du côté opposé, se retrouve un autre Goujon, celui-là géographe, dans une maison où demeurait sous l'Empire M. Habert, grand-oncle du rédacteur de ce recueil et fournisseur par excellence des épaulettes qu'on gagnait sur les champs de bataille à la pointe des épées, qu'il avait également fournies.

Les propriétaires entre les rues de Bourbon et de l'Université, côté droit, avaient été au beau milieu du XVIIIe siècle :

Le chapitre de Saint-Honoré M. Moreau, M. Loyauté, M. Sauffroy, M. Bréan,.Mlle de Bure, M. de Rambures.

Et ceux de vis-à-vis, après l'hôtel des Mousquetaires :

Le séminaire Saint-Sulpice, le président Hénault, qui venait de publier sa Chronologie de l'Histoire de France ; M. de Robsy, M. Lecamus, angle Université.

Café Desnnares. Le Petit-Saint-Thomas. Fouché :
Il y avait alors un café tenu par Raisson rue du Bac. Ne serait-ce pas ce café restaurant qu'on nous dit pourtant ouvert sous l'Empire par Desmares, père d'un vaudevilliste, à l'autre angle de la rue de l'Université ? On compte peu d'établissements de ce genre où les gens comme il faut puissent aussi bien s'asseoir sans se compromettre. La maison est l'ancien chef-lieu de l'université de Paris, transféré au collège Louis-le-Grand en 1763. Les magasins de nouveautés du Petit-Saint-Thomas s'établirent en 1820 sur le jardin de l'ancien hôtel universitaire.

Le 36, qui fait face, fut si mal habité qu'on le considérait comme une succursale de la cour des Miracles. Avant cette propriété, que le temps a régénérée, est l'ancien hôtel Valbelle, où mourut en 1834 le comte de Lanjuinais, ancien conventionnel, et qui avait appartenu au duc d'Otrante, sous le premier empire. Valbelle a longtemps eu pour maîtresse la célèbre Mlle Clairon. Quant à Fouché, duc d'Otrante, il a été oratorien, puis conventionnel terroriste : il a servi comme ministre de la police, Napoléon et Louis VIII. Outre l'hôtel Valbelle, il avait acheté Pont-Carré et Ferrières, châteaux et terres d'émigrés. Malgré les apparentes anomalies de sa conduite politique, il serait encore possible d'en expliquer l'une par l'autre les modifications successives. Un très grand écrivain, qui à demeuré au 112 de la même rue, le vicomte de Chateaubriand, n'a-t-il pas donné, lui aussi, dans des contradictions politiques ? Fouché disait un jour à l'empereur que Louis XVI aurait dû dissoudre le corps qui s'était arrogé le droit de représenter à lui tout seul le souverain. Mais il me semble, lui dit Napoléon, que vous étiez un de ceux qui ont envoyé Louis XVI à l'échafaud ? Oui, Sire, répondit le duc d'Otrante ; c'est le premier service que j'ai rendu à Votre Majesté.

Le Cte d'Entraigues :
Il y avait du temps de Fouché une grande maison de jeu un peu plus haut, de l'autre côté. Les jacobins de la rue Saint-Dominique avaient eu leur grille à l'entrée de la rue Saint-Thomas d'Aquin, et je crois que la majeure partie des maisons de la rue du Bac contiguës à leur monastère avaient été leur propriété. Néanmoins au n° 25 d'à présent on eût rencontré sous Louis XVI le comte d'Entraigues, élève de l'abbé Maury puis constituant. Ce gentilhomme épousa à Vérone Mlle de Saint-Huberti, chanteuse de l'Opéra de Paris.

Lorsque nous rentrerons en France, proclamait presque cet émigré vindicatif, il faudra que quatre cents mille têtes tombent à nos pieds ; la guillotine est tout ce qu'il faut garder du régime révolutionnaire. Je serai le Marat royaliste... Un domestique anglais l'assassina à Londres, avec sa femme.

M. de Vence :
Le 35 a appartenu à la famille de Custine, puis à Mme de Lacoste, avant d'être au propriétaire du magasin de nouveautés, comme l'ancien hôtel de l'université.

Les fenêtres du comte de Vence donnaient en regard de la grille du couvent, alors que la marquise de Pompadour, à l'apogée de sa domination, était aussi l'arbitre de la mode et du goût : la galerie de M. de Vence n'était pourtant pas pompadour, elle devait sa réputation aux maîtres de l'école flamande. En ce temps-là M. de Pisis, M. Hussard, la présidente Le Vayer et M. Bernard étaient propriétaires des quatre maisons précédant la rue Saint-Dominique, dont l'une était la demeure du comte de Vence.

