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BOULEVARD BEAUMARCHAIS,
IIIe, IVe, XIe arrondissements de Paris (D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Précédemment, boulevard Saint-Antoine ; on l'a appelé aussi boulevard de la Porte Saint-Antoine. Origine du nom : Pierre Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), écrivain et auteur français ; son hôtel était situé à l'angle du boulevard Richard Lenoir et du boulevard Beaumarchais. Caron de Beaumarchais. Les Contre-allées
: L'illustre auteur du Mariage de Figaro, y eut une propriété d'un luxe seigneurial, qui ne mesurait pourtant pas plus de 4,000 mètres de superficie, entre la rue d'Aval, la rue Amelot et la place Saint-Antoine, et dont l'avenue principale, donnant sur le boulevard, portait cette inscription :
Ce petit jardin fut planté Une large voûte souterraine menait de ce distique au centre du jardin dont il était le préambule, et la présidence de la cour appartenait à une statue de gladiateur. D'autres statues encore, notamment celle de Voltaire, faisaient Partie de la décoration ; ainsi que plusieurs vues de Ferney et comme tous les arts devaient être honorés chez le seul prince que la Révolution n'empêchât pas de s'offrir un château, il y avait une belle salle de concert. On admirait aussi des grottes, des rocailles, des bosquets, un labyrinthe et un haha, c'est-à-dire une ouverture pratiquée dans le mur, sous la protection d'un fossé, et qui surprenait la vue au détour d'une allée en élargissant l'horizon. D'autres légendes, à l'intérieur, indiquaient la destination de plusieurs pièces, notamment ce latin de cuisine :
Erexi templum à Bacchus Beaumarchais tenait à la fois de son frondeur de Figaro, car il ne s'était enrichi, ayant pour père un horloger, qu'en s'engageant dans toutes sortes d'affaires, et de son élégant Almaviva car il savait descendre jusqu'aux manants pour se relever grand seigneur. II se fixait en regard de l'emplacement où s'était élevée la Bastille, comme un vainqueur en vue de son champ de bataille, et le fait est que ses idées n'avaient pas attendu le 14 juillet pour monter à l'assaut ; mais Basile, son mignon, ne l'avait pas empêché, sous l'ancien régime, de laisser sa femme et sa fille à l'abbaye Saint-Antoine, pendant plusieurs de ses voyages. Sans aucun doute il préférait la cour où il avait été reçu en qualité de musicien, accompagnant sur la harpe et sur la guitare Mesdames, filles de Louis XV, au gouvernement terroriste qui l'emprisonna, qui ne lui épargna que l'échafaud. La mort vint surprendre Beaumarchais dans sa maison, le 19 mai 1799. Sa veuve ne changea pas de domicile. La Ville n'acheta l'immeuble que le 28 mai 1818 de Delarue et d'Amélie-Eugénie Caron de Beaumarchais, sa femme, moyennant 508,300 fr. La démolition s'ensuivit ; toutefois un pavillon, qui avait pour ceinture un balcon circulaire, et que Beaumarchais avait dédié tout spécialement à Voltaire, ne fut jeté bas qu'en 1826. De cette propriété à l'ancien corps de garde de la Galiote se déployaient de belles contre-allées, que Louis XIII, si ce n'est Henri IV, avait octroyées à la Ville, pour en faire la promenade des habitants paisibles du Marais ; mais les grands arbres qui les ombrageaient en plein jour cachaient le soir trop d'amours illicites pour que l'édilité ne songeât pas à les abattre, et ce parc-aux-cerfs du faubourg Saint-Antoine devenait, qui plus est, du côté de la rue Amelot, un réceptacle non moins obstiné d'immondices. Une ordonnance royale du 19 février 1846 supprima donc les contre-allées, le terrain fut vendu par lots, et pendant que la Ville y gagnait des millions, le boulevard Beaumarchais n'avait qu'à tendre son bras droit pour que de coquettes maisons neuves, sorties de terre par enchantement, prissent ce bras pour alignement. Ninon de Lenclos : Jules Hardouin Mansart. Autres
