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RUE DE BAGNEUX
(D'après Histoire
de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)
Notice écrite en 1857. Mme de Chalot. La Mort de César.
Le Peintre Uzanne. Le Pigeonnier. M. de Mérode. Le Cimetière : Le dernier de ces numéros va introduire l'ami lecteur dans un hôtel qui appartient à Mme la comtesse de Chalot, à laquelle nous demandons mille fois pardon de dire son âge : 87 ans. On ne s'en douterait guère, en la voyant, soit aux Champs-Élysées dans sa voiture, soit aux premières représentations que donne la Comédie Française. M. de Chalot, son second mari, ne l'a pas été longtemps, mais, en vertu de premières noces, elle a porté aussi un nom illustre dans les arts, et à côté duquel l'autre tient de l'incognito. Mlle Charlotte Vanhove, artiste du théâtre de la République, aujourd'hui comtesse de Chalot, a épousé Talma le 16 juin de l'année 1802. Napoléon Ier a plusieurs fois, dit-on, payé les dettes de l'éminent acteurs ; eh ! bien s'il arrivait que sa veuve pût craindre à cet égard une réclamation, qui n'aurait pas le sens commun, elle ne se cacherait pas davantage sous la couronne de comtesse qu'elle porte avec amour depuis près de trente ans. Talma, pour obtenir la main de la charmante et blonde Charlotte Vanhove, qui jouait supérieurement le rôle de Cassandre dans l'Agamemnon de Lemercier, et celui d'Araminte dans les Fausses Confidences, a divorcé lui-même avec sa première femme. Le voyage de noces des deux époux a été fait par ordre, et les a conduits à Erfurth, où le futur empereur avait promis au tragédien, son favori, de le faire jouer devant un parterre de rois. Quelle fut l'inquiétude de Talma, lorsque Napoléon, choisissant le spectacle, eut enjoint aux acteurs de donner la Mort de César ! Plus d'un César, parmi les spectateurs, prenait les énergiques vers de Voltaire pour le compte de Sa Majesté, et Talma, à chaque hémistiche, cherchait en vain à regarder dans la salle quelqu'un qui ne pût rien s'appliquer. Jamais l'art dramatique ne fut, comme ce jour-là, le plus vivant, le plus inspiré et le plus difficile des arts ! Mme Talma, qui avait pris puce avec le public, sentait si vivement tout ce qui faisait battre le cœur du tragédien, et tous les autres cœurs, que, brisée par tant d'émotions, elle se trouva mal à la fin du spectacle. le 11 fut l'hôtel d'un prélat, sous le règne du roi-martyr, puis un refuge pour les repenties sortant de Saint-Lazare, maison fondée par un abbé sous le patronage de la fille de ce roi. M. Gobelet de Beaulieu, référendaire à la cour des comptes, s'en rendit acquéreur avant 1830 ; son gendre, M. Uzanne, peintre d'histoire, lui a succédé. Dans le jardin un buste, qu'on voit de la cour, rappelle que Valentin de la Pelouze, fondateur du Courrier Français, était de la famille de cet artiste recommandable. La façade du n° 4 sent aussi son vieux temps ; le bâtiment du fond a pris la place d'un noble pigeonnier. Si je dis noble, c'est qu'autrefois les roturiers ne pouvaient pas avoir de construction élevée et ronde pour pigeonnier. M. Sibuet, ancien président à Corbeil, a possédé, sous la Restauration, cette maison bâtie on 1743 pour un autre magistrat, nommé Duplessis de Bioche. Le 6 date tout bonnement de la première république ; le 9 est son aîné. Trois des immeubles précités peuvent se disputer l'honneur ou le plaisir d'avoir été la demeure ou la petite maison du comte de Mérode, au temps où Mme de Pompadour était ministre sans portefeuille. Au coin de la rue de Vaugirard s'élève, entourée d'arbres et de fleurs, une jolie maison neuve, où il se chante au piano des ballades qui donnent vraiment envie d'y vivre. Mais elles n'ont pas encore ressuscité les morts qu'on enterrait jadis dans un mélancolique petit cimetière, enterré lui-même à son tour sous cette jolie maison qui chante. |
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