Mme de Boulôgne et Piron. Veuillot. Véron :
Dans l'aristocratique rue du Bac les numéros changent moins qu'ailleurs. Toutefois ce n'est plus au 42, mais bien au 46 que nous devons chercher l'hôtel Le Vayer, postérieurement de Boulogne, et le moyen de s'y tromper ! La grille et les grands arbres du jardin laissent voir une statue de Louis XIV, pour si peu qu'on entre dans la cour, sur laquelle règne une terrasse. La maison d'après nous a l'air du petit hôtel de ce grand. M. de Boulogne, riche colon de la Guadeloupe, en avait ramené un fils que lui avait donné une négresse, le fameux chevalier de Saint-Georges ; il était fermier général. La femme du financier accueillait le cynique et spirituel Piron, qui ne savait pas même être galant dans un salon sans qu'un mot de cabaret lui échappât. Un jour il apportait une épître en vers rue du Bac, et il regrettait même, disait-il, de ne pouvoir pas offrir à Mme de Boulogne jusqu'à un trône ; enfin il ajoutait :

Mais nous voyons, loin qu'il en vaque,
Que pour un c..., en voilà deux,
Se prenant l'un l'autre aux cheveux
Pour s'asseoir où fut assis Jacque


Le célèbre Chaptal, qui a séjourné au ci-devant hôtel de Boulogne, y présidait les séances de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. En ce temps-ci M. Louis Veuillot loge dans l'annexe, et cet homme d'esprit, qui n'en a pas moins à lui seul que tous ses détracteurs, serait le dernier à regretter le ruisseau qui se partageait, la rue du Bac, et qui charmait Mme de Sévigné : elle allait en carrosse, il va à pied.

Le n° 60, voisin de l'ancien couvent de la Visitation, a été la propriété du père de M. Odilon-Barrot. Le 53 est à la discrétion de Mme Delamotte, qui n'est pas la gracieuseté même, et si le malheur voulait que sa maison eût besoin d'enchevalement nous dirions que c'est contagieux. M. Véron, député de la Seine, est né sous ce même toit, chez son père. On pourra dire de ce glorieux, qui se donne en spectacle comme homme universel, qu'il a eu pour unique talent de jouer avec bonheur à tous les jeux, sans qu'on le traitât de grec, et que pourtant il en a toujours cuit de mettre de l'argent dans son jeu.

Hôtels Galliffet, Dillon, La Feuillade, Ligny, Giac, Dupin, Clermont-Tonnerre, La Valliére et autres. Les Récollettes. Un Arago au Bal du Salon-de-Mars. Les Convalescents. Les Missions. Les Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul-de-Mars :
Le premier ambassadeur envoyé par Philippe V s'installa à l'hôtel du président Talon, ensuite Galliffet, qui passa sous l'Empire au ministère des relations extérieures. Il n'en reste pas pierre sur pierre du côté de la rue du Bac. Le 84 est l'ancienne entrée du ministère ; mais les portes principales avaient été longtemps rue de Grenelle, et celle de la rue du Bac avait été réservée aux jardins, lesquels sont remplacés par de hautes constructions. Les Dillon, accueillis par la France avec Jacques II, se sont fait tuer pour elle à Fontenoi, à Lawfeld ; l'un d'eux, colonel de naissance, a été député aux États-généraux et a péri sur l'échafaud. Leur résidence venait après celle des Galliffet. Mais que ces réminiscences aristocratiques ne nous fassent pas omettre qu'au n° 94 est installé le magasin de vins en gros de M. Durouchoux, dont une date, sur la porte, préconise l'origine séculaire.

Depuis 1812 le n° 85, qui alors était peint en noir comme tous les autres numéros de la rue, a changé de couleur, mais a gardé sa place. C'est l'ancien monastère royal de l'Immaculée Conception, dit, aussi des Récollettes, ouvert en l'année 1637. Le 87, maison de bains, a fait partie du même couvent, ainsi que tout l'espace embrassé d'un côté par le 89 et de l'autre par la rue Grenelle, où s'étendait aussi le jardin monastique jusqu'à la rue de la Planche. Ce quartier doit un peu aux récollettes la plus belle fontaine de Paris, pour l'édification de laquelle elles ont donné le terrain nécessaire rue de Grenelle. Néanmoins, la Religieuse de Diderot ayant fait du tort à toutes les communautés, celle-ci n'échappa pas plus que les autres à la suppression de l'an de Révolution 1792. Ses maisons se vendirent les 9 floréal an V, 21 pluviôse et 25 germinal an VI et 23, nivôse an VII. On établit même un théâtre dans la ci-devant chapelle des récollettes : Potier, le comédien inimitable, y débuta. Peu de temps après la prise du Trocadéro, la duchesse d'Angoulême ramena une vingtaine de sœurs dans l'ancien monastère royal, où elle payait leur loyer, et ces religieuses n'en firent que plus d'économies ; elles parlaient de racheter tout le couvent, avec et y compris le cimetière, quand la révolution de 1830 vint pour elles tout remettre en question.

Ces mêmes sœurs occupent à présent l'ancien hôtel Chagot, faubourg Saint-Honoré. Le théâtre n'avait pas duré ; on ne saurait en dire autant du Salon de Mars, qui tient sa place. Depuis trente années on y danse de mère en fille tous les jeudis, tous les dimanches, et j'aime à croire que des nonnes évoquées ne se mettent jamais de la partie ; mais des soeurs converses, je ne dis pas ! C'est en vain que Jacques Arago, le vaudevilliste qui n'y voyait pas clair, se jeta au milieu des quadrilles pour les exorciser à sa manière, après l'élévation de son frère à la présidence du Gouvernement provisoire. II engageait vivement M. Godelet, propriétaire de l'immeuble, à refaire du Salon de Mars un théâtre, dont-il offrait d'être le directeur à tâtons. Les danseurs ont foulé aux pieds cette proposition séduisante.