Habitants des Maisons accotées à la Rue des Tournelles : Hardouin, sur les dessins duquel furent bâtis l'hôtel des Invalides, le palais de Versailles, le château de Marly, etc., reçut le cordon de Saint-Michel, et sa fortune devint considérable. Un jour que sa maîtresse lui avait dérobé une ordonnance de 50 000 livres, destinée à divers paiements, Louis XIV eut la générosité de lui en faire expédier une seconde. L'hôtel que s'édifia lui-même cet architecte, sur terrain dont il s'était rendu adjudicataire au bureau de la Ville en 1699, a une entrée rue des Tournelles, 28, primant la grille du boulevard Beaumarchais. Un prêtre a la disposition du rez-de-chaussée ; le plafond de son cabinet est enrichi d'un merveilleux groupe d'amours, qui date de la fondation. Plus haut une galerie à colonnes offre un balcon marqué aux initiales du second Mansart. Un grand salon n'existe plus, dont on voyait encore, en 1792 les colonnes à chapiteaux corinthiens dorés et le plafond en plein-cintre décoré de peintures d'Allegrain et de Le Brun. Heureusement un petit salon a survécu, où du pinceau de Mignard s'est détachée une admirable Assemblée des Dieux. Une Gérés accompagnée de Bacchus, par le même auteur dominait une pièce qui est veuve aujourd'hui de cette brillante œuvre d'art. Sur le versant de la rue un portique est orné de quatre têtes de lion, et à la cage d'un vaste escalier, malheureusement déshérité de sa rampe caractéristique adhère un médaillon qui représente Louis XIV. Quand aux fenêtres d'en bas, elles étaient garnies de barreaux à une époque où la police laissait le champ libre aux voleurs, crainte de déranger des amants dans leur innocente escalade ; un fossé tenait alors le boulevard en respect sur la lisière du jardin. Les précieuses virent dans leur neuf ces appartements somptueux, bien qu'elles fussent déjà décriées ; Ninon les regardait comme les jansénistes de l'amour. Comme elle donna des conseils à Molière, on peut croire que les femmes savantes lui durent en quelque chose, après les précieuses, d'être tournées en ridicule sur la scène, avec plus de retentissement que dans les salons. Mlle de Lenclos, entendant une fois Mignard se plaindre de ce que sa fille, qui fut depuis la comtesse de Feuquières manquât de mémoire, dit pour l'en consoler : – C'est fort heureux, ma foi, pour son mari, elle ne lui fera pas de citations. Ninon, qui habita aussi une autre maison de la rue des Tournelles, cessa de vivre deux années avant l'architecte, qui avait commencé plus de trente ans après Hardouin, qui mourut à Marly le 11 mai, en 1708, fut rapporté dans son hôtel, puis inhumé à Saint-Paul sa paroisse. M. Sinet tient cette propriété de son beau-père, qui l'a acquise sous l'Empire. Lemaître, architecte dés bâtiments du roi, habita une maison contiguë, qu'il avait construite sur une place à lui cédée par Hardouin-Mansart ; il y eut pour successeur Nicolas Gaillard. Une autre, donnant rue Jean-Beausire et sur le boulevard, fut laissée vers 1730 par Liévin, docteur en Sorbonne, à Claude Liévin, épouse de Laborie, apothicaire, et à Marie-Madeleine Liévin, veuve de Guérin, charpentier. Vu du boulevard, le 37 est moderne ; une belle rampe en chêne, dans un large escalier, qui se rapproche de la rue des Tournelles, n'en annonce pas moins l'âge respectable de cet ancien hôtel du duc de Melun, où demeurait Beudin, député, sous le règne de Louis-Philippe. Ce duc n'était-il pas Louis de Melun, marquis de Maupertuis, lieutenant général qui défendit le Havre contre les Anglais, et en faveur duquel fut rétablie en 1714 la duché-pairie de Joyeuse, dont les titulaires venaient de s'éteindre ? Autre rampe magnifique au 43, que précède un jardin, dont une porte contemporaine de Ninon de Lenclos donne sur la rue basse. Cette héroïne de la philosophie galante, qui n'a jamais cessé d'être jeune et de le paraître, a reçu là plus d'un amant, dans une chambre du premier étage qui a plus fidèlement gardé et garde encore les mêmes boiseries, glaces, dorures et peintures depuis la première visite du prince de Condé. Après vient une maison du même temps, sans numéro ; du moins on n'a pas su où fixer, sur la grille l'estampille municipale portant le chiffre 45, qui est sien : Caillot, notable charcutier, dont la petite-fille est la femme du docteur Trousseau, y