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RUE DU BAC,
VIIe arrondissement de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Notice écrite en 1857. Primitivement, elle fut appelée grand chemin du Bac puis, ruelle du Bac et grande rue du Bac. Origine du nom : Bac établi sur la rivière, en 1550, avant la construction du pont Royal. Café d'Orsay :
En 1714, un chantier marquait l'angle de la rue
du Bac et du quai, à l'endroit
où se trouve aujourd'hui le café d'Orsay. Cet établissement
de premier ordre remonte lui-même assez loin, et si c'est un café pour
des officiers de cavalerie et pour ces commis de nouveautés, c'est
un restaurant également, fréquenté par les membres
du Corps législatif, qu'y relancent des électeurs pour
leur faire apostiller des placets ; on y rencontre aussi des fonctionnaires
des départements en congé, qui cherchent à se faire
bonne bouche par une halte, avant de porter de vive voix leur demande
d'avancement dans l'un des ministères de la rive gauche. George
Sand, le 15. mai 1848, déjeunait dans un cabinet de l'entresol,
et puis se mettait à la
fenêtre pour juger de l'effet de sa prose officielle sur les masses.
Autre titre de gloire pour le café d'Orsay que de figurer dans
la chanson de Nadaud sur les reines de Mabille et leurs parages ! Nous
n'en dirions que grand bien, quant à nous, sans un certain chateaubriand
qui nous y a été servi avec des pommes de terre frites
de la veille. A tout péché miséricorde, constatons
donc, de préférence, que les soles normandes y sont assez
bien préparées pour qu'un jour ce poisson de mer remonte
lui-même
la Seine jusqu'aux savantes casseroles du chef de ce café riverain,
et que les vins y sont quelquefois de la bonne année. Mme de Mailly : Beaucoup de monde sait que la fille ainée de M. de Nesle-Mailly, premier marquis de France, épousa son cousin, M. de Mailly, avant de captiver le cœur du jeune roi à qui une série de ricochets donna aussi pour maîtresses la duchesse de Lauragais, la comtesse de Vintimille et la marquise de la Tournelle, duchesse de Chateauroux, toutes les trois nées aussi de Nesles. Le n°1 de notre rue avait été vendu en l'année 1733 par Modeux au comte de Mailly, déjà propriétaire de l'hôtel de Nesles y attenant et ouvrant rue de Beaune. C'était l'entrée particulière du royal amant, qui racheta et donna le tout à Mme de Chateauroux, pour éloigner sans retour Mme de Mailly. Celle-ci en devint dévote et eut soif d'expiations pour le mauvais exemple qu'elle avait donné à la cour. C'était déjà une punition pour elle que le ton cavalier des compliments qui la poursuivaient dans la disgrâce, et il lui semblait dur de ne pouvoir éconduire le plus petit galant sans qu'il se crût le droit de la persifler d'importance ; mais les justiciers à l'eau rose, brandissant leur déclaration d'amour comme une discipline à pénitence, gardaient encore les gants d'une politesse qui couvrait les sous-entendus, et la jolie duchesse de Mailly, tombée de si haut, n'avait pas seulement à souffrir d'allusions injurieuses. Un jour qu'elle entrait à Saint-Roch, dont elle avait déjà franchi les marches, précédée par un suisse qui lui faisait livrer passage, un homme grossier s'écria : Voilà beaucoup du bruit pour une p... ! Mme de Mailly se retourna et dit d'une voix douce à ce manant : Puisque vous la connaissez si bien, priez pour elle. Le vieux maréchal comte de Mailly paya plus tard pour les quatre grandes pécheresses de sa famille. Il n'avait échappé que par miracle aux envahisseurs des Tuileries, le 10 août 1792 ; il fut repris avec la maréchale et son jeune enfant au berceau ; mais il s'évada de nouveau. Ressaisi une fois de plus, on craignit de le perdre encore : c'est pourquoi on le décapita à 86 ans dans la ville, d'Arras, patrie de Robespierre. Petit Hôtel du Bac : Les Mousquetaires-Gris. Maison du Président
Hénault et de M Habert : Les propriétaires entre les rues de Bourbon et de l'Université, côté droit, avaient été au beau milieu du XVIIIe siècle : Le chapitre de Saint-Honoré M. Moreau, M. Loyauté, M. Sauffroy, M. Bréan,.Mlle de Bure, M. de Rambures. Et ceux de vis-à-vis, après l'hôtel des Mousquetaires : Le séminaire Saint-Sulpice, le président Hénault, qui venait de publier sa Chronologie de l'Histoire de France ; M. de Robsy, M. Lecamus, angle Université. Café Desnnares. Le Petit-Saint-Thomas.