Au 97 ont résidé : le prince de Salm, botaniste estimé, et la princesse de Salm, qui écrivait en vers et qu'on a surnommée la muse de la Raison. L'hôtel qui suit est remarquable à l'extérieur par une vieille et belle porte restaurée. Le 100 est actuellement au comte de Turenne, qui y succède aux dames de la Bourdonnaye. Immédiatement après vient le séjour du comte de Sainte-Aldegonde. Le 101 a été surélevé pour le marquis de la Feuillade, qui le tenait de ses ancêtre set qui l'a vendu, après avoir marié sa fille à M. de Bauffremont ; ce n'est plus même à Mme Coustou, fille de M. Trudon et femme d'un descendant du fameux sculpteur Coustou, qu'il appartient, c'est au Crédit foncier. Cet hôtel d'Aubusson de la Feuillade a été habité jadis par le courtisan de Louis XIV qui a fait la place des Victoires, peut-être aussi par le héros de cette race qui a forcé les Turcs à lever le siége de Rhodes.

Le grammairien Chapsal, maire de Joinville-le-Pont, possède l'ancien hôtel et le jardin répondant au chiffre 104. Aussi bien ne cherchons-nous pas dans ces parages un hôtel de Ligny, encore mentionné sous l'Empire par Saint-Victor ? Le même nom du moins fut porté par un ancien condisciple de Gresset, qui avait vu le jour à Amiens, comme ce poète.

Le 103 ne fut-il pas l'hôtel du marquis de Giac, cousin de la reine Hortense par alliance, et dont le père mourut révolutionnairement ? Et le 105, celui du député Quinette, très ardent révolutionnaire, qui finit cependant par s'humaniser au pouvoir, et qui transféra là le ministère des cultes, quand il en avait le portefeuille.

Cette revue des principales maisons de l'autre siècle sera presque complète ; mais gardons-nous d'oublier un hôtel qui, des mains du vicomte de Seyssac, a passé dans celles du président M. Dupin, et qui a dépendu des Missions-étrangères. La maison voisine, ancien hôtel de Clermont-Tonnerre, était familière au duc et pair de ce nom, de même qu'à son fils, député aux États-généraux ; il fut investi plusieurs fois, malgré les opinions du député favorables aux réformes, et le père ainsi que le fils, un peu avant le 9 thermidor, furent sacrifiés à d'aveugles vengeances. Le marquis de Clermont-Tonnerre eut le portefeuille de la guerre, sous Charles X. Plusieurs années du règne suivant furent passées dans l'hôtel par cet autre ministre et pair de France dans la disgrâce, qui restait pour s'en consoler homme de génie, et que nous avons déjà nommé : Chateaubriand.

106 reste la marque de l'ancien hospice des Convalescents, créé en 1628 par Mme de Bullion, femme du surintendant des finances de Louis XIII. Le siècle métallique où nous vivons ne sera pas fâché d'apprendre que les premiers louis d'or furent frappés sous la surintendance du mari de la fondatrice de cet hospice. Les religieuses de la Charité en eurent la direction sept ans après. De cet établissement, supprimé en même temps que la communauté des récollettes, l'immeuble fut vendu par la direction des hospices en 1812. On en reconstruisit tout ce qui donne sur la rue du Bac pendant le troisième lustre qui suivit.

Dubois de Saint-Gelais, qui avait publié sous le voile de l'anonyme l'Histoire journalière de Paris en 1717 et d'autres écrits, était propriétaire à l'angle de la rue de la Planche (maintenant ajoutée à la rue de Varennes) les héritiers de sa veuve vendirent la maison à Charles Malassis, dans l'année où le duc de Lorges acquit du marquis d'Ancenis l'un des angles de la rue de Varennes.

Le séminaire des Missions-étrangères est l'œuvre de Bernard de Sainte-Thérèse, évêque de Babylone, qui se trouvait déjà propriétaire de plusieurs maisons et cultures rue du Bac et rue de Babylone avant la formation du noviciat apostolique.

Le 132 s'appela d'abord par métonymie La Vallière. Louis-César La Baume Le Blanc de la Vallière, petit-neveu de la duchesse, était grand fauconnier de la Couronne, bien qu'il n'y eût plus d'oiseaux de proie lancés sur le gibier royal ; il recevait des gens de lettres, principalement Moncrif et Voisenon, et sa réputation de bibliophile se justifiait par la bonne composition de sa bibliothèque considérable, qui est devenue le fond de celle de l'Arsenal. Mort en 1780, il avait laissé à la duchesse de Châtillon, sa fille, cette grande demeure, qui appartient à la communauté des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul depuis 1815 ou 20. Parmi les dépendances qui se rattachent à l'hôtel, depuis que ces religieuses l'occupent, figure un autre hôtel qu'a habité la famille de Crouseilhes.


 

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