précéda la famille Grébert comme propriétaire. D'aspect pareil est l'immeuble qui suit ; un des 25 marchands de vins privilégiés qui suivaient la cour de Louis XV, ayant nom Proustot de Mont-louis, le laissa à sa fille, Mme le Montchoisy, belle-mère de M. Glandaz, magistrat, possesseur actuel. Encore deux façades au n° 51, qui fut logis de la musique du roi tout à la fin du siècle XVI et le bruit court aussi qu'une jolie femme y ajouta le tendre accord dont Henri IV lui donnait la mesure aux accords de l'orchestre royal. Cette maison a appartenu, sous le règne de Louis XV, à Jean Aviat, receveur des tailles de l'élection de Paris et à sa sœur, épouse de Dubuisson, conseiller secrétaire du roi ; après la mort de ces propriétaires, les syndics de leurs créanciers l'ont vendue ; depuis lors elle a changé de mains deux ou trois fois. On l'appelle la Fosse-aux Lions, probablement à cause de la profondeur du jardin. Que si les receveurs des tailles ont quelquefois laissé des successions embarrassées, des pâtissiers, en revanche, ont bien, pu faire fortune à leurs dépens. Par exemple, Félix, du passage des Panoramas, s'est retiré dès la Restauration au n° 53, avec un parterre sous ses fenêtres, dans une propriété dont le bâtiment le plus ancien portait en l'an III de la République le n° 83, section de l'Indivisibilité, boulevard Antoine, après avoir appartenu en 1784 à l'architecte Cressot. Reste le 87, qui naguère n'avait encore qu'un seul étage avec perron, jardin et barrière par devant le général Drouot en a occupé le premier, postérieurement à Rameau, un sellier, fournisseur enrichi des armées de la République. Reste aussi le 111, dont la prestance pleine de dignité rappelle certainement le grand siècle, et qui, comme les maisons voisines, fut bâti sur le clos Margot. Un centenaire enfin, ou peu s'en faut, ferme la marche : le 113. Il y a trente ans à peine qu'on ne le nomme plus le Château, et sa façade évidée, à l'angle d'une rue, est d'une coupe aristocratique. Si nous ne savons pas au juste quel personnage s'y grisa de champagne et de beautés faciles, pour en sécher les plâtres, c'est que deux des célébrités du genre eurent à la fois leur petite maison au Pont-aux-Choux, le duc de Grammont et le duc de Fronsac. Sous l'Empire, le général marquis de Faudoas possédait l'immeuble, et Mme Dabos, connue par ses talents en peinture, y demeurait ; puis ce fut à M. Bosselet, père d'un publiciste de ce nom, et sous la présidence du fils, citoyen à peine majeur, des assemblées électorales préparatoires avaient lieu au Château en 1848. Est-ce que pareille moisson de renseignements ne suffirait pas encore aux granges de l'historiographie ? Dans ce cas rentrons dans le champ, pour y glaner une dernière poignée d'épis. Le charpentier Bombeuf avait acquis des hoirs de Michel Villedo, secrétaire du roi, et de Marguerite Hanicle, sa femme, une langue de terrain qui s'allongeait de manière à border presque tout le Cours entre la rue de Poitou, alias du Pontaux-Choux, et la rue Saint-Claude, mais qui n'était large que de 13 toises, 2 pieds, et il y avait élevé une seule maison, dont vraisemblablement le Château n'est que la reconstruction. François Bombeuf, bourgeois de Paris, et Poty potier d'étain, en étaient propriétaires vers l'époque où se livra la bataille de Fontenoy. En ce temps-là l'hôtel du conseiller du roi Barilion, comte de Morangis, qui fut aussi hôtel de Venise, rejoignait le boulevard par ses dépendances, en partant de la rue Saint-Gilles. L'angle de cette rue le plus éloigné du Pont-aux-Choux avait pour propriétaire en 1791 le citoyen Ménessier et fut habité postérieurement par Charles Nodier. L'immeuble où se maintient un vieux café à l'encoignure de la rue du Pas-de-la-Mule, nouvellement dite des Vosges, appartenait en 1650 à Pierre de Creil, puis à Creil de Marsilly, puis à Claude-Eléonore de la Fresnaye. Les Goujon, famille d'avocats et d'épiciers, avaient une maison près de la Bastille quand le XVIIIe siècle entra dans son troisième quartier. |
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