Fouché : Le 36, qui fait face, fut si mal habité qu'on le considérait comme une succursale de la cour des Miracles. Avant cette propriété, que le temps a régénérée, est l'ancien hôtel Valbelle, où mourut en 1834 le comte de Lanjuinais, ancien conventionnel, et qui avait appartenu au duc d'Otrante, sous le premier empire. Valbelle a longtemps eu pour maîtresse la célèbre Mlle Clairon. Quant à Fouché, duc d'Otrante, il a été oratorien, puis conventionnel terroriste : il a servi comme ministre de la police, Napoléon et Louis VIII. Outre l'hôtel Valbelle, il avait acheté Pont-Carré et Ferrières, châteaux et terres d'émigrés. Malgré les apparentes anomalies de sa conduite politique, il serait encore possible d'en expliquer l'une par l'autre les modifications successives. Un très grand écrivain, qui à demeuré au 112 de la même rue, le vicomte de Chateaubriand, n'a-t-il pas donné, lui aussi, dans des contradictions politiques ? Fouché disait un jour à l'empereur que Louis XVI aurait dû dissoudre le corps qui s'était arrogé le droit de représenter à lui tout seul le souverain. Mais il me semble, lui dit Napoléon, que vous étiez un de ceux qui ont envoyé Louis XVI à l'échafaud ? Oui, Sire, répondit le duc d'Otrante ; c'est le premier service que j'ai rendu à Votre Majesté. Le Cte d'Entraigues : Lorsque nous rentrerons en France, proclamait presque cet émigré vindicatif, il faudra que quatre cents mille têtes tombent à nos pieds ; la guillotine est tout ce qu'il faut garder du régime révolutionnaire. Je serai le Marat royaliste... Un domestique anglais l'assassina à Londres, avec sa femme. M. de Vence : Les fenêtres du comte de Vence donnaient en regard de la grille du couvent, alors que la marquise de Pompadour, à l'apogée de sa domination, était aussi l'arbitre de la mode et du goût : la galerie de M. de Vence n'était pourtant pas pompadour, elle devait sa réputation aux maîtres de l'école flamande. En ce temps-là M. de Pisis, M. Hussard, la présidente Le Vayer et M. Bernard étaient propriétaires des quatre maisons précédant la rue Saint-Dominique, dont l'une était la demeure du comte de Vence. Mme de Boulôgne et Piron. Veuillot. Véron
: Mais nous voyons, loin qu'il en vaque,
Le n° 60, voisin de l'ancien couvent de la Visitation, a été la propriété du père de M. Odilon-Barrot. Le 53 est à la discrétion de Mme Delamotte, qui n'est pas la gracieuseté même, et si le malheur voulait que sa maison eût besoin d'enchevalement nous dirions que c'est contagieux. M. Véron, député de la Seine, est né sous ce même toit, chez son père. On pourra dire de ce glorieux, qui se donne en spectacle comme homme universel, qu'il a eu pour unique talent de jouer avec bonheur à tous les jeux, sans qu'on le traitât de grec, et que pourtant il en a toujours cuit de mettre de l'argent dans son jeu. Hôtels Galliffet, Dillon, La Feuillade,
Ligny, Giac, Dupin, Clermont-Tonnerre, La Valliére et autres. Les
Récollettes.
Un Arago au Bal du Salon-de-Mars. Les Convalescents. Les Missions.
Les Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul-de-Mars : Depuis 1812 le n° 85, qui alors était peint en noir comme tous les autres numéros de la rue, a changé de couleur, mais a gardé sa place. C'est l'ancien monastère royal de l'Immaculée Conception, dit, aussi des Récollettes, ouvert en l'année 1637. Le 87, maison de bains, a fait partie du même couvent, ainsi que tout l'espace embrassé d'un côté par le 89 et de l'autre par la rue Grenelle, où s'étendait aussi le jardin monastique jusqu'à la rue de la Planche. Ce quartier doit un peu aux récollettes la plus belle fontaine de Paris, pour l'édification de laquelle elles ont donné le terrain nécessaire rue de Grenelle. Néanmoins, la Religieuse de Diderot ayant fait du tort à toutes les communautés, celle-ci n'échappa pas plus que les autres à la suppression de l'an de Révolution 1792. Ses maisons se vendirent les 9 floréal an V, 21 pluviôse et 25 germinal an VI et 23, nivôse an VII. On établit même un théâtre dans la ci-devant chapelle des récollettes : Potier, le comédien inimitable, y débuta. Peu de temps après la prise du Trocadéro, la duchesse d'Angoulême ramena une vingtaine de sœurs dans l'ancien monastère royal, où elle payait leur loyer, et ces religieuses n'en firent que plus d'économies ; elles parlaient de racheter tout le couvent, avec et y compris le cimetière, quand la révolution de 1830 vint pour elles tout remettre en question. Ces mêmes sœurs occupent à présent l'ancien hôtel Chagot, faubourg Saint-Honoré. Le théâtre n'avait pas duré ; on ne saurait en dire autant du Salon de Mars, qui tient sa place. Depuis trente années on y danse de mère en fille tous les jeudis, tous les dimanches, et j'aime à croire que des nonnes évoquées ne se mettent jamais de la partie ; mais des soeurs converses, je ne dis pas ! C'est en vain que Jacques Arago, le vaudevilliste qui n'y voyait pas clair, se jeta au milieu des quadrilles pour les exorciser à sa manière, après l'élévation de son frère à la présidence du Gouvernement provisoire. II engageait vivement M. Godelet, propriétaire de l'immeuble, à refaire du Salon de Mars un théâtre, dont-il offrait d'être le directeur à tâtons. Les danseurs ont foulé aux pieds cette proposition séduisante. Au 97 ont résidé : le prince de Salm, botaniste estimé, et la princesse de Salm, qui écrivait en vers et qu'on a surnommée la muse de la Raison. L'hôtel qui suit est remarquable à l'extérieur par une vieille et belle porte restaurée. Le 100 est actuellement au comte de Turenne, qui y succède aux dames de la Bourdonnaye. Immédiatement après vient le séjour du comte de Sainte-Aldegonde. Le 101 a été surélevé pour le marquis de la Feuillade, qui le tenait de ses ancêtre set qui l'a vendu, après avoir marié sa fille à M. de Bauffremont ; ce n'est plus même à Mme Coustou, fille de M. Trudon et femme d'un descendant du fameux sculpteur Coustou, qu'il appartient, c'est au Crédit foncier. Cet hôtel d'Aubusson de la Feuillade a été habité jadis par le courtisan de Louis XIV qui a fait la place des Victoires, peut-être aussi par le héros de cette race qui a forcé les Turcs à lever le siége de Rhodes. Le grammairien Chapsal, maire de Joinville-le-Pont, possède l'ancien hôtel et le jardin répondant au chiffre 104. Aussi bien ne cherchons-nous pas dans ces parages un hôtel de Ligny, encore mentionné sous l'Empire par Saint-Victor ? Le même nom du moins fut porté par un ancien condisciple de Gresset, qui avait vu le jour à Amiens, comme ce poète. Le 103 ne fut-il pas l'hôtel du marquis de Giac, cousin de la reine Hortense par alliance, et dont le père mourut révolutionnairement ? Et le 105, celui du député Quinette, très ardent révolutionnaire, qui finit cependant par s'humaniser au pouvoir, et qui transféra là le ministère des cultes, quand il en avait le portefeuille. Cette revue des principales maisons de l'autre siècle sera presque complète ; mais gardons-nous d'oublier un hôtel qui, des mains du vicomte de Seyssac, a passé dans celles du président M. Dupin, et qui a dépendu des Missions-étrangères. La maison voisine, ancien hôtel de Clermont-Tonnerre, était familière au duc et pair de ce nom, de même qu'à son fils, député aux États-généraux ; il fut investi plusieurs fois, malgré les opinions du député favorables aux réformes, et le père ainsi que le fils, un peu avant le 9 thermidor, furent sacrifiés à d'aveugles vengeances. Le marquis de Clermont-Tonnerre eut le portefeuille de la guerre, sous Charles X. Plusieurs années du règne suivant furent passées dans l'hôtel par cet autre ministre et pair de France dans la disgrâce, qui restait pour s'en consoler homme de génie, et que nous avons déjà nommé : Chateaubriand. 106 reste la marque de l'ancien hospice des Convalescents, créé en 1628 par Mme de Bullion, femme du surintendant des finances de Louis XIII. Le siècle métallique où nous vivons ne sera pas fâché d'apprendre que les premiers louis d'or furent frappés sous la surintendance du mari de la fondatrice de cet hospice. Les religieuses de la Charité en eurent la direction sept ans après. De cet établissement, supprimé en même temps que la communauté des récollettes, l'immeuble fut vendu par la direction des hospices en 1812. On en reconstruisit tout ce qui donne sur la rue du Bac pendant le troisième lustre qui suivit. Dubois de Saint-Gelais, qui avait publié sous le voile de l'anonyme l'Histoire journalière de Paris en 1717 et d'autres écrits, était propriétaire à l'angle de la rue de la Planche (maintenant ajoutée à la rue de Varennes) les héritiers de sa veuve vendirent la maison à Charles Malassis, dans l'année où le duc de Lorges acquit du marquis d'Ancenis l'un des angles de la rue de Varennes. Le séminaire des Missions-étrangères est l'œuvre de Bernard de Sainte-Thérèse, évêque de Babylone, qui se trouvait déjà propriétaire de plusieurs maisons et cultures rue du Bac et rue de Babylone avant la formation du noviciat apostolique. Le 132 s'appela d'abord par métonymie
La Vallière. Louis-César La Baume Le Blanc de la Vallière,
petit-neveu de la duchesse, était grand fauconnier de la Couronne, bien
qu'il n'y eût plus d'oiseaux de proie lancés sur le gibier royal
; il recevait des gens de lettres, principalement Moncrif et Voisenon, et sa
réputation de bibliophile se justifiait par la bonne composition de
sa bibliothèque considérable, qui est devenue le fond de celle
de l'Arsenal. Mort en 1780, il avait laissé à la duchesse de
Châtillon,
sa fille, cette grande demeure, qui appartient à la communauté des
sœurs de Saint-Vincent-de-Paul depuis 1815 ou 20. Parmi les dépendances
qui se rattachent à l'hôtel, depuis que ces religieuses l'occupent,
figure un autre hôtel qu'a habité la famille de Crouseilhes. |
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