Rues et places de Paris
Cette rubrique vous livre les secrets de l'histoire des rues et places de Paris : comment elles ont évolué, comment elles sont devenues le siège d'activités particulières. Pour mieux connaître le passé des rues et places dont un grand nombre existe encore.
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COUR D'ALIGRE,
Ire arrondissement de Paris
(D'après Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, paru en 1875)

Notice écrite en 1856.

Ancien hôtel Schomberg d'Aligre :
M
me de Gourchamp et M. Creuze sont aujourd'hui propriétaires de cet ancien hôtel Schomberg-d'Aligre, situé rue Saint-Honoré, près de la rue de l'Arbre-Sec, dans lequel, chaque dimanche, un bal attire les commis du quartier. C'est une espèce de cité ouvrière actuellement que la cour d'Aligre, et il y a longtemps que le petit commerce et la petite fabrication s'y partagent l'occupation d'une propriété qui fut d'abord l'hôtel Schomberg, ouvrant sur la rue Bailleul et sur la rue Saint-Honoré.

Schomberg, maréchal de France, commandait les troupes allemandes au service de la France pendant les guerres religieuses et celle de la Ligue, sous Charles IX Henri III, Henri IV. Le duc du même nom, son fils, également maréchal de France, épousa Marie de Hautefort, fille d'honneur de Marie de Médicis et célèbre par sa beauté, qui inspira un amour platonique encore plus rare a Louis XIII. Le comte de Schomberg, sous Louis XV, était un gentilhomme instruit et spirituel, lié avec les gens de lettres, surtout avec d'Alembert et Voltaire ; il allait a Ferney, il était maréchal de camp. La comtesse de Schomberg, pour laquelle eut de l'amour le maréchal de Kellermann, finit d'une manière ; plus modeste. M. de Schomberg, son mari, était un tyran domestique, jaloux non-seulement de ceux qui faisaient la cour à sa femme, mais encore des oiseaux qu'elle élevait innocemment en leur apprenant ses chansons. Elle avait, par exemple, un serin, que le comte ne craignit pas de faire rôtir, en la forçant à prendre sa part de ce festin, rappelant celui de Gabrielle de Vergy. Si les grandes familles commencent comme le Nil, dont on ne connaît pas trop bien les sources, il est juste d'ajouter, qu'elles finissent un peu comme le Rhin, dont l'embouchure s'égare dans les sables. Mme de Schomberg est morte a Sainte-Périne, dans un état d'obscurité qui contrastait avec ce que son nom avait de mémorable.

Les Schomberg et même les d'Aligre résidèrent aussi presque en face, de l'autre côté de la rue Saint-Honoré. L'Étienne d'Aligre du temps de Louis XIV, doyen du conseil d'État, garde des sceaux et chancelier, prêta au grand-conseil, pour y tenir ses séances, le plus grand salon de l'hôtel qui donna son nom à la cour. Le d'Aligre qui fut ensuite président à mortier et premier président du parlement de Paris, n'habitait plus du tout cette grande maison, déjà peuplée de locataires. On y faisait en 1762 une exposition des peintures de l'académie de Saint-Luc.

Le premier restaurant à la carte connu à Paris s'établissait, six ou huit ans plus tard, dans la cour d'Aligre, après un court séjour dans la rue des poulies. Restaurant voulait dire alors bouillon de prince : ces deux termes étaient synonymes. Roze et Pontaillé s'étaient associés pour renchérir sur les cabaretiers, pâtissiers, traiteurs et aubergistes, qui servaient tous à tant par tête, depuis six sols jusqu'à un louis. Mais on ne vendait pas que du bouillon cour d'Aligre ; la carte y ajoutait de la volaille fine, des œufs, du riz au maigre et au gras, du macaroni, des compotes, des crèmes, des confitures, du vin de Bourgogne, avec le prix en regard de chaque article : un chapon, par exemple, coûtait 3 livres 12 sols ; la moitié 1 livre 16, et le quart 18 sols. C'était toute une innovation, présentée comme un avantage pour les palais friands et les estomacs délicats. Roze et Pontaillé tenaient à flatter le goût, mais sans se brouiller avec l'esprit ; aussi commençaient-ils par servir à tout venant, en guise d'apéritif, ce distique inscrit en grosses lettres sur le mur :

Hic sapidé titillant juscula blanda palatum,
Hic dater effaetis pectoribusque salus.

Vers le même temps l'ancien hôtel du grand-Conseil s'encombrait d'un roulage, servait de siège à une agence de police commerciale et de toutes sortes d'affaires, se donnant pour Bureau général d'Adresses personnelles et d'Indications, et ne dédaignait même pas de rendre les ramoneurs ses tributaires, pour le loyer de leur bureau central. Le roi avait permis en 1777 au sieur Joseph Villemain d'engager autant de ramoneurs que bon lui semblerait, et de les distribuer dans différentes succursales pour les besoins de la ville et des faubourgs. Vingt dépôts étaient donc créés, et une troupe de petits savoyards y faisait un service réglé : leur uniforme était couleur de suie, et chacun d'eux portait son numéro sur une plaque de cuivre, qu'il était tenu de repolir, avant de se débarbouiller, en sortant de chaque cheminée : A la moindre lueur d'incendie, tous les ramoneurs du quartier devaient se rendre en toute hâte sur le théâtre du sinistre, aux termes du cahier des charges.


